Prions infectieux, après une année de moratoire, avancer sur les enjeux : Améliorer la prévention dans les labos & Regagner la confiance du collectif de travail

Nous ciblons d’abord la question de l’information de toutes les personnes ayant travaillé dans les équipes concernées, sans avancée depuis l’envoi de notre demande d’avoir l’éclairage du Comité d’éthique.


Nous regrettons que le PDG de l’INRAE décide d’une levée partielle du moratoire dans un laboratoire, sans répondre à la demande des CHSCT de viser une indépendance maximale du délégué-prévention de l’Unité, préconisation forte du rapport d’inspection.


Plus largement, avec la prise en compte du risque de contamination par voie aérienne et l’information des agents sur les réunions de CHSCT, nous attendons de nouvelles avancées sur les enjeux de ce dossier douloureux, permettant d’améliorer la prévention en laboratoire et de regagner la totale confiance du collectif de travail.

 

Prions infectieux, après une année de moratoire, avancer sur les enjeux :
Améliorer la prévention dans les labos & Regagner la confiance du collectif de travail

 

Au cœur de l’été 2021, un moratoire sur l’activité prion était déclenché dans la recherche publique après l’annonce d’une seconde contamination. La mission d’inspection menée en fin d’année a abouti à plusieurs recommandations. Nos 3 syndicats, SUD-Rural Territoires, SUD-Education et SUD-Recherche EPST ont dès ce printemps alerté les Ministres en charge de de la Recherche et de l’Agriculture sur l’information de toutes les personnes ayant travaillé dans ces équipes au fil des ans.
Fin août, nous constatons qu’aucune avancée n’est intervenue sur ce volet. Cette été, le PDG de l’INRAE a annoncé une levée partielle du moratoire sur ces recherches, en décidant la reprise de cette activité dans l’Unité VIM du centre de Jouy au premier septembre, alors même que les CHSCT local et national concernés s’interrogent sur certaines conditions de cette reprise.
Dans ce contexte, nous pensons nécessaire de renforcer la vigilance collective. Tout en étant conscients du caractère anxiogène de ce dossier, nous savons aussi que la politique de l’autruche ou du déni n’a jamais permis d’avancer en matière de prévention. Devons-nous rappeler qu’il a fallu un second décès pour qu’enfin ce dossier soit enfin traité avec toute la rigueur attendue ?
Sur l’information systématique des personnels
La question est évidemment délicate, ce qui explique la proposition du rapport d’audit de solliciter l’éclairage du Comité d’Ethique National. Mais comment comprendre les retours oraux formulés au CNESER (le 05/07) et au CCHSCT de l’INRAE (le 12/07) qui expliquent que ce Comité ne se considère pas compétent pour traiter ce sujet ? … Alors même qu’un avis de ce comité, formulé en 1997, concerne la question qui nous préoccupe : « Avis sur l'information à donner aux patients à propos de la possibilité de transmission de l'agent de la maladie de Creutzfeldt-Jakob par des composants du sang ». Cet avis éclaire précisément sur l’information de personnes potentiellement concernées par un risque de contamination. Et la conclusion semble claire, dès lors qu’un risque réel a été constaté.
Dans la relance aux nouveaux ministres de tutelle, à la mi-juin, Madame Retailleau et Monsieur Fresneau nous leur avons rappelé qu’il y a trois ans, Emilie Jaumain, première victime ayant travaillé sur ces prions infectieux, décédait après une longue période douloureuse d’errance médicale. Nous ne voulons pas que d’autres ancien-nes collègues soient confronté-es à une telle situation.
Il est important que cette question sensible soit prise en charge sans attendre. Nous ne revenons pas ici sur l’argumentaire développé dans notre courrier de mai dernier ; et nous continuerons de rappeler ce questionnement sur le devoir d’information auprès des deux ministres et dans les instances.

Sur l’indépendance du référent-prévention dans l’Unité

Le CHSCT du centre de Jouy et le CCHSCT de l’INRAE ont été convoqués ce début juillet, avant la reprise des activités dans l’Unité de Jouy. Ils se sont abstenus sur la poursuite du processus de sortie du moratoire. Le principal différend concerne l’organisation de l’activité avec la demande d’indépendance du référent prions de l’unité, afin d’éviter les conflits d’intérêt :
Les recommandations du rapport d’inspection de janvier dernier étaient précises : « Il est toutefois extrêmement important que les deux chaînes hiérarchiques soient indépendantes jusqu’au plus haut niveau possible de la hiérarchie afin d’éviter les conflits d’intérêts. Pour cela, l’assistant de prévention dans une équipe prion doit pouvoir bénéficier d’une lettre de cadrage de ses missions précisant qu’il peut prendre contact directement et en tant que de besoin avec le conseiller de prévention placé auprès du directeur général ou du président de l’organisme de recherche. »
Le guide de bonnes pratiques finalisé ce début 2022 également - suivant les recommandations d’un premier rapport - demeure hélas moins contraignant sur cet objectif d’éviter les conflits d’intérêt. Suivant le document présenté aux CHSCT de l’INRAE ce début juillet, le référent sécurité prion est nommé auprès du DU (Direction d’Unité), en lien direct avec le conseiller prévention de centre et la présidence de centre avec une lettre de mission spécifique.
Dans son message aux agents du 19 juillet annonçant sa décision de reprise de l’activité prion au 1° septembre au sein de l’unité VIM de Jouy, le PDG de l’INRAE argumente ainsi son refus d’un référent sécurité dans chaque laboratoire prions, qui soit indépendant de la direction d’unité. « Cette condition irait au-delà des exigences du guide de bonnes pratiques validé par les inspections générales, et n’est pas souhaitable pour l’exercice des responsabilités déléguées aux directeurs et directrices d’unité, qui doivent assurer la prévention des risques au plus près de la science. »
Au-delà de cette formulation péremptoire du PDG suggérant que la sécurité, en science, serait a priori exempte de conflit d’intérêt hiérarchique, l’expérience passée n’est pas plus rassurante : on peut citer en exemple l’affaire de 2015 dite de “l’agneau médusé” où syndicalement nous avions dénoncé la gestion orientée du dossier sur ce centre de recherche - une illustration du conflit d’intérêt pour masquer la responsabilité de l’employeur- et plus récemment le positionnement sans compassion de la direction de l’INRA(E) après le décès d’Emilie Jaumain (cf notre expression de 2019). Nous sommes persuadés que cette préconisation d’indépendance du second rapport d’inspection est déterminante pour que le collectif de travail retrouve la confiance nécessaire à cette reprise d’activité.
La mise en œuvre de ces 2 préconisations repose uniquement sur l’engagement et la volonté politique que nous attendons des directions ministérielles et d’établissements de recherche. La « maitrise » du risque prion en laboratoire exige également une évaluation approfondie des contaminations possibles par voie aérienne, avec la mise à disposition de protections, un contexte qui nécessite une réflexion sur la classification en niveau 4 des prions.
Nous terminons en saluant le travail de sensibilisation menée par l’association Emilys créée à la mémoire de l’ancienne collègue décédée de Jouy, et l’activité menée au sein des CHSCT concernés. Il est impératif que les collectifs de travail puissent être assurés du maintien de structures « prévention » indépendantes et respectées par la hiérarchie. A ce stade, nous espérons, cette rentrée, que les travaux des CHSCT sur ce dossier et plus généralement sur la prévention, soient diffusés dans les délais auprès de l’ensemble des collègues, ainsi que le demande la réglementation.