Fiche analyse – Grenelle de l’éducation

Fiche analyse Grenelle de l’éducation

Le 26 mai dernier, le ministre Blanquer annonçait en grandes pompes les conclusions de son “Grenelle de l’Éducation”. Les mesures annoncées ont vocation à être mises en œuvre au plus tard en janvier 2022. SUD fait le point sur les mesures annoncées.

Revalorisation salariale

Le ministère prétend que ce sont 700 millions d’euros qui seront consacrés à revaloriser les salaires des métiers dans l’Éducation nationale. Mais il s’agit en réalité d’un montant bien inférieur.

100 millions d’euros ne serviront que d’écriture comptable : ils serviront à financer sur une année pleine le dispositif de la prime d’attractivité réservé aux personnels enseignants entre les échelons 2 et 7 de la classe normale.

200 millions d’euros seront effectivement mis au budget de l’Éducation nationale, mais dans le cadre d’un financement de la protection sociale complémentaire des personnels de toute la fonction publique. Si à terme il s’agit, ministère par ministère, de négocier des contrats de prestation sociale complémentaire (mutuelles) payées à 50% par l’employeur, dans un premier temps le dispositif prévoit le versement forfaitaire de 10 à 15 euros mensuels aux agent-e-s à compter de janvier 2022.

SUD formule à cet égard ses revendications :

  • une adhésion obligatoire la plus large possible, pour une prise en charge solidaire;
  • un panier de soin de haut niveau pour toutes et tous, pas en fonction du niveau de revenu ;
  • une couverture élargie aux contractuel-le-s en recherche d’emplois, et les retraité-e-s ;
  • une participation du ministère au-delà du seul panier de soins prévu par la Sécurité sociale ;
  • une inclusion de la prévoyance ;
  • des candidatures réservées aux mutuelles et non les grands groupes assurantiels détenus par des fonds d’investissement.

Lire le tract de SUD sur la protection sociale complémentaire

Ce chantier est suivi de près par SUD éducation et l’Union syndicale Solidaires qui participe aux négociations à l’échelle de la fonction publique sur ce sujet.

400 millions d’euros seulement seront consacrés à de nouvelles mesures qui ne seraient cette fois pas uniquement réservées aux personnels enseignants. Rapporté aux près de 1,2 millions de personnels, cela revient à un effort moyen d’un peu moins de 28 euros bruts mensuel par agent-e. On est bien loin d’une revalorisation significative du salaire des personnels.

À ce stade, aucune mesure concrète n’est annoncée. Ce qui est certain, c’est qu’il s’agit une nouvelle fois de mesures indemnitaires et de primes, sans doute systématiquement réservées à des catégories de personnels : aucune revalorisation globale n’est engagée.

Les dangers des primes

→ Les primes c’est du pouvoir d’achat, mais pas du salaire

Quelle  est  la  différence  ?  Le  traitement   brut   fait   l’objet   d’un   certain   nombre   de   prélèvements   destinés   à   financer  les  différentes  caisses  de  sécurité  sociale  :  c’est  que  l’on  appelle  les « cotisations sociales ». Elles nous permettent de bénéficier du paiement des jours de congés, de la retraite et de l’assurance-chômage   (c’est-à-dire   des   différentes  branches  de  la  protection  sociale). À  l’inverse,  les  primes  et  indemnités  sont  moins  sujettes  à  cotisations.  Les  augmenter est évidemment moins cher pour  l’employeur  que  d’augmenter  les  indices. On ne peut donc s’en contenter, car cela ne se répercute pas sur nos droits  en  termes  de  protection  sociale.  

→ Les primes et indemnités visent à faire accepter une surcharge de travail

De  plus,  les  primes  et  indemnités  diverses  servent  souvent  à  faire  accepter  une  charge  de  travail  accrue  ou  des  conditions de travail dégradées. Dans l’éducation nationale, les heures supplémentaires ont par exemple en partie cette fonction. Présentées par le ministre comme une hausse de la rémunération, elles visent surtout à rendre acceptable une dégradation des conditions de travail et les suppressions de poste.

