[Brochure n°93] Le système de retraites actuel en France

Cet article est issu de la brochure n°93, "Pour nos retraites", à retrouver en intégralité ici : https://www.sudeducation.org/tracts/brochure-n93-pour-nos-retraites/

Le système français des retraites est basé sur des régimes de base obligatoires et des régimes complémentaires, obligatoires ou facultatifs.
Ce sont des systèmes par répartition. Les cotisations des actives et actifs paient annuellement les pensions des re-traité-e-s, la question de l’emploi est donc déterminante pour l’avenir du système de retraites. Plus il y a de salaires sur lesquels sont prélevées les cotisations salariales et patronales, et plus les salaires sont élevés, plus il y a de recettes pour financer les retraites.
Ces régimes sont à prestation définie. Cela signifie que les règles de calcul du montant de la pension sont déterminées en amont du départ à la retraite. Le calcul de la pension relève de la loi. Le gouvernement doit trouver les ressources nécessaires au financement des retraites.

Le régime de la fonction publique (fonctionnaires uniquement)

Actuellement, le taux plein de remplacement est de 75%, calculé sur le dernier traitement indiciaire brut détenu depuis au moins 6 mois (traitement de référence, si moins de 6 mois, on prend l’indice précédent). Le calcul ne tient compte ni des primes ni des indemnités. Pour le-la fonctionnaire qui travaille à temps partiel, le calcul s’effectue sur la base du traitement qu’il-elle percevrait s’il-elle travaillait à temps plein.
La pension de retraite brute est calculée de la manière suivante : traitement de référence brut × taux de liquidation × coefficient de minoration ou de majoration.
Exemple pour une certifiée née en 1978, qui progresse à l’ancienneté (comme 70% des collègues avec le PPCR aujourd’hui), ayant commencé à travailler à 23 ans et qui compte prendre sa retraite à 62 ans, avec 3 années travaillées à mi-temps :
• traitement indiciaire brut = celui de son dernier échelon, en théorie le 3ème échelon de la hors-classe, donc indice 798, soit 3739 € brut
• nombre d’années prise en compte pour la liquidation : 36 à temps plein + 3 années à mi-temps = 36 + 1,5 = 37,5
• taux de liquidation = 37,5 / 43 × 75% (taux plein) = 0,654
• nombre d’années d’assurance = 62-23 = 39 années, donc il manque 4 années par rapport aux 43 années requises. Soit 16 trimestres manquants pour la décote = 16 × 1,25 = 20% de décote
• minoration = 1 - 20% de décote = 80% = 0,8.
• pension = 3739 × 0,654 × 0,8 = 1956 €

Le régime général (tou·te·s les autres, y compris contractuel·le·s de la Fonction publique, hors régimes spéciaux)

Le taux plein de remplacement est de 50% du salaire de référence, complété par des régimes complémentaires d’environ 25%, donc environ 75% au total. Le salaire de référence est calculé sur la moyenne des salaires des 25 meilleures années.
La pension de retraite est calculée de la manière suivante : salaire de référence × pourcentage de liquidation × coefficient de minoration ou de majoration
Exemple pour une contractuelle née en 1978, qui progresse à l’ancienneté (comme 70% des collègues avec le PPCR), ayant commencé à travailler à 23 ans et qui compte prendre sa retraite à 62 ans, avec 3 années travaillées à mi-temps.
• salaire de référence = moyenne des 25 meilleures années, soit 2769 € brut
• nombre d’années prise en compte pour la liquidation : 36 à temps plein + 3 années à mi-temps = 36 +1,5 = 37,5
• pourcentage de liquidation = 37,5 / 43 × 75% (taux plein) = 0,654
• nombre d’années d’assurance = 62 - 23 = 39 années, donc il manque 4 années par rapport aux 43 années requises. Soit 16 trimestres manquants pour la décote = 16 × 1,25 = 20% de décote
• minoration = 1 - 20% de décote = 80% = 0,8
• pension = 2769 × 0,654 × 0,8 = 1449€ brut

