Le 8 mars : une journée de lutte des femmes

Une date de lutte contre l’exploitation des femmes, contre le sexisme et le capitalisme.

En 1910, une centaine de femmes de dix-sept pays différents se rassemblent à Copenhague pour la deuxième conférence des femmes socialistes. Ces militantes appartiennent à l’Internationale Socialiste des Femmes, organisation sœur de l’Internationale socialiste. Clara Zetkin y propose une journée internationale de lutte des femmes pour avancer vers l’égalité entre femmes et hommes. Une motion soulignant la nécessité d’une « journée internationale des femmes » est alors voté à l’unanimité. Ce moment de lutte est réfléchi comme international, car ces militantes, en tant que socialistes, insistent sur la nécessaire solidarité de classe pour gagner contre le capitalisme et l’impérialisme. La classe ne connaît pas de frontière. De la même manière, les femmes sont exploitées au-delà des délimitations nationales, la lutte contre le sexisme est internationale. Les objectifs de cette journée de lutte sont l’obtention du droit de vote, du droit de travailler librement, le combat contre les violences sexistes au travail. Plus généralement, les revendications portent sur l’égalité économique, juridique et politique des femmes.
Il n’y a pas de date précise proposée au départ. Le 8 mars est choisi après la révolution russe.

femmes : catégorie sociale et non biologique dans laquelle peuvent se reconnaître aussi bien les femmes cis, trans et les personnes non-binaires.

Une histoire de grève de travailleuses qui a contribué à déclencher une révolution

En effet, au début de l’année 1917, les ouvrières et les ouvriers de Petrograd, notamment, se mettent en grève pour dénoncer la guerre et la pénurie de pain. Le 23 février (8 mars du calendrier moderne) des ouvrières en grève manifestent pour leurs droits, pour des conditions de travail et de vie décentes. Les ouvriers des industries leur emboîtent le pas, les grèves se généralisent. Les travailleuses et les travailleurs s’arment alors pour affronter la police et l’armée. Elles et ils gagnent contre le Tsar et mettent à bas son régime autoritaire.
Ce sont ces manifestations d’ouvrières de février 1917 que les Bolcheviques ont désigné comme le premier jour de la révolution russe. Une nouvelle tradition est alors instaurée : le 8 Mars est choisi par les partis communistes comme journée de mobilisation des femmes.
Cette date s’ancre alors de plus en plus dans le mouvement social comme une journée de lutte contre les inégalités et discriminations liées au genre.

Un moment de lutte contre la récupération du combat pour les droits des femmes par les institutions capitalistes et de l’État

Les mouvements féministes de la deuxième vague (qui débutent dans les années 1960) investissent alors la date du 8 mars. En 1975, le Mouvement de Libération des Femmes (MLF) s’en sert notamment pour manifester contre l’Année internationale de la femme organisée par l’ONU et considérée comme une « récupération » de la lutte par les institutions qui organisent pourtant le sexisme via, par exemple, l’absence de réaction face aux inégalités salariales et professionnelles ou encore face aux violences sexistes et sexuelles…
L’oppression spécifique des femmes se trouve au croisement de l’exploitation capitaliste subie par tous les travailleurs et toutes les travailleuses et l’exploitation sexiste qui résulte d’inégalités sociales liées aux genres. Elle se trouve aussi à l’intersectionnalité du racisme et des discriminations subies par les personnes LGBTQI++.
Dans toutes les sphères de la vie, des rôles sexués sont assignés aux personnes, en fonction de leurs genres, en famille, à l’école, au travail, à la maison, dans la rue, lors du temps de loisir…
Les violences sexuelles et sexistes existent dans toutes les sphères de la société. Elles persistent bien que les entreprises et les institutions récupèrent le 8 mars pour soigner leur image ou pour cibler de façon opportuniste le public féminin, de même qu’à travers le pinkwashing elles utilisent la thématique LGBT à des fins marketing. Le capitalisme, fondé sur le patriarcat hétérosexiste, tente de s’approprier les luttes féministes pour perpétuer son oppression sur toutes et tous.
Les syndicats vecteurs de progrès social se sont saisis et se saisissent encore du 8 mars pour lutter contre le sexisme.

Un moment de lutte pour l’émancipation des femmes et pour la destruction du patriarcat

La grève du travail salarié est un moyen pour les femmes de montrer qu’elles ne sont pas dupes et que l’égalité professionnelle est encore à conquérir. La lutte féministe a pour objectif de renverser toutes les structures de domination. Il ne s’agit pas que les femmes des classes favorisées aient le même salaire que leurs collègues masculins ou accèdent à des postes de direction pour continuer à exploiter des femmes précarisées, ou soient déliées des tâches domestiques en employant majoritairement des femmes racisées.
La lutte féministe est intersectionnelle : la libération des femmes doit se faire au profit de toutes, et pas seulement au profit de quelques unes et au détriment d’autres.
La grève du travail domestique et des soins aux personnes dépendantes est une manière de mettre en évidence le fait que ce sont les femmes qui font majoritairement ces tâches largement invisibilisées, méprisées et naturalisées.
Manifester permet aux femmes de récupérer cette visibilité ainsi qu’une place dans l’espace public dans lequel elles subissent des injustices, des violences, voire qu’elles ne peuvent occuper. C’est aux femmes elles-mêmes de récupérer leur dignité mise à mal par les injustices, les violences et le mépris qu’elles encaissent. Le 8 mars est une journée de combat pour l’émancipation des femmes, c’est un jour de lutte pour la justice sociale.

Quand les femmes s’arrêtent, le monde s’arrête ! La révolution sera féministe !

Clara Zetkin (1854-1933)

C’est Clara Zetkin qui est à l’origine du 8 mars : Journée de luttes des femmes.
Elle œuvra à l’organisation des travailleuses dans le SPD, Parti Socialiste Allemand et dirigea le journal Die Gleichheit, (« L’Egalité ») de 1892 à 1917 destiné aux ouvrières et prépara les bases pour un mouvement socialiste féminin. L’idéal de Clara Zetkin : une femme nouvelle, qui surgirait de la révolution russe, travailleuse, militante, libérée du fardeau du foyer et de ses tâches répétitives et mornes que la révolution se charge de balayer.
Elle se battra sur deux fronts. Contre le féminisme dit « bourgeois » et son « stérile combat pour le droit de vote ». Pour Clara Zetkin, les prolétaires n’ont rien de commun avec les bourgeoises et ont tout à gagner aux côtés de leurs frères de classe. Mais elle se bat aussi sur l’autre front, celui du parti : contre les conceptions qu’elle dit philistines – nous dirions phallocrates et misogynes – qui sont celles de la majorité des militants. Elle se bat pour le droit au travail des femmes, contre leur surexploitation, pour la transformation des vieilles mentalités.
En 1907 elle organise la Première conférence internationale des femmes socialistes, accolée
à un congrès de la Deuxième Internationale, et devient la présidente de l’Internationale socialiste des femmes.
Lors de la conférence de Copenhague d’août 1910, elle propose avec le soutien de la Russe Alexandra Kollontaï, d’organiser une Journée Internationale des Femmes. La conférence réunit des militantes, venues de 17 pays différents et adopte la proposition qui vient après les manifestations d’ouvrières des États-Unis en 1908 et en 1909. L’objectif principal de l’Internationale des femmes socialistes est l’obtention du droit de vote pour toutes les femmes. La Journée internationale des Femmes se veut une journée de manifestation annuelle qui permet de militer pour le droit de vote, l’égalité entre les sexes, et le Socialisme. C’est le 19 mars 1911 que Clara Zetkin participa à la première Journée Internationale des Femmes.