[Brochure n°94] La pédagogie Freinet en langues vivantes : quels possibles et quels outils ?

Cet article est extrait de la brochure n°94 : la coopérative pédagogique.

Invariant pédagogique n°7 : « Chacun aime choisir son travail, même si ce choix n’est pas avantageux. »
C. Freinet.

Favoriser l’expression libre en langues vivantes.

A l’oral : le « Quoi de neuf ? » ou l’expression orale libre.
L’expression orale est l’un des objectifs principaux du cours de langues vivantes, rendu parfois difficile par le nombre d’élèves en classe et le peu d’heures de cours dont dispose l’enseignant pour permettre à tous.tes de s’exprimer. Plusieurs fonctionnements peuvent entrer dans le cadre d’une pratique d’expression libre :
• L’oral libre en début de cours, à chaque séance, sous forme de « Quoi de neuf ? » : les élèves proposent spontanément une prise de parole. La prise de parole peut être limitée dans le temps (ex : 3min maximum, 3 interventions maximum par cours), et peut être suivie d’un temps d’échange avec les autres élèves sous forme de questions-réponses. Il peut être intéressant de prendre des notes lors de ces prises de paroles pour en garder une trace (l’enseignant faisant rôle de secrétaire, ou bien mission qui peut être déléguée à un élève).
• L’oral libre sur un créneau spécifique dans le cadre d’un plan de travail (ex : tous les jeudis de 15h à 16h, c’est « expression orale »). Les élèves s’inscrivent pour cette prise de parole qu’ils préparent en amont et présentent à leurs camarades. Elle peut s’appuyer sur un travail de recherche documentaire (type « exposé »), être le fruit d’un travail de groupe autour d’une thématique vue en classe (mise en scène d’un dialogue, débat, …) ou encore prendre la forme d’une oralisation de texte libre.
Objectifs principaux : faciliter la prise de parole en permettant le libre choix du sujet, ne pas la restreindre à un contexte d’évaluation, ne pas la conditionner au thème étudié en classe, la rendre régulière et donc moins impressionnante, développer des compétences transversales d’expression orale.

A l’écrit : le texte libre en langues vivantes.
Compte-tenu des contraintes organisationnelles, plusieurs fonctionnements sont envisageables.
Il peut s’agir une pratique régulière (donc bien intégrée par les élèves) qui revient de façon cyclique et amène à plusieurs publications au cours de l’année. Par exemple, sur un des trois cours de la semaine, consacrer 20min à l’écriture libre / la révision des textes / les lectures / la mise en place de la publication.
On peut envisager également une pratique plus ponctuelle mais « condensée » comme un atelier ou un mini-stage : sur une période de 15 jours (par exemple avant des vacances, en transition entre deux séquences), consacrer tous les cours à cette pratique avec plusieurs étapes (rédaction, toilettage et révision, lectures puis publication).
Enfin, on peut aussi imaginer une pratique plus régulière mais qui ne reprendrait pas tous les aspects du texte libre, comme par exemple de brefs exercices d’écriture libre intégrés à la séquence en cours, pouvant donner lieu au bout d’un certain temps à la création d’un recueil et à une publication.

Développer l’autonomie par le Plan de travail et le Travail individuel ou Autonome.

La difficulté de l’organisation en collège et lycée peut complexifier l’usage d’un Plan de Travail : malgré tout, plusieurs expérimentations sont menées par des collègues pour le mettre en place dans le cadre d’un enseignement de langue vivante, à raison de 3h à 1h de cours par semaine (collège ou lycée, LVA ou LVB, séries générales ou technologiques). Voici quelques exemples d’organisation :

>> Les heures de cours « fléchées » ou « colorées » selon les activités proposées.
Voici un exemple de répartition des horaires hebdomadaires en espagnol LVB en 2nde :
- 1h de cours « classique » (étude de documents et axes du programme + point de langue)
- 1h de Travail individuel avec le Plan de travail,
- 1h (1 semaine/2) de présentations orales à partir des travaux réalisés en TI.

>> Le Plan de travail par périodes (ex : sur 3 semaines)
Les heures ne sont pas « colorées ». L’élève reçoit en début de séquence un plan de travail proposant différents objectifs, qu’il remplira au fur et à mesure de son avancée personnelle dans la séquence. A chaque séance, plusieurs possibilités d’activités s’offrent à lui. Certaines sont incontournables, d’autres facultatives.
Objectifs du Plan de Travail : développer l’autonomie de l’élève, lui permettre un parcours plus individualisé et donc plus respectueux de son rythme d’apprentissage, le rendre acteur de sa progression voire de la programmation de ses apprentissages, varier les modalités et les supports de travail, faire une place à l’expression libre, travailler sur l’auto-évaluation, …

Développer les compétences citoyennes et l’émancipation en langues vivantes

Le développement de compétences citoyennes et la recherche de l’émancipation de l’enfant font partie intégrante des objectifs d’une pédagogique inspirée des idées de Célestin et Elise Freinet. Les cours de langues vivantes peuvent être en ce sens des espaces de développement de cette démarche émancipatrice par la grande liberté de sujets et d’organisation pédagogique qu’ils offrent.

>> Le débat d’idées
Les thématiques abordées en langue en collège et lycée sont souvent propices à l’expression de points de vue, la confrontation d’idées (notamment via les Axes au programme au cycle terminal). On peut instaurer des temps de débat ponctuels (type « projets finaux » de séquence préparés tout au long de la séquence) ou récurrents (revenir de façon régulière lorsqu’un sujet évoqué suscite l’intérêt des élèves. Ces débats peuvent également s’inspirer des techniques de discussions à visée démocratique et philosophiques (ou DVDP) développées notamment par Michel Tozzi ou Sylvain Connac.
Dans de telles démarches, un des outils d’émancipation est celui des « rôles » ou « métiers » utilisés par Freinet mais aussi en pédagogie institutionnelle, afin de formaliser le débat et donner à chacun des objectifs différents : le/la président·e de séance, un·e secrétaire, un bâton de parole, des reformulateur·trices, des expert·es etc… Ces différentes fonctions se retrouvent également dans le Conseil coopératif.

>> Le conseil coopératif
Cet outil est souvent utilisé en pédagogie Freinet dans le 1er degré, mais également par des professeurs principaux dans le 2nd degré. L’enseignant·e de langues pouvant être parfois également professeur·e principal·e, le travail autour de l’émancipation et de l’autonomie peut passer par la mise en place de Conseils coopératifs (en LV ou non), permettant la régulation et l’organisation de la classe coopérative. Voici la description qu’en propose l’ICEM : « Le conseil traite plusieurs aspects de la classe : les relations, l’avancée du travail, l’organisation matérielle, spatiale et temporelle de la classe, les projets. L’enseignant·e n’est donc plus seul·e à proposer et à décider ». Il permet de discuter le plan de travail, les quoi de neuf : en ce sens, c’est un outil qui complète une démarche de pédagogie alternative inspirée des techniques de freinet.
Objectifs principaux : instaurer et développer l’écoute en classe, apprendre la gestion de la prise de parole, développer des compétences sociales, argumenter, développer son esprit critique…

Le Texte libre en langue vivantes ?
On se confronte à la double difficulté de la maitrise de la langue maternelle, mais aussi de la langue étrangère dont les élèves ont une maitrise plus limitée du lexique. En ce sens, on peut imaginer des pratiques inspirées du texte libre en maternelle : commencer par faire raconter à l’élève son texte à l’oral et l’écrire nous-même ou le faire écrire par un élève plus expert, partir d’un travail de dessin (voire activité « L’histoire de mon dessin » présentée en détails dans la fiche « Brigade et Freinet : maternelle »), ou bien faire entrer la traduction dans le processus en partant du français.

Le Plan de Travail en quelques mots
Sur le site de l’ICEM, on trouve la description suivante : « Le plan de travail est un outil pédagogique, le plus souvent sous forme d’un document papier, élaboré conjointement par l’enseignant·e et par l’élève, qui permet à ce dernier de planifier son travail. Il permet à l’élève de gagner en autonomie et de se repérer dans les moments de travail individualisé. Il confronte envies, projets et besoins de l’élève, laissant une trace de son parcours d’apprentissage. »
Et en langue vivantes ?
Cela soulève plusieurs questions organisationnelles : comment maintenir une certaine avancée collective ? Quel sera le matériel nécessaire pour mettre en place une grande diversité d’organisation et d’activités ? Avoir « sa salle » s’avère plus facile pour mettre en place ce type de dispositifs. A défaut, un établissement bien équipé en outils de baladodiffusion permet aussi plus de flexibilité pour mettre en place ce type de dispositifs.