Les régimes complémentaires obligatoires

Les régimes complémentaires obligatoires sont des régimes par point, donc sur le modèle de l’ex réforme Macron.
IRCANTEC (Institution de retraite complémentaire des agents non-titulaires de l’État et des collectivités publiques) : c’est le régime complémentaire obligatoire pour les contractuel·le·s de droit public et pour les contrats aidés recrutés par une personne morale de droit public, les apprenti·e·s, agent·e·s titulaires à temps non complet (moins de 28h/semaine).
RAFP (Régime additionnel de la Fonction publique) : c’est un régime complémentaire obligatoire par capitalisation créé en 2003. Il prend en compte les primes et indemnités : le SFT (Supplément familial de traitement), les heures supplémentaires, les avantages en nature, mais pas la NBI (Nouvelle bonification indiciaire) ou l’ISSR (Indemnité de sujétions spéciales de remplacement).
Les contractuel·le·s et les titulaires travaillant moins de 28h par semaine qui sont affilié·e·s au régime général (et à l’Agirc-Arrco) n’en bénéficient pas.
L’assiette de la cotisation est plafonnée à 20% du traitement brut indiciaire c’est à dire que la part du traitement qui permet de cotiser ne peut pas être supérieure à 20% du traitement brut lié à l’indice. La cotisation est répartie entre la-le fonctionnaire et l’employeur à raison de 5% pour chaque partie.
AGIRC-ARRCO (Association générale des institutions de retraite des cadres - Association pour le régime de retraite complémentaire des ­salarié·es). C’est le régime complémentaire obligatoire pour les salarié·es du privé issu des régimes Agirc et Arrco qui ont fusionné au 1er janvier 2019.

Les régimes spéciaux

Ce sont les régimes de retraites dont bénéficient les salarié·es de certaines entreprises ou professions (qui ne sont affilié·es ni au régime général, ni à la Mutuelle sociale agricole).
• Les régimes des entreprises et des organismes publics auxquels sont rattachés EDF, GDF, la RATP, la SNCF, etc.
• Les régimes dont le nombre de bénéficiaires est peu élevé (Comédie Française, Opéra national de Paris, clercs de notaire, Banque de France, marins, etc.).
La définition des régimes particuliers est floue, certains y font aussi entrer le régime de la fonction publique dans ses particularités qui regroupe entre autres les militaires et la police nationale, les magistrats, les sapeurs-pompiers…
Ils sont financés par des ressources internes et parfois par des subventions. Certains de ces régimes préexistaient à la création du régime général en 1945. Ils ont été créés pour compenser l’impact que les conditions de travail de certaines professions ont sur l’espérance de vie en bonne santé, et sont souvent le fruit de luttes.
Les attaques incessantes des différents gouvernements contre les prétendus « privilèges » des régimes dits spéciaux, ont bien pour objet une baisse importante des pensions et une augmentation du temps de travail pour toutes et tous.

Les solidarités dans le système actuel

Environ 24% de la masse des pensions permet d’accorder des droits à des salarié·es qui n’ont pas pu cotiser pendant certaines périodes car momentanément hors travail (maladie, maternité, invalidité, chômage indemnisé). Certain·es bénéficient d’une majoration d’assurance pour avoir élevé des enfants, exercé un métier pénible…

La pension de réversion
C’est une partie de la retraite dont bénéficiait ou aurait pu bénéficier l’assuré·e décédé·e qui est versée à la personne survivante, dans le cas de couples mariés (ou qui ont été mariés) uniquement. 88% des bénéficiaires sont des femmes. Cette pension de réversion réduit un peu l’écart entre les pensions des hommes et des femmes. Il y a 4,34 millions de bénéficiaires dont un peu plus d’un million n’a pas d’autre pension.
Dans la Fonction publique, le montant de la pension de réversion correspond à 50% de la pension de la personne décédée. Elle est accordée sans plafond de ressources et il n’y a pas d’âge minimum exigible pour le ou la bénéficiaire.
Dans le régime général, c’est 54% de la pension de la personne décédée (60% en cas de faible pension et 60 % de la complémentaire). Le bénéficiaire peut la toucher à partir de 55 ans, sous certaines conditions (notamment de ressources).

