Contrats d’objectifs, professionnalisation, hausse des droits d’inscription : E.Macron promet d’en finir avec l’université publique

Alors que nous étions nombreux-ses à défiler dans la rue le 13 janvier 2022, en raison de la gabegie logistique que connaissent tous les secteurs éducatifs, le Président de la République était devant la Conférence des présidents d’université (CPU), lobby patronal de l’ESR désormais rebaptisée « France universités », pour présenter son programme pour l'université (à lire ici). Mettant en exergue ce qu’il considère comme un « échec de nos étudiants dans les premiers cycles », il a défendu une université « plus efficacement professionnalisante » et devant répondre prioritairement aux « besoins de compétences actuels et futurs de notre pays » et aux « besoins des métiers de la nation ». Il a surtout affirmé qu'on ne pouvait rester dans « un système où l'enseignement supérieur n'a aucun prix pour la quasi-totalité des étudiants », en raison de la « difficulté à financer un modèle » qui serait selon lui « beaucoup plus financé sur l'argent public que partout dans le monde ».

Pour SUD éducation, les propos d’E. Macron constituent des attaques graves contre le service public de l’ESR, contraires à la vision de l'université que nous défendons.

L'université doit rester ce service public qui n'a « aucun prix pour la quasi-totalité des étudiants » car offrir la possibilité à toutes et tous de se former, d'apprendre à penser n'a précisément pas de prix. Rappelons que le préambule de la Constitution « garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'Etat. », garantie confirmée par le Conseil d’Etat en 2019. A rebours de ce droit affirmé constitutionnellement, les propos d’E. Macron ouvrent ainsi la voie à une privatisation et libéralisation de l’ESR, où les étudiant-e-s devront s’endetter pour poursuivre leurs études. 

L'université doit rester le lieu des possibles, où les étudiant-e-s peuvent se chercher, se ré-orienter, mûrir, se trouver. Dans son discours, E. Macron invente purement et simplement le chiffre de 50% d’étudiant-e-s ne se présentant pas aux examens en L1: comment pourrait-il en être ainsi puisque que le taux de passage en L2 est de 53%? Si E. Macron veut chercher des explications à l’échec à l'université dans les premières années, qu’il regarde du côté du taux d’encadrement et du budget par étudiant-e-s en baisse constante depuis des années. 

La mission première de l'université n'est pas de former les travailleurs et travailleuses mais de produire et diffuser des savoirs, indépendamment des contraintes conjoncturelles. SUD éducation combat la vision libérale de l’université promue par E. Macron qui vise à homogénéiser dans le système d’enseignement le « capital humain » à partir de l’offre d’emploi, et non en fonction des demandes autonomes et émancipatrices des élèves et étudiant-e-s.

Par ailleurs, M. Macron se félicite d’avoir « ouvert des places » pour les étudiant-e-s, 30000 depuis 2020 selon ses dires, alors que les capacités d’accueil et les taux d’encadrement sont très en dessous de la poussée démographique, à savoir 91 000 bacheliers de plus en deux ans. L’université a besoin de l’embauche de 9000 personnels immédiatement et de plusieurs dizaines de milliers sur les prochaines années, de la construction d’une dizaine d’universités, d’une harmonisation vers le haut de la dépense par étudiant-e…

L’université doit rester accessible à tout-e élève ou étudiant-e. E. Macron se targue d’une « formidable réussite » de Parcoursup, dont l’effet principal a été d’accentuer les inégalités dans l'accès aux différentes formations de l'enseignement supérieur. E. Macron n’en a cure, puisque tout n’est pour lui qu’une question de bonne “orientation”, c’est-à-dire de mise en adéquation entre performances individuelles et diplômes. La promotion d’une telle illusion méritocratique ne fait que renforcer la pression sur les élèves et leurs familles, ainsi que sur les enseignant-es chargé-e-s de les accompagner sans heures, budgets ou formations dédiées. Surtout, faire porter à l'orientation le poids de la résorption des inégalités d'accès permet de ne surtout pas repenser la structure même de l'offre de formation (financement et taux d'encadrement des filières universitaires par comparaison aux CPGE ou STS par exemple) ou le principe de mise en concurrence des formations et des candidat-es entrant dans le supérieur (capacités d'accueil saturées, listes d'attente anxiogènes).

Enfin, si E. Macron propose de mettre fin au dualisme entre grandes écoles et organismes de recherche d’un côté et universités de l’autre, ce n’est certainement pas pour harmoniser vers le haut et pour assurer un financement égalitaire de l’ensemble des formations et des activités de recherche, mais pour confirmer la restructuration d’ensemble du paysage de l’ESR autour des EPE, susceptibles de rassembler universités, écoles - publiques et privées - et EPST dans des mastodontes ayant pour seuls objectifs la rationalisation de la formation et l’introduction de nouvelles filières élitistes amplifiant les logiques d’enseignement supérieur à deux vitesses, la réduction de la masse salariale par la casse des statuts et le recours massif aux contrats précaires, enfin la course aux financements dans un contexte d’extension de la logique des appels à projet.

En effet, outre la hausse des droits d’inscription, déjà possible grâce aux dérogations au Code de l’éducation dont bénéficient les EPE, l’autre orientation majeure annoncée par E. Macron réside dans le parachèvement du processus d’autonomisation budgétaire des établissements initié par la loi LRU de 2007. Selon E. Macron, « l'État devra passer avec les universités de véritables contrats d'objectifs et de moyens pluriannuels », c’est-à-dire que le financement structurel des universités, déjà largement insuffisant par rapport aux besoins, serait progressivement remplacé par une logique de contractualisation dans laquelle les universités, transformées en prestataires d’activités d’enseignement et de recherche sur un marché concurrentiel, devraient candidater pour obtenir le financement de leurs missions et se verraient imposer des objectifs chiffrés dont l’atteinte conditionnerait la pérennité des financements.

Les propos d’E. Macron devant les présidents d’universités sont clairs et proposent de poursuivre son programme politique de casse du service public de l’ESR. SUD éducation s’y opposera, en commençant par appeler les personnels à participer à la journée de grève et de mobilisation du 27 janvier et soutenir les organisations étudiantes dans leur journée de mobilisation contre la sélection le 3 février.