Entretien avec le collectif handi-féministe des Dévalideuses

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Brochure Ecole, inclusion et handicap

 

Entretien avec le collectif handi-féministe des Dévalideuses

Nous avons rencontré Julie des Dévalideuses, une association qui défend les revendications des femmes handicapées. C’est un collectif féministe, anti-validiste et intersectionnel.

C’est quoi les Dévalideuses ?
C’est un collectif sur le plan national. Il est en double non-mixité c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’hommes cis et qu’il n’y a pas de personnes valides. Il faut avoir la double condition pour faire partie des personnes actives aux Dévalideuses mais il est possible de faire une adhésion de soutien pour tout le monde. Notre objectif, c’est de visibiliser les oppressions croisées qu’on peut subir lorsqu’on est une femme et en situation de handicap.

 

 

Est-ce que tu peux décrire ces oppressions croisées ?
Quand on est une femme en situation de handicap, ça crée des choses différentes. Ça n’est pas simplement l’accumulation du validisme et du sexisme. Par exemple, souvent, dans les mouvements féministes, les femmes dénoncent le fait d’être ramenées à leur corps et d’être considérées plus comme des objets sexuels que comme des personnes. À l’inverse, les femmes handicapées, souvent, sont considérées en dehors du champ de la sexualité c’est-à-dire que les gens ne vont pas les considérer comme de potentielles partenaires sexuelles ou de relation affective, amoureuse, etc.

Est-ce qu’aux Dévalideuses vous avez eu des retours d’élèves ou d’étudiantes sur leur vécu ?
Parmi les Dévalideuses on a des personnes qui sont en situation de handicap depuis leur naissance et donc qui ont vécu l’institutionnalisation par exemple dans des établissements médico-sociaux quand elles étaient petites. Il y a eu aussi l’année dernière l’histoire d’une jeune femme étudiante en droit qui a subi des discriminations pour pouvoir passer ses examens. Ça a été rendu public via Mediapart.

En quoi, pour les Dévalideuses, le capitalisme renforce le système validiste et patriarcal ?
Pour nous, le capitalisme, c’est très lié avec le validisme puisque c’est deux rapports de domination qui se nourrissent l’un l’autre. Dans le système capitaliste, l’objectif est de faire du profit et donc de faire en sorte d’avoir des travailleurs et des travailleuses les plus productifs et les plus productives possible. Le capitalisme met une norme de capacité au travail et demande toujours plus aux gens qui travaillent en disant que si vous n’y arrivez pas, c’est que vous avez sans doute un handicap. Il exclut donc les personnes qui ne sont pas en capacité de suivre les cadences, etc.

Vous vous revendiquez handi-féministes : qu’est-ce que ça veut dire ?
L’handi-féminisme, c’est le fait de dénoncer les oppressions, les violences subies spécifiquement par les femmes en situation de handicap. Par exemple, les femmes handicapées sont beaucoup plus victimes de violences que les femmes dans leur globalité. C’est plus compliqué pour une femme handicapée victime de déposer plainte. Le système de l’AAH qui est conjugalisée* place aussi les femmes handicapées dans des situations qui contribuent à la survenance de ce type de violences ou en tout cas qui contribuent à rendre plus difficile pour elles de s’en extirper. La conjugalisation de l’AAH, ça veut dire que l’allocation adulte handicapé est calculée en fonction de nos revenus propres et des revenus de notre conjoint ou conjointe, ce qui crée une forme de dépendance. Si on est en couple avec quelqu’un qui gagne de l’argent, l’AAH est diminuée voire supprimée totalement. Il y a aussi d’autres difficultés : il y a très peu de logements accessibles PMR par exemple, d’établissements qui accueillent des femmes victimes de violences qui ont des espaces accessibles PMR… Tout ça fait que c’est impossible pour elles de partir de chez elles.

Le droit à la maternité des femmes handicapées est souvent bafoué. Est-ce que tu peux en parler un peu ?
Il y a le problème des jeunes femmes placées en institution qui sont privées de leur droit d’avoir des relations affectives ou des relations sexuelles avec qui elles veulent. Le système de l’institution va cadrer leurs sorties, leurs relations, etc. Dans le rapport du comité de l’ONU sur les droits des personnes handicapées, il est dénoncé le fait qu’il y ait encore aujourd’hui en France dans ces établissement des pratiques de stérilisation forcée ou à l’insu des personnes. Il y a aussi le problème des réflexions du type : « mais comment tu vas faire pour t’occuper d’un enfant dans ton état ? » C’est nous qui savons si on est capable de faire quelque chose, pas les gens de l’extérieur.
Quand une femme handicapée devient mère, est-ce qu’il y a des difficultés particulières ? Par exemple, quand mon fils aîné est entré en CP, j’ai eu envie de le scolariser à l’école Ange Guépin, l’école Freinet. C’était hyper compliqué de l’emmener en transports en commun. Je me suis renseignée auprès de la Tan (ndlr : la société de transports publics) parce que je savais qu’ils ont des transports adaptés pour les personnes handicapées. On m’a dit : « non, c’est pour la personne handicapée qui peut éventuellement avoir un accompagnateur, mais c’est pas pour accompagner des enfants qui sont valides. » C’était pas possible et du coup j’ai dû renoncer à le scolariser dans cette école.