→ Les primes et indemnités augmentent les inégalités entre les personnels, en particulier les inégalités femmes/hommes

Les primes et indemnités ne sont pas versées de manière uniforme à tous les personnels : elles dépendent parfois du temps de service, des heures supplémentaires, des tâches et responsabilités supplémentaires… Il ne faut pas oublier dans ce contexte que 23% des femmes sont à temps partiel dans l’Éducation nationale (féminisée à 72%) contre seulement 6% des hommes. Les hommes prennent en charge une quantité plus importante d’heures supplémentaires (en moyenne 1,8 pour les hommes et 1,4 pour les femmes dans l’enseignement), et ont en conséquence une rémunération supérieure, tandis que les femmes prennent en charge de nombreuses tâches domestiques.

Les primes et indemnités ne sont donc pas un outil qui tend vers l’égalité salariale femmes/hommes, mais bien souvent ont pour conséquence une augmentation de ces inégalités.

Il faut augmenter les salaires !

Pour  SUD  éducation,  même  s’il  ne  s’agit  pas  de  cracher  sur  des  primes  et indemnités  dans  une  période  de  paupérisation  des  personnels  de  l’Éducation  nationale,  la  revendication  doit  être claire : augmenter les salaires !

En matière de salaires, SUD revendique notamment :

un salaire minimum porté immédiatement à 1700 euros nets pour tous les personnels ;  l’indexation  des  salaires  sur  l’inflation  pour  garantir  le  maintien  du  niveau  de  vie  des  personnels  en  activité  et à la retraite;

l’intégration  des  primes  et  indemnités  générales  aux  salaires,  et  la  compensation  des  tâches  supplémentaires  et  des  conditions  difficiles  par  des  réductions des services.

À plus long terme, SUD revendique des augmentations de salaires d’autant plus forte que le salaire est bas, afin de tendre vers l’égalité salariale : notre projet syndical de transformation sociale est la redistribution au plus juste des richesses.

https://www.sudeducation.org/tracts/brochure-speciale-salaires-battons-nous-pour-nos-salaires-en-greve-le-26-janvier/ → Brochure salaires 

Atteinte aux statuts des personnels

Sous couvert d’assurer une “continuité pédagogique efficace”, le ministre tente de ressortir du placard les remplacements de Robien en interne à l’établissement effectués en heures supplémentaires. Inefficace et massivement boudé par les personnels, le dispositif n’est que très peu appliqué. Le ministère envisage de confier une partie des remplacements à des AED, ou via des cours en ligne.

SUD éducation s’opposera frontalement à de telles mesures qui remettent en cause le travail pédagogique des personnels et appelle les personnels à y résister collectivement : ce sont des personnels titulaires remplaçants qu’il faut, pas des cours en lignes standardisés.

Pêche aux chef-f-e-s

La mesure 2 consiste essentiellement à fusionner la direction générale des ressources humaines du ministère avec les services liés à la gestion des personnels d’encadrement. Concrètement, la traduction sur le terrain de cette mesure consistera à lancer des campagnes pour essayer de convaincre les personnels d’accepter de prendre des responsabilités hiérarchiques. Pour SUD éducation, cette mesure montre que le ministère ne comprend pas que la crise que traverse le ministère de l’Éducation nationale est avant tout dû à l’autonomie sans cesse accrue de la hiérarchie, en parallèle la dépossession des personnels de terrain de leur organisation du travail.

Pour SUD, il est au contraire nécessaire de recruter, titulariser, former davantage de personnels qui rendent effectivement le service au public, et leur laisser le temps de s’organiser. Cela passe pour les personnels enseignants et d’éducation par une réduction du temps face aux élèves.

Carrière

Le ministère indique entamer une réflexion sur les carrières. Il s’agit de favoriser la reprise d’ancienneté des nouvelles et nouveaux personnels et d’augmenter marginalement les taux de promotion à la hors-classe d’une part, et de favoriser les mobilités internes en termes de type d’emploi d’autre part. Cette annonce recouvre plusieurs aspects. Il s’agit ainsi notamment de requalifier la filière administrative et d’y favoriser les détachements, ainsi que les détachements interministériels. SUD sera cependant attentif au suivi de ces mesures, car l’intention affichée de faciliter les mobilités entre lycée professionnel et lycée général et technologique par exemple peut devenir un nouveau moyen pour le ministre de contourner les statuts des personnels.

Formation des personnels

Le volet “formation des personnels” est, au-delà des effets d’annonces, extrêmement pauvre. Il s’agit essentiellement de créer des “écoles académiques de la formation continue” qui auraient pour vocation de coordonner les différents dispositifs de formation professionnelle. Si le ministère indique vouloir enrichir le programme de la formation continue et pouvoir la rendre diplômante en partenariat avec les INSPÉ, aucune annonce concrète ne vient étayer cette ambition. Ainsi, le ministère demeure discret sur la possibilité d’utiliser son compte personnel de formation pour des formations librement choisies sur temps de service. De même, aucune mesure n’est prévue, par exemple pour faciliter l’obtention d’un permis de conduire pour les personnels affectés en zone rurale qui le souhaiteraient.

Resserrer l’étreinte sur les personnels enseignants

Derrière le vocabulaire managérial se dissimule une nouvelle fois l’obsession du ministre Blanquer pour le contrôle de l’activité des personnels. Il s’agit de créer de nouvelles hiérarchies intermédiaires chargées de suppléer les corps d’inspection dans les premier et second degrés. 

Dans le même temps, le ministre évoque carrément un “carré régalien” autour des recteurs et rectrices sur les “valeurs de la République, radicalisation, violences, harcèlement”. Il ne faut pas s’y tromper. Il ne s’agira pas de protéger les personnels des abus de la hiérarchie, des conditions de travail dégradées ou d’agressions dont ils seraient victimes mais bien pour le ministre d’imposer ses idéaux réactionnaires. Le récent exemple d’une enseignante convoquée pour port du masque arc-en-ciel en est à cet égard éloquent.

Pour SUD, nul besoin d’une nouvelle strate hiérarchique dans un ministère qui en compte déjà bien trop : ce qu’il faut, c’est du collectif, et donner les moyens aux personnels de travailler ensemble selon les modalités qu’ils estiment les plus adaptées aux situations de terrain.

Un faux comité d’entreprise

Les prestations sociales au ministère de l’Éducation nationale sont faibles et inadaptées. Le ministère, au lieu de mettre en œuvre un véritable comité des œuvres sociales qui organiserait la solidarité entre les agent-e-s, choisit de créer une association aux contours et l’administration flous, “Préau”. Cette association aura vocation à fournir des prestations à ses adhérent-e-s. Il semble que ces prestations seront essentiellement destinées à consommer.

L’association commencerait ses activités selon le calendrier suivant :

  • Septembre 2021 : ouverture des adhésions du personnel et des premières offres
  • Premier trimestre 2022 : premières adhésions d’associations d’action sociale
  • Mars-avril 2022 : désignation des représentants des adhérents
  • Mai 2022 : assemblée générale ordinaire

En revanche, rien de neuf n’est annoncé concernant l’action sociale à destination des personnels qui en ont besoin. Le ministère n’annonce aucune augmentation des prestations sociales ni de nouvelles prestations. Il se contente d’annoncer un meilleur recensement des mesures qui existent déjà, mais sont extrêmement faibles. En matière d’accès au logement, par exemple, les prestations sociales sont presqu’inexistantes.

Pour SUD, ce type de prestations doivent être du ressort des futurs comités sociaux d’administrations et mis en œuvre sous contrôle des organisations syndicales dans la plus grande transparence : ce sont les personnels, via leurs organisations qui doivent décider de ce qui est bon pour eux, pas le ministre.