Les pénibilités
Dans la Fonction publique, c’est la catégorie active (et non le C2P) qui permettait de prendre en compte les pénibilités. Elle disparaît progressivement (765 000 personnes aujourd’hui sur 5,66 millions de fonctionnaires). Le passage du corps des instituteurs·trices à celui des professeur·es des écoles, sous prétexte de revalorisation de la grille indiciaire, a fait perdre aux enseignant·es du premier degré le bénéfice de la catégorie active. L’âge de départ à la retraite est donc passé de 57 ans à 62 ans (sauf pour celles et ceux qui avaient 15 ans d’ancienneté dans le corps des instituteur-trices). Dans le privé : le compte professionnel de prévention (C2P), très restrictif au niveau des critères (environnements agressifs, rythmes de travail…) permet l’acquisition de points qui peuvent être utilisables pour anticiper un départ en retraite. Le compte est limité à 100 points qui correspondent à 25 années d’exposition à un facteur. Chaque tranche de 10 points ouvre droit à un trimestre de majoration de durée d’assurance dans la limite de 8 trimestres. En 2017, Macron, qui n’aime pas le mot « pénibilité », a supprimé 4 critères sur 10 : vibrations mécaniques, expositions aux agents chimiques dangereux, manutentions de charges lourdes, postures pénibles.

Les enfants
Il existe des majorations de trimestres pour enfants, avec des règles différentes dans la Fonction publique et dans le privé, et selon si les enfants sont né·es avant ou après 2004 (dans la fonction publique) ou 2010 (dans le privé). Pour les fonctionnaires, le montant de la pension est majoré pour 3 enfants (10%) ou plus (5% en plus par enfant supplémentaire). L’IRCANTEC verse 10% de pension supplémentaire à partir de 3 enfants et jusqu’à 30% maximum pour 6 enfants ou plus. L’Agirc-Arrco verse une majoration de 10% (avec un plafond) à partir du 3ème enfant ou 5% pour chaque enfant encore à charge au moment de la liquidation.

Le cumul emploi-retraites
Des dispositifs de cumul existent dans tous les régimes sous certaines conditions, ils ne permettent pas de constituer de nouveaux droits pour la retraite.

Les aidant·e·s (handicap, maladie, grand âge)
Plusieurs régimes prévoient des dispositions en faveur des aidant·es. Signalons qu’il existe aussi des régimes facultatifs par capitalisation (à la marge)  : PREFON, Caisse nationale de prévoyance de la fonction publique, le PERP - plan d’épargne retraite populaire et le PERCO - plan d’épargne pour la retraite collectif - pour les salarié·e·s du privé.

Les leviers utilisés au fil des réformes depuis 30 ans pour assurer l’équilibre du système

- Indexation du salaire pris en compte pour le calcul des pensions sur les prix et non plus sur le salaire moyen (qui augmente plus vite).
- Pension calculée sur les 25 meilleures années (au lieu de 10 avant 1993) dans le privé.
- Recul de l’âge légal de départ de 2 ans (de 60 à 62 ans en 2010 alors que l’âge moyen de cessation d’activité reste inférieur à 59 ans).
- Augmentation de la durée de cotisation (de 37,5 à 40 ans en 1993 pour le privé et en 2003 pour la fonction publique à 41,5 ans en 2010, 43 ans prévus en 2035).
- Décote : une décote (de 1,25%) est opérée par trimestre manquant avec un maximum de 20 trimestres (25%). Si un·e fonctionnaire a également travaillé dans le privé, c’est le nombre de trimestre total qui déterminera si une décote est appliquée ou non.
- Augmentation de la cotisation salariale (en 2013 l’augmentation de la cotisation patronale est compensée par une baisse des cotisations «  famille  »).
- Recul de l’âge d’annulation de la décote : âge de départ auquel on peut obtenir un taux plein de remplacement, même en cas de trimestres de cotisation manquants (de 65 à 67 ans en 2010).
- Diminution des solidarités (carrières longues, pénibilité...).
Le système actuel en annuités est loin d’être parfait. Il réduit partiellement les inégalités (l’écart de 1 à 6 des revenus se réduit de 1 à 4 pour les pensions) mais un trimestre cotisé n’est pris en compte qu’à partir de 200h de Smic, excluant notamment le temps partiel imposé. Encore une fois, il paupérise davantage les femmes. Ce défaut est accru depuis les « réformes » imposées depuis 1993. En repoussant l’âge légal et/ou en augmentant le nombre de trimestres cotisés, la nouvelle contre réforme Macron aggraverait les inégalités et les fins de carrière.

Une contre-réforme qui s’inscrit dans une longue série

Depuis l’abaissement en 1982 de l’âge de départ en retraite de 65 ans à 60 ans avec 37,5 annuités, le système de retraite des agent·es du service public a déjà été dégradé par les dernières réformes : en 2003, la durée de cotisation passe à 40 annuités, la bonification pour les femmes de 4 trimestres par enfant est transformée en une majoration, bien moins intéressante, de 2 trimestres pour les enfants nés après janvier 2004. En 2010, l’âge légal de départ en retraite est encore repoussé à 62 ans ainsi que l’âge de départ à taux plein qui est lui aussi reculé à 67 ans.

Avec ou sans la nouvelle contre-­réforme, pour maintenir le même niveau de pension, les futur·es retraité·es sont d’ores et déjà tenu·es de reculer leur âge de départ à la retraite. C’est la conséquence de la réforme Touraine de 2014. Pour obtenir une pension à taux plein, celle-ci oblige à travailler plus longtemps, à raison d’un trimestre de plus tous les ans pour arriver à 172 trimestres pour les générations 1973 et suivantes. Ainsi, une enseignante née en 1975 bénéficiera de sa retraite maximum si elle a cotisé durant 172 trimestres (43 ans). Si elle a moins cotisé, sa retraite subira une décote, proportionnelle au nombre de trimestres manquants.
La nouvelle réforme de Macron ne revient pas sur cette augmentation (elle pourrait même l’aggraver), elle lui ajoute un recul de l’âge de départ. Elle pourrait donc avoir le double effet d’un départ plus tardif avec une pension plus faible.
De même, la politique de prime et d’indemnité au détriment des augmentations salariales dans l’Éducation nationale et les universités accroît la perte de ressources au moment du passage à la retraite, sans parler des inégalités de revenu et donc de pension entre les hommes et les femmes, qui en résultent.

Avec le recul de l’âge de départ en retraite, c’est la double peine : les personnels de l’Éducation nationale et des universités, comme tou·tes les travailleur·euses ne pourront plus partir en retraite à 62 ans, même si elles et ils ont cumulé assez d’annuités pour partir sans décote. La réforme du gouvernement Macron-Borne enchaîne les personnels au travail, même lorsqu’ils et elles ont cumulé leurs 43 annuités. Cette réforme est d’autant plus injuste pour les personnels qui ont commencé à travailler jeunes sans pour autant avoir assez cotisé pour bénéficier du dispositif de carrière longue.

2019 : la réforme de retraite à points mise en échec

Sur de son fait, Macron veut tout transformer. Son projet prévoyait de remplacer le système existant par une retraite à points dans laquelle tout le monde perdrait. Ses ministres vont avoir beaucoup de peine à expliquer la réforme. A l’assemblée ses ­député·es vont éprouver les mêmes difficultés. La mobilisation se prépare et s’organise derrière les cheminot·es et traminot·es à partir du 5 décembre. Ces deux secteurs vont tirer la grève qui a du mal à être reconduite ailleurs. Le gouvernement perd nettement la bataille de l’opinion. Dans tous les sondages la réforme Macron est largement rejetée. La mobilisation dure, les manifestations sont importantes.
Avec la crise COVID, le gouvernement ne va plus être en mesure d’insister. La réforme de la retraite à points, prévue comme la grande œuvre de Macron est enterrée. La bataille idéologique a été gagnée par le mouvement social.