Retraites : 4 mensonges et 1 enterrement

En plein mois de juillet, le gouvernement a rendu public le cadrage du projet sur les retraites. Il prépare maintenant le projet de loi. Il veut organiser un nouveau “débat citoyen”. Pourtant le projet n’a pas bougé depuis la mise en place du Haut commissariat, malgré la prétendue concertation, et le fait que la majorité des syndicats y est opposée.

1) “Ça sera plus juste”

La “justice” pour le gouvernement, c’est moins de droits pour tout le monde… car c’est bien cela qui se passerait :

  • Le départ à 62 ans serait encore possible certes, mais avec une décote de 10%, ce qui équivaut à 14,1 % de moins que pour un départ à 64 ans (âge qui pourra augmenter chaque année). Le but est donc d’inciter un départ du plus grand nombre de personnes après 62 ans.
  • Calcul de la retraite sur la totalité de la carrière et pas seulement sur les meilleures années ou à partir de la situation des 6 derniers mois.
  • La pension de chaque génération dépendrait de l’espérance de vie de cette génération, mais en moyenne un cadre vit 6 ans et demi de plus qu’un ouvrier.
  • Les indépendant-es cotiseront bien moins que les salarié-es, mais pourront avoir droit à un minimum de pension identique.
  • Les hauts salaires, les salarié-es des grandes entreprises... bref les pluas aisé-es bénéficieraient de nouveaux avantages fiscaux pour une retraite complémentaire par capitalisation.
    En réalité, si le gouvernement a renoncé, pour ne pas faire de vagues, à augmenter tout de suite la durée de cotisation nécessaire pour partir à taux plein ou à reculer l’âge de départ, il envisage sérieusement de le faire après le vote du projet de loi pour limiter les dépenses budgétaires. Ce sont toujours les mêmes qui seront encore plus défavorisées par ce qui représente un véritable désengagement de l’Etat vis-à-vis du financement de nos retraites.

2) “Ce sera plus transparent”

Aujourd’hui la situation est loin d’être parfaite mais on sait au moins quels sont nos droits en fonction de nos cotisations. Demain :

  • Les droits bougeront en fonction des valeurs d’achat et de service du point, valeurs déterminées chaque année par le gouvernement… selon des critères peu clairs.
  • Les droits diminueront en fonction de l’espérance de vie à de chaque génération (avec une plus ou moins grande décote).
  • L’indexation des droits acquis se fera sur les salaires moyens (mais le passage serait progressif, avec une indexation actuellement prévue sur l’inflation).
    D’un système à prestations définies, on passerait à un système à cotisations définies : résultat, on sait ce qu’on paie en cotisant, mais pas ce qu’on gagnera à la retraite…

3) “Ce sera mieux pour les femmes”

  • Les femmes ont de nombreuses discontinuités dans leur carrière à cause de la précarité et de l’inégalité, dont la charge de l’éducation des enfants qui repose d’abord sur elles. Leurs salaires sont en général plus bas. Comme la pension sera calculée sur toute la carrière, elles subiront une baisse de pension par rapport à la situation actuelle (qui la calcule sur le dernier salaire ou les meilleures années)..
  • Les femmes vont perdre la MDA, Majoration de durée d’assurance, qui était égalitaire. Un membre du couple aurait 5% de bonus par enfant, au choix des parents, ce qui favorisera le choix de reporter la bonification sur celui qui gagne le plus, l’homme en général.

4) “La part de PIB accordée aux retraites ne diminuera pas”

  • Le gouvernement entend limiter les dépenses consacrées aux retraites à leur niveau actuel, soit 13,8 % du PIB contre 5% en 1960. Comme le nombre de personnes à la retraite va augmenter dans les années à venir, la part de retraite revenant à chaque personne va mathématiquement diminuer. Le Conseil d’orientation des retraites a calculé que le taux de remplacement (le rapport entre le dernier salaire et la pension) passerait de 64,4 (en moyenne aujourd’hui) à 50,9 % en 2050.
  • Le gouvernement ne veut pas qu’il y ait plus de 13,8 % du PIB accordé aux retraites. Et si le PIB baisse, comme c’est la cas après une crise économique ?
    Comme ce nouveau système va affaiblir durablement le niveau de vie des retraité·es, dans le même moment, la loi Pacte encourage la mise en place de retraites par capitalisation… et la boucle est bouclée : c’est la finance qui va récupérer l’argent de ceux et celles qui voudront épargner via des organismes privés et se garantir ainsi un peu plus de retraite.

Et 1 enterrement

Ce qui va disparaître si ce projet voit le jour, c’est la retraite issue de la Sécurité sociale telle qu’on la connait depuis sa création. La Sécurité sociale, c’est un système redistributif, qui donne plus à celles et ceux qui ont moins, en gommant les accidents de carrière, en attribuant un meilleur taux de remplacement aux salaires les plus faibles… tout le contraire du système à points contributif.
Nous ne défendons pas de vieilles lunes mais un système qui partait du principe que si on est empêché-e de travailler ou si on ne le fait plus car on est âgé·e, on doit avoir une continuité de droits et pouvoir vivre dignement. Et le calcul de la retraite était basé sur ce principe qui permettait, pour une durée totale de cotisation, un taux de remplacement à 75%.
Voilà ce qui disparaît.

Alors qu’est-ce qu’on veut ?
Et comment l’obtenir ?

La justice sociale, la solidarité intergénérationnelle, l’égalité hommes-femmes.

  • Cela veut dire un départ à 60 ans au plus tard, et même plus tôt en prenant en compte les acquis professionnels et les différentes formes de pénibilité.
  • Un taux de remplacement à 75% pour le taux plein, et une retraite au moins égale au SMIC.

Pour l’obtenir, il nous faudra sortir des sentiers battus et des journées d’actions syndicales traditionnelles et divisées.
La contestation sociale peut prendre de nombreuses formes et toucher des personnes qui ne se mobilisent pas nécessairement lors de journées syndicales. Les jeunes qui critiquent un système capitaliste qui mène la planète à l’épuisement sont aussi ceux et celles qui vont se trouver confronté·es à devoir être toujours plus productifs, travailler plus longtemps… En mettant ensemble nos colères, nos revendications, nos mobilisations, nous pouvons remettre en cause les projets annoncés.