Déclaration de SUD éducation au CSA du 7 novembre 2023

Le CSA du 7 novembre a procédé à l'étude des Lignes Directrices de Gestion "carrières" et du bilan du plan national d’action 2021-2023 pour l’égalité professionnelle . En introduction les organisations syndicales ont procédé à des déclarations préalables. Voici la déclaration de SUD éducation :

Déclaration de SUD éducation

Mesdames et Messieurs,

Notre système scolaire est à nouveau endeuillé. SUD éducation tient à présenter à l’occasion de ce CSA ses plus sincères condoléances aux proches de Dominique Bernard, à sa famille, ses amis, ses collègues, ses élèves et nous apportons tout notre notre soutien aux collègues blessés. Ce meurtre affecte l’ensemble de la communauté éducative et de la société. Nous portons, à SUD éducation, le projet d’une école émancipatrice comme fondement essentiel d’une société juste, démocratique et pacifiste. Chaque mort à l’école nous ébranle : pourquoi l’école ne parvient-elle pas être un rempart à l’obscurantisme et à la violence ?
Il y a un enjeu essentiel à réaffirmer le rôle central de l’école et à apporter un soutien inconditionnel aux personnels qui font vivre le service public d’éducation au quotidien. Or les personnels ont entendu leur ministre, quelques jours après le drame d’Arras, défendre les suppressions de postes devant la Commission de l’éducation de l’Assemblée nationale. Alors que les personnels dénoncent unanimement le manque de personnels dans l’Éducation nationale, il aurait, à minima, fallu un moratoire sur les suppressions de postes pour la rentrée 2023.

Le projet de loi de finances 2024 présenté par le gouvernement est exemplaire du deux poids, deux mesures appliqué aux secteurs publics et privés. Le PLF prévoit pour le programme 140 (1er degré public) une augmentation de 4,58%, et 5,4% pour le second degré public (programme 141). Le programme 139, qui correspond au secteur privé, connaît une augmentation de 6,51% pour les premier et second degrés. Une nouvelle fois, l’augmentation de l’allocation des fonds publics bénéficiera en priorité à celles et ceux qui fréquentent le privé et en ont le moins besoin, comme en témoigne la publication des Indices de Positionnement Social.
De même, la part du financement de l’État dans la dépense intérieure d’éducation en 2022 était en baisse au regard de 2021 à 6,8%. Et la maigre augmentation du budget ne doit pas dissimuler qu’il est improbable qu’elle permette une augmentation de la part de l’État dans la dépense intérieure d’éducation comparable à celle de 2009 avec 7,1%, ou de 1996, avec 7,71%. Si l’éducation est réellement une priorité, il faut alors lui apporter une augmentation durable et prévisible des moyens qui permettent au service public d’éducation de fonctionner et de remplir ses missions.

Dans cette perspective, la moindre des choses consiste à faire du troisième grade des corps des personnels d’éducation une perspective réaliste pour l’ensemble des personnels qui ont œuvré au sein du service public d’éducation durant plusieurs décennies.

Nous tenons à rappeler également les enjeux majeurs auxquels notre système scolaire est confronté : celui de former les travailleurs et les travailleuses de demain, libres et capables d’exercer leurs droits démocratiques, celui d’une reconversion écologique de la société, celui de lutter contre les inégalités sociales, mais aussi celui de protéger les enfants et les jeunes face aux violences.

Cette année, trois jeunes personnes sont mortes, victimes du harcèlement scolaire : Lucas, Lindsay et Nicolas.
Derrière ces morts, se cachent les situations de milliers d’élèves et de personnels qui subissent des violences au sein de l’institution scolaire. Les personnels ont appris, pendant leurs congés, la banalisation de deux heures le jeudi 9 novembre et ont reçu pour consigne de faire passer aux élèves un questionnaire afin de faire un état des lieux des situations de harcèlement dans les écoles et les établissements scolaires.

SUD éducation a pris l’habitude d’alerter le ministère au sujet du harcèlement scolaire, par conséquent on ne reprochera pas au ministère de l’Éducation nationale de prendre enfin à bras le corps ce problème social majeur, qui a déjà fait de trop nombreuses victimes.
Néanmoins, un questionnaire ne suffira pas, la lutte contre le harcèlement scolaire est transversale : elle nous conduit à nommer les discriminations racistes, validistes, LGBTQIphobes ou sexistes, qui constituent un terreau favorable à des situations de harcèlement et à une dégradation du climat scolaire. C’est pourquoi nous nous engagerons au mois de novembre dans les journées de lutte contre les violences et les discriminations : le 20 novembre pour les droits des enfants et la journée du souvenir trans et le 25 novembre pour la journée internationale de lutte contre les violences sexistes et sexuelles. SUD éducation appelle l’ensemble des personnels à se mobiliser à l’occasion de cette journée car, dans notre société patriarcale, les violences à l'égard des femmes et des minorités de genre permettent de les maintenir dans une position de domination. Les violences sexuelles et sexistes forment un ensemble : c'est parce qu'il y a des violences quotidiennes que des violences plus graves peuvent survenir. Un long chemin reste encore à parcourir dans notre ministère.

Mais la lutte contre le harcèlement scolaire nous conduit également à pointer le manque de moyens pour accompagner les élèves dans leur scolarité : l’école manque de professeurs, de personnels AESH, de Vie scolaire et bien sûr de personnels médico-sociaux.
Enfin, la lutte contre le harcèlement scolaire nous conduit à être plus attentif et attentive à la santé mentale des enfants et des jeunes et à interroger les effets de la politique éducative du ministère.
Selon une étude de Santé publique France publiée le 9 octobre 2023, les recours aux soins d’urgence pour troubles de l’humeur, idées et gestes suicidaires ont «fortement augmenté en 2021 puis 2022, pour rester depuis à un niveau élevé » et la situation continue de se dégrader pour les jeunes de 11 à 17 ans. Les spécialistes constatent de multiples facteurs : l’inaction face à la crise écologique, les violences validistes, sexistes ou racistes que subissent les jeunes, un système scolaire qui génère de la phobie scolaire et du mal-être. En effet, les élèves sont soumis à un climat de compétition et de mise en concurrence à l’école. Il y a un décalage criant entre d’une part  les discours ministériels qui promeuvent le bien-être des élèves dans une école inclusive qui s’adapte au rythme de chacun·e et d'autre part le système éducatif de plus en plus soumis aux injonctions de performance dans les classements internationaux avec la multiplication des évaluations et du pilotage des enseignements par ces mêmes évaluations en prônant le retour aux “savoirs fondamentaux”, symboles d’une école du tri social.

Au contraire, SUD éducation réaffirme son attachement à la liberté pédagogique des enseignant·es et porte une autre vision de l'école : égalitaire, émancipatrice, coopérative avec des méthodes et des programmes adaptés, qui favorisent l’expérimentation, l’esprit critique, la coopération et qui réaffirment la dimension polytechnique et l’importance de tous les enseignements, à l’opposé de la politique étriquée des savoirs fondamentaux. Enseigner et éduquer nécessitent un haut niveau de compétence et une formation à la pointe. Or on constate que les contenus des formations sont de plus en plus descendants dans des formats hybrides qui ne permettent pas l’élaboration de gestes professionnels complexes. Nous craignons que la politique des “savoirs fondamentaux” et des évaluations nationales ne finisse, à terme, par transformer les personnels en exécutants alors que ceux-ci sont au contraire des concepteurs.

Vous l’aurez compris, pour SUD éducation, pour construire l’école de demain, il faudra davantage qu’un questionnaire et des plans de communication, il faudra des moyens pour recruter des personnels, pour les former sur temps de service et pour mieux les rémunérer. Une première mesure à prendre d’urgence est la titularisation des personnels AESH avec la création d’un vrai statut de la Fonction publique pour ces personnels essentiels à l’inclusion scolaire et à la lutte contre le validisme à l’école : les conditions d’exercice de ces personnels ne cessent de se dégrader. Il est temps de reconnaître qu’AESH, c’est un métier avec un temps plein de 24h car sans cela, il n’y a pas d’école inclusive.