L’interruption volontaire de grossesse : un droit fondamental

Partout dans le monde et notamment en France  les acquis sociaux sont attaqués par le système néolibéral et avec eux ,  le droit à l’avortement . Pour paraphraser Simone de Beauvoir, Il suffit d’une crise économique, politique ou religieuse  pour que le système patriarcal remette en question les droits des femmes.

Durant la crise sanitaire, le gouvernement français a réaffirmé que le droit des femmes à disposer de leur corps était un droit « qui ne saurait être remis en cause en période de crise sanitaire ». Pourtant, les centres de planification familiale et les professionnel⋅les de santé ont constaté une augmentation significative des appels rapportant des difficultés dans l'accès aux IVG1. De plus, le confinement a limité les droits des femmes² en les empêchant de quitter le territoire français pour pouvoir bénéficier d’un IVG dans un autre pays où les délais sont plus longs.

Le droit effectif à l’avortement est malmené en France depuis plusieurs années à cause de la fermeture de nombreux centres IVG décidée par les pouvoirs publics3. On peut craindre que des femmes se retrouvent hors cadre légal avec la saturation des hôpitaux, la suppression de certaines opérations chirurgicales et la fermeture des centres de planification. Un amendement visant à allonger le délai légal de l’IVG de 12 à 14 semaines de grossesse (soit 16 semaines aménorrhées) a été rejeté par les parlementaires. Dans d’autres pays, ce délai est pourtant bien plus long : il est de 22 semaines au Pays-Bas et de 24 semaines au Royaume-Uni. Il n'y a pas de délai maximal au Canada.

En 2019, plus de 230 000 IVG ont été enregistrées en France4.

Le droit à l’avortement est un droit légitime et nécessaire pour l’égalité des genres. Ce droit est remis en cause en France car des femmes n’ont plus accès à l’avortement. En effet, les moyens alloués aux hôpitaux et centres IVG ne cessent de diminuer. En 2013, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes alertait sur la fermeture de 130 établissements spécialisés dans l’IVG en 10 ans.  De plus, dans certains hôpitaux, de nombreux  gynécologues invoquent la clause de conscience spécifique sur l'avortement. Elle a été instaurée par la loi de 1975 : l'Article L2212-8 du Code de la Santé Publique stipule qu’ « un médecin n’est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse, mais il doit informer, sans délai, l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention ». Rappelons que cette clause fut le résultat d'un compromis pour faire accepter, en 1975, la loi sur l’avortement, farouchement combattue par les réactionnaires. Pourtant, une clause de conscience générale existait :  «Hors le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles.» (Article R4127-47 du Code de la Santé Publique). L'IVG ne constituant pas un acte médical à part, la clause de conscience spécifique n'a pas lieu d'être. Il est donc largement temps de supprimer cette double clause de conscience spécifique d’un autre âge, tout en maintenant l’obligation de communiquer le nom d’autres praticien⋅nes.

Par ailleurs, la montée des extrêmes-droites met en cause l'existence même de l'avortement et donc le droit fondamental pour les femmes de pouvoir choisir de poursuivre ou non une grossesse.

Fin 2018, le président du Syngof (Syndicat national des gynécologues et obstétriciens français) a qualifié l’avortement d’"homicide", lors d'un entretien dans les médias. Le droit à l’avortement, inscrit dans la loi, ne peut  dès lors être considéré comme acquis.

Il faut donc rester très vigilant⋅es et contrer ces manœuvres qui visent à cantonner les femmes à une fonction procréatrice et au service de leur famille.

Pour ce faire, il faudrait, entre autres, que l’éducation aux sexualités soit effective dans le système scolaire. Certes la  loi du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception prévoit au moins trois séances par an pour informer les élèves de leurs droits et des choix possibles. Elles n’ont lieu que trop rarement dans les faits. L'information ainsi que l’accès réel à la contraception, à la contraception d’urgence et à l’IVG sont nécessaires pour permettre à chacun et chacune de disposer de son corps.

Pour le droit à l’avortement, réaffirmons que :

  • L’avortement est un choix ;
  • Les délais légaux pour avorter doivent être harmonisés sur ceux des pays les plus progressistes en Europe, et les femmes qui désirent avorter doivent pouvoir être prises en charge sans délai ;
  • La clause de conscience spécifique des professionnelles de santé doit être supprimée de la loi ;
  • Des moyens financiers doivent être donnés pour que les centres pratiquant l’avortement et les centres de planification soient accessibles sur tous les territoires ;
  • Des campagnes d’information tous publics sont nécessaires pour pouvoir en parler librement sans tabou ni jugement ;
  • Tous les moyens contraceptifs doivent faire l'objet d'un remboursement intégral, pour que toutes puissent choisir celui qui leur convient ;
  • Une éducation aux sexualités doit être prodiguée à toutes et à tous ;
  • La formation aux techniques d’avortement et à l’accompagnement doit faire partie intégrante de la formation initiale des professionnel·les de santé de l'éducation nationale.
  • Au plan international, l’avortement doit être légalisé dans tous les États.

 

1 Source : planning familial https://www.planning-familial.org/fr/nvn/point-presse-sur-lavortement-en-temps-de-confinement-analyse-de-la-situation-du-30-mars-au-19

² Dans tout ce tract, sont incluses avec les femmes toutes les personnes susceptibles de subir une grossesse non désirée (hommes trans, personnes non binaires, etc)

3 Source : Le Monde

https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/09/27/avortement-en-france-pres-de-8-des-centres-pratiquant-l-ivg-ont-ferme-en-dix-ans_6013384_3224.html

4 C'est dans les catégories sociales les plus modestes,  et les territoires les plus marginalisés qu'on a le plus souvent recours à l'avortement. Priver d'un accès à l'IVG, en France métropolitaine comme dans les espaces ultramarins, c'est compliquer encore la vie des plus précaires. Source : DREES

https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2021-02/ER%201163.pdf