Les concertations : la nouvelle stratégie de communication du gouvernement

Pour marquer une rupture avec l’autoritarisme de son prédécesseur et s’inscrire dans le projet macroniste de la soi-disant « refondation », Pap Ndiaye annonce de grandes concertations à tous les niveaux. Ne nous y trompons pas : le budget 2023 met au jour de nouvelles suppressions de postes et les annonces consacrent une école à deux vitesses dans laquelle les moyens alloués à la scolarité des élèves dépendent du volontariat des équipes. 

Les concertations organisées par le Ministre ressemblent davantage à un coup de communication qu’à une véritable concertation. « Notre école, faisons-la ensemble » nous dit le Ministre, pourtant il refuse toujours de reporter les épreuves de spécialité à la fin de l’année scolaire alors même que les professeurs dénoncent unanimement les conséquences pédagogiques néfastes de cette organisation.

Les concertations auront lieu à partir d’octobre dans les écoles, collèges et lycées volontaires et se dérouleront en trois temps : 

  • d’abord, des débats avec deux jours banalisés dans le 2nd degré et 12h prévues sur les 108h annuelles de missions autres que l’enseignement dans le 1er degré, 
  • ensuite, un travail sur les projets d’école et d’établissement, 
  • enfin, des demandes de subventions : un fonds de soutien pédagogique doté de 500 millions d’euros sur le quinquennat, 150 millions sont fléchés sur le budget 2023.

Pap Ndiaye réinvente le projet d’établissement. Or, le projet d’établissement se borne trop souvent à la déclinaison sans moyens des priorités académiques. Les équipes qui participeront à la concertation devront se battre pour imposer leurs priorités et faire entendre leurs besoins.

La réponse qu’apporte Pap Ndiaye aux difficultés que rencontre le service public d’éducation est inacceptable : d’un côté il poursuit les suppressions de postes et s’acharne sur la mise à sac de l’éducation prioritaire et du lycée professionnel, de l’autre il veut que les personnels développent des projets en plus de toutes les missions qu’ils effectuent déjà. 

Cette politique est inquiétante. D’abord elle participe à externaliser le traitement des difficultés hors de la classe alors qu’il faut impérativement améliorer les conditions du temps scolaire en baissant le nombre d’élèves par classe. Les personnels peuvent élaborer des projets novateurs, leurs effets seront malheureusement limités si les élèves sont trop nombreux en classe pour être aidés et accompagnés par les enseignant-es. De même, les projets ne vont pas résoudre les difficultés des milliers d’élèves en situation de handicap qui ne bénéficient pas d’aide ou pas à la hauteur de leurs besoins. 

Ensuite, on observe une mise en concurrence forte entre les écoles et les EPLE avec cette dynamique de projets : quels sont les critères de financement de certains projets au détriment d’autres? Actuellement, l’administration finance en priorité les projets qui répondent à ses directives. Ainsi les personnels doivent remplir des dossiers administratifs nombreux en montrant qu’ils connaissent la novlangue pédagogique du ministère. C’est encore une charge de travail inutile pour les personnels. 

Les équipes sont confrontées les unes aux autres, soumises à l’exigence de répondre au mieux aux exigences de l’administration pour voir leur projet financé. Ce type de politique éducative a pour objectif de mettre au pas les personnels, de brimer leur liberté pédagogique et de les soumettre toujours davantage aux directives de leur hiérarchie. 

Enfin un des grands dangers de ce projet est de conditionner la prise en charge d’enjeux contemporains fondamentaux au volontariat des équipes. Les luttes contre le dérèglement climatique mais aussi contre les inégalités et les discriminations ne sont pas optionnelles : elles doivent être intégrées au temps scolaire. Ce serait faire peser sur les personnels la responsabilité de participer ou non, bénévolement, à l’éducation des élèves à ces sujets majeurs. On est en-deçà des objectifs affichés d’une école plus juste socialement et plus écologique. De même, on sait que les personnels ne sont pas tous égaux devant l’extension de leur temps de travail,  en particulier les personnels qui sont en situation de handicap ou qui assument des tâches domestiques. Le financement affiché par Macron avec la rémunération « au mérite » ou « au projet » aura pour effet de creuser les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes et entre les personnels handicapés et les autres.

Le projet de Pap Ndiaye consacre une école à deux vitesses dans laquelle les personnels sont rendus responsables des inégalités entre les écoles et les établissements et des difficultés des élèves.

Dans les écoles, SUD éducation appelle les personnels à ne pas participer à ces parodies de concertations locales, qui aboutissent à une charge de travail supplémentaire alors que des cadres de discussion collective existent déjà. 

Dans les établissements du second degré, SUD éducation appelle les personnels à décider collectivement de leur participation ou non à ces deux journées banalisées. Ces concertations devront permettre, là où elles ont lieu, de revendiquer les moyens dont le service public d’éducation a besoin : la baisse du nombre d’élèves par classe, le recrutement de personnels AESH, de vie scolaire, le financement de tous les projets élaborés par les équipes.