Questionnaire “exigence des savoirs” : de mauvaises questions pour de vrais problèmes !

Le 25 octobre 2023, les personnels ont reçu dans leur boîte académique un mail du ministère de l’Éducation nationale les informant de la création d’une mission “exigence des savoirs” et les invitant à remplir une consultation en ligne. Sur un sujet aussi important que l’élévation globale du niveau des élèves, le ministère n’organise donc pas une réelle concertation collective, partant des écoles et des établissements scolaires, avec un temps d’échanges dédié, mais se contente d’une sollicitation individuelle des personnels.

La mission diligentée par le ministère s’appuiera sur la consultation des personnels et des échanges avec les organisations syndicales, les associations professionnelles et de parents d’élèves pour rendre ses conclusions fin novembre en vue d’annonces ministérielles en décembre 2023. Les questions sont néanmoins déjà orientées pour légitimer les marottes du ministère : savoirs fondamentaux, culture générale, autorité de l’enseignant·e… mais il n’est jamais question de la baisse du nombre d’élèves par classe ! 

La mise en œuvre de cette mission “exigence des savoirs” fait suite à une longue série de mesures-vitrines pour enrayer la baisse du niveau scolaire des élèves. Le ministre de l’Éducation nationale s’alarme du niveau de fluence en 6ème, des résultats des élèves à l’épreuve de mathématiques du Brevet des collèges et des mauvais classements de la France dans les enquêtes internationales. 

Le retour aux “fondamentaux” n’est pas la solution à l'échec scolaire

Le bilan dressé par le ministère peint un niveau insuffisant en français et en mathématiques alors même que sa politique éducative est entièrement tournée vers ces deux disciplines depuis que Jean-Michel Blanquer a imposé sa politique des “savoirs fondamentaux” pour remplacer les “apprentissages fondamentaux” des programmes de 2015. Les "apprentissages fondamentaux" au cycle 2 évoquaient des activités fondamentales de haut niveau et transversales telles que résoudre un problème, comprendre un document, rédiger un texte, créer ou concevoir un objet. À l'occasion de la réécriture partielle des programmes, la notion "d'apprentissages fondamentaux" a laissé place aux "savoirs fondamentaux" : il ne s'agit plus de former progressivement à la réalisation d'opérations cognitives de pensée complexe mais d'assurer la maîtrise de savoirs minimaux : lire, écrire, compter, respecter autrui, à partir de deux disciplines, le français et les mathématiques.

 

Il est temps que le ministère interroge les politiques éducatives qu’il a imposées à l’École. La France est le pays d’Europe qui dédie le plus de temps scolaire à l’apprentissage de sa langue et est largement au-dessus de la moyenne du temps consacré à l’apprentissage des mathématiques. Par ailleurs, le ministère déplore, dans sa communication, le niveau en fluence des élèves sans interroger la pertinence de ce critère qui fait l’impasse sur la compréhension des textes lus. 

 

Dans le questionnaire destiné aux enseignant·es du premier degré, l’accent mis sur le redoublement ou sur les devoirs écrits “à la maison” semble par ailleurs indiquer que le ministère accorde beaucoup de crédit à l’adage selon lequel c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes. Pour SUD éducation, ce ne sont pas les recettes du passé qui permettront d’apporter des solutions aux problèmes actuels du système éducatif.

 

Comment parler des difficultés scolaires sans parler des inégalités sociales ?

 

De même, le ministère n’interroge pas la concomitance entre inégalités scolaires et inégalités sociales ni la responsabilité de l’enseignement privé dans le manque de mixité sociale. Pourtant, la mixité sociale et scolaire est un facteur d’amélioration du niveau général. Le ministère propose dans son questionnaire, parmi les réponses possibles, l’organisation de groupes selon le niveau des élèves alors même que les études montrent que ce type d’organisation scolaire a un impact bénéfique uniquement pour les élèves qui sont déjà les plus performants. En revanche, son impact est négatif sur les élèves dont le niveau est plus faible. L’amélioration des résultats des élèves les plus performants par les groupes de niveau ne pallient pas la chute de