L’enseignement supérieur n’est pas une marchandise

La mission parlementaire travaillant sur l’enseignement supérieur privé lucratif vient de rendre ses 22 recommandations. SUD éducation a été entendu dans le cadre de cette mission parlementaire par des député·es et les rapporteures afin d’y défendre nos positions et revendications sur ce sujet là.

Car l’enseignement supérieur privé lucratif se porte bien : un quart des effectifs contre 14% il y a 20 ans, la moitié des effectifs étudiants supplémentaires depuis 10 ans. Sur cette période, le privé a crû de 65% contre 16% pour le public. Une situation qui résulte de choix politiques :

  • conséquence de la loi Pénicaud de 2018 qui octroie de généreux financements publics au privé ;
  • effet de la sélection par Parcoursup et de la prospection de groupes privés auprès des recalé·es ou de celles et ceux qui sont inquiets de l’être et préfèrent “sécuriser” leur possibilité de poursuivre des études supérieures ;
  • du désinvestissement de l’État dans le public : la dépense par étudiant a chuté de 16% entre 2012 et 2022.

 

Le rapport de la mission parlementaire pointe bien toute une série de dysfonctionnements actuels : des appellations de diplômes mensongers, des formations tout en distanciel, des reconnaissances trompeuses, des frais d’inscriptions frauduleux…. La Direction des fraudes avait rendu un rapport qui estimait que 30% des écoles privées avaient des pratiques commerciales trompeuses/douteuses. Tout cela adossé à un marketing agressif à destination des recalé·es ou inquiets de l’être de Parcoursup.

Ce développement éclair dans un far-west réglementaire se fait par ailleurs dans un contexte de promotion de l’apprentissage par le gouvernement : en 5 ans, les aides publiques aux entreprises pour l’apprentissage sont passées de 5 à 20 milliards. Et les entreprises privées de l’enseignement supérieur en profitent aussi largement. Aujourd'hui, la seule inscription de ces entreprises privées au Répertoire national des certifications professionnelles les autorisent à être répertoriées sur Parcoursup.

Ce développement rapide et bien peu réglementé de l’enseignement supérieur privé est un danger pour le service public de l’ESR, pour ses personnels (recrutements parallèles, débauchages…) et les étudiant·es (augmentation des frais d’inscription, formations non reconnues…).

SUD éducation partage une série de recommandations de ce rapport tant à l’heure actuelle le flou et la tromperie généralisée ont des conséquences graves pour des étudiant·es qui vont s’endetter pour des formations non reconnues. Protéger l’appellation “master” pour les diplômes nationaux, limiter les appellation “mastères” et “bachelor” aux formations reconnues par l’Etat, distinguer diplômes et formation RNCP, contrôler la qualité pédagogique de ces formations privées, conditionner les fonds d’apprentissage…. sont certainement des premières mesures à prendre rapidement.

Mais pour SUD éducation, le “label qualité” proposé par ce rapport et bientôt présenté par la ministre va finalement venir renforcer l’enseignement supérieur privé lucratif qui se verra garantir ses formations tandis que le budget de l’ESR public continue lui de s’appauvrir. Pour SUD éducation, et nous avons eu l’occasion de le rappeler devant la mission, l’État ne doit pas octroyer d’accréditations pour des formations qui existent dans le public. Depuis des années maintenant, notre ministère ouvre la porte à cette concurrence du privé : en 2021, F. Vidal autorisait (contre l’avis unanime du CNESER) l’intégration dans Parcoursup des formations dispensées par des établissements privés ni sous contrat avec l’État ni d’intérêt général ; pour la directrice générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle, peu importe que les étudiant·es se tournent vers le public ou le privé.

Pour SUD éducation, l’heure n’est pas à la labellisation des formations d’enseignement supérieur privé lucratif appartenant à de grands groupes capitalistes (Galileo appartient à la famille Bettencourt) ou des fonds d’investissements, mais à la mise en place d’un plan d’urgence massif pour l’Enseignement supérieur et la Recherche publique et la fin de la sélection.

Avec une aide de l’État à hauteur de 8000€ par apprentis, l'apprentissage coûte aujourd’hui à l’État près de 20Md€. Par comparaison celui de l’ESR est de 25Md€. L’État dépense donc sans compter dans des formations qui ne sont ni garanties, ni contrôlées. Sur ces 8000€ ce ne sont parfois uniquement que 1600€ qui vont à la formation réelle. Le reste allant dans les poches de ces grands groupes capitalistes amis. Un comble: Murielle Pénicaud, ministre du travail ayant mis en place cette politique massive en faveur de l’apprentissage, travaille aujourd’hui pour Galileo.

SUD éducation revendique la mise en place d’un grand service public d’enseignement supérieur. SUD éducation s’oppose à toute forme de labellisation des formations privées. Ces labellisations contribuent à la légitimation des ces formations au détriment des formations publiques. Une fois obtenue comment ces formations seront-elles contrôlées, quelle sera l’effectivité de ces contrôles ?

 

Pour cela SUD éducation revendique : 

  • un véritable contrôle des formations privées par le contrôle effectif des entreprises privées et des moyens alloués à la mise en œuvre de ce contrôle, puis l’application de sanctions lorsque la réglementation n’est pas respectée.
  • la fin de toute subvention publique pour les établissements privés de l’Enseignement Supérieur, notamment par le biais de l’apprentissage.
  • les mêmes obligations en termes de préventions des VSS et des discriminations que dans l’enseignement supérieur public.
  • un accès égal à l’enseignement supérieur sans discrimination d’ordre économique ou scolaire, contre la logique de tri social et de sélection
  • de véritables moyens pour l’enseignement supérieur public, afin d’accueillir tous les étudiant.es qui souhaitent poursuivre leurs études le monopole de la collation des grades par l’Enseignement supérieur public