[Brochure n°94] Le conseil coopératif

Cet article est extrait de la brochure n°94 : la coopérative pédagogique.

Le conseil de coop, qu’est-ce que c’est, d’où ça vient ?
Inspiration pédagogie Freinet et pédagogie institutionnelle.
C’est une institution autogérée par les élèves : lieu de parole, lieu de réflexion et d’analyse, lieu de prises de décision, il vise à organiser à la fois le travail et la vie de la classe, comme celle de l’établissement. « Le conseil de coopérative : lieu d’apprentissage de la démocratie. C’est sans conteste l’institution de base de la classe, le lieu où les enfants établissent leurs lois, règlent leurs conflits, examinent les propositions concernant les activités et les relations au sein du groupe, mettent au point leur plan de travail, discutent de leurs réalisations. C’est un lieu d’échange, un lieu de parole où se trouvent confrontées paroles du groupe et parole de l’individu. C’est un lieu de conflits où s’expriment la lutte entre les dominants, les conflits dominants-dominés et les conflits entre groupe et individu » (La pédagogie Freinet au collège et au lycée, publication de l’Icem secteur 2nd degré, 1997). « Le conseil est une institution centrale de la classe de Pédagogie Institutionnelle. C’est un moment structuré et solennel où le groupe est confronté à son quotidien et à ses aspirations. Nous réglons des conflits et félicitons des camarades, […] nous votons des projets qui engageront toute la classe dans des apprentissages et de nouvelles organisations du groupe. Tous ces débats et décisions potentielles créent une énorme attente, réamorçant du désir, car il y a là des enjeux importants pour chacun-e. » (Andrès Monteret, Les chemins du collectif, Libertalia 2020).

Exemple de mise en place dans le 2nd degré

Ce ne sont que des suggestions, à chacun-e de se les approprier selon les élèves, les classes, les besoins et visées.

1er temps : préparer le 1er conseil de coopération
Présenter en quelques mots le conseil de coopération et annoncer aux élèves la date du 1er conseil. On peut préparer un questionnaire à faire remplir en amont avec des questions qui font un bilan du travail et de l’atmosphère en classe (voire dans l’établissement), tout en ouvrant vers la possibilité, pour les élèves, de s’emparer et des espaces, des programmes, des modalités de travail… et d’en proposer d’autres. Quelques exemples : que penses-tu du travail en classe ? Ce qui te satisfait le plus ? Ce qui te pose problème ? Les changements que tu souhaiterais ? Qu’est-ce qu’il faudrait ajouter dans la salle, ou retirer ? Sur quoi tu as besoin d’être aidé-e ? Sur quoi tu aimerais travailler ? De quelles manières tu aimes travailler ?
à partir de ce questionnaire, la/le prof prépare l’ordre du jour du 1er conseil, en rassemblant par thématiques, par exemple. On peut choisir de le faire en version courte : liste des points que les élèves veulent aborder. On peut choisir de le faire en version longue : la liste des points et leur détail (NB : l’ordre du jour des conseils suivants, dans l’idéal, sera préparé par les élèves). Ce questionnaire et ce bilan-ordre du jour peuvent précéder chaque conseil de coopération. Il existe des pratiques où les bilans sont faits au moyen de boîtes recueillant les idées des élèves, de tableaux où les élèves notent leurs propositions… D’autres pratiques vont plus loin dans l’autogestion par les élèves en mettant en place des équipes tournantes pour gérer la constitution de l’ordre du jour. Préparer une présentation sommaire des rôles dans le conseil : présidence, secrétariat, gestion du temps, gestion de la parole, ainsi que les règles et le déroulement type du conseil (voir fiche plus bas, « le conseil de coopération en français »).

2e temps : pendant le conseil
Voici un déroulement type dont on peut s’inspirer. Le déroulement s’appuie sur le bilan préparé en amont. On peut ajouter à ce déroulement un temps dédié à chaque point. Sur le plan de l’espace, plusieurs pratiques existent :
- une grand rectangle avec les tables
- un grand U
- pas de table, mais des chaises en cercle

L’essentiel est que chacun·e se voie et que personne ne soit exclu.

1- Ouverture par le ou la président·e : « je déclare le conseil ouvert ».
2- Présentation des élèves qui assument les différents rôles du conseil.
3- Rappel des règles de fonctionnement du conseil : « on ne se moque pas, on est bienveillant et en confiance, on écoute la personne qui parle, on demande la parole ; on ne discute pas en aparté ; les élèves qui gênent trois fois ne pourront plus participer ».
4- Lecture des décisions du conseil précédent.
5- Lecture de l’ordre du jour à l’issue de laquelle on demande s’il y a un point à ajouter.
6- Lecture des points positifs, appréciés dans la période écoulée.
7- Déroulement des points à discuter et à régler si possible.
8- Les projets en cours.
9- Les propositions.
10- Les responsables et la date du conseil suivant.
11- Relecture des décisions prises.
12- Remarques sur l’animation du conseil.
13- Fermeture du conseil : « je déclare le conseil fermé ».

L’adulte participe au conseil au même titre que les élèves.
Il/elle vote et sa voix ne compte pas davantage et n’oriente pas le vote.
Elle/il conserve un droit de veto si les propositions ne respectent pas les règles de la classe.

3e temps : après le conseil
Les décisions sont conservées dans le cahier des élèves et dans le cahier de la classe, s’il en existe un. Chacun·e veille au respect des décisions. Elles servent de points de repères pour la vie de la classe et les questions qui se posent. Au fil des conseils la mémoire de la classe se construit ainsi : les décisions sont reprises, remises en question ou complétées. Les projets s’affinent, s’ajoutent les uns aux autres.

Quelle puissance pédagogique et émancipatrice dans le conseil de coopération ?
Comme pour toutes les pratiques pédagogiques, le risque est de ne faire du conseil de coopération qu’un outil d’organisation technique du temps et du travail, de réduire le conseil à un lieu de planification des éléments proposés par le/la prof seul·e, en oubliant le potentiel de transformation de la classe et de l’école par les élèves, sans en faire un levier d’analyse critique et d’émancipation pour les jeunes. La puissance pédagogique du conseil de coopération réside dans le fait que les élèves s’emparent de l’espace, des savoirs, du travail, y injectent les notions qui les intéressent, les questionnements (sur l’école, sur le monde) qui les préoccupent, les réalités qui les laissent perplexes ou qui les révoltent. Par cette prise de pouvoir sur ce qu’elles et ils font en classe, leur engagement dans le travail prend du sens et devient authentique. Par le conseil de coopération, les jeunes font l’apprentissage du débat et de l’analyse, réfléchissent aux situations problématiques de la classe et de l’établissement, qu’ils soient interpersonnels ou organisationnels, et y construisent des réponses ; ils et elles y apprennent la démocratie et l’autogestion et prennent confiance en leur pouvoir d’agir. L’émancipation ici, se traduit par l’exercice d’un esprit critique face au fonctionnement traditionnel de la classe et de l’école, et par une dynamique de transformation de ce fonctionnement. Côté prof, cela demande un changement de posture pas toujours facile : ne plus être la personne qui domine, qui décide seul·e du déroulement des cours, des points à aborder, des modalités de travail ; accepter la parole critique des élèves et s’ouvrir à leurs propositions, pour le contenu comme pour la forme du cours. C’est ainsi s’émanciper, en tant que prof, des postures héritées de nos propres études, descendantes et dominatrices.