Renforcer les liens Armée-Education : un objectif affiché du gouvernement
Voilà longtemps que L’École est instrumentalisée pour rabattre les recrues dont l'Armée a cruellement besoin. Il faut dire que le désintérêt, voire le rejet, de la jeunesse à l'encontre des professions militaires et, plus largement, des professions en uniforme, va croissant.
Plusieurs dispositifs gouvernementaux ont tenté de pallier ce (légitime) désintérêt.
- Ainsi, en 2005, en collège et en lycée, ont été mises en place des « classes de défense et de sécurité globale » répondant à un triple objectif : contribuer à la cohésion nationale, promouvoir l'esprit de défense, garantir l'attractivité de l'armée. Menée à l'initiative d'une équipe enseignante, une classe de défense s'organise autour de temps de rencontres et d'activités, sur temps scolaire, avec une unité militaire qui la parraine.
- En 2008 est créé le dispositif des « cadets de la défense », proposé aux élèves de collège et de lycée. Il leur permet d'être accueilli·es pendant plusieurs jours, hors temps scolaire, au sein d'une unité militaire avec laquelle a été conclu un partenariat.
- La mise en place du Service National Universel (SNU) à partir de 2019 s'inscrit dans la même dynamique. Ses piètres résultats ont conduit à renoncer à une démarche volontaire des élèves pour passer directement par les établissements scolaires.
Le label « classes et lycées engagés »
Il s’agit d’une nouveauté de la rentrée 2023. Ce label est en lien étroit avec le SNU, dont il organise « la montée en puissance » voulue par le gouvernement. C’est, dans les faits, un cheval de Troie pour faire pénétrer le SNU dans les lycées, œuvrer à sa généralisation et le déployer sur temps scolaire. Ce label entreprend ainsi de contourner le rejet et la résistance dont il fait l’objet de la part de la jeunesse. Alors que le SNU se heurte à l'opposition des fédérations de parents d'élèves et de l'ensemble des syndicats du secteur associatif et de l'éducation, ce label est un moyen déployé par le gouvernement pour l'imposer à une société qui y est réfractaire.
Le abel « classes et lycées engagés » concerne les classes de seconde et de première année de CAP. Il est délivré après examen par des commissions académiques, dès lors qu’un·e enseignant·e volontaire a répondu aux appels à candidature. Et si l'on manque de volontaires, une équipe de direction pourra prendre l'initiative de labelliser son établissement, y compris contre l'avis des enseignant·es, enrôlant dans le dispositif des projets déjà en place. Les premières remontées montrent par ailleurs que ce label fonctionne comme une vitrine qu'utilisent les directions pour mettre en valeur leur lycée et organiser ainsi la concurrence entre établissements.
Ce label a pour vocation d’intégrer le SNU aux apprentissages et au temps scolaire. Quatre thématiques sont retenues : défense et mémoire ; sport et Jeux Olympiques et paralympiques ; environnement ; résilience et prévention des risques. Quelle que soit la thématique retenue, le projet pédagogique associé devra se construire autour du SNU puisque les classes labellisées devront nécessairement participer au séjour de cohésion de 12 jours, sur temps scolaire.
Le label s’accompagne de la désignation d’un·e référent·e « Engagement » dans chaque lycée. Petite cerise sur le gâteau, les enseignant·es qui assureront cette mission seront rémunéré·es dans le cadre du P, largement refusé par la profession.
Une dangereuse et inquiétante militarisation de l'École
Ce label précipite une militarisation de l'École déjà largement en marche. Le ministère prétend que les séjours de cohésion organisés dans le cadre de ce label seront une forme de voyages scolaires. Cette communication fallacieuse vise à rendre acceptable un dispositif qui dévoie les missions de l'École. Les séjours de cohésion du SNU soumettent les jeunes à une discipline stricte : port d'uniforme, lever à 6h30 et coucher à 22h30, salut quotidien au drapeau. Les séjours organisés avec le label « classes engagées » répondront à la même organisation militaire. Ce ne seront pas forcément les enseignant·es qui encadreront ces séjours mais un mélange hétéroclite de militaires et de personnels du milieu associatif. C'est d'autant plus inquiétant qu'il y a déjà eu de grandes dérives maltraitantes relayées par la presse durant des séjours de cohésion du SNU.
Ces séjours sur temps scolaire vont participer à une désorganisation des apprentissages et ôter aux élèves des heures qui devraient être consacrées aux enseignements. Plus largement, par ce label, l'institution militaire pénètre dans les parcours scolaires que suivent les élèves. Construire un projet pédagogique autour du SNU, c'est forcer les élèves à adhérer aux valeurs de l'Armée.
S'opposer au label « classes et lycée engagés » c'est donc non seulement résister au SNU et à la militarisation de la jeunesse, c'est encore combattre un dévoiement de l'École et des projets pédagogiques au service d'intérêts nationalistes et bellicistes.
SUD éducation sait que la jeunesse s'engage déjà dans de multiples luttes, de manières diverses et variées. Si lducation nationale souhaite véritablement participer à cet engagement, qu'elle donne enfin la parole aux élèves, qu'elle les soutienne sans chercher à leur imposer un modèle unique et autoritaire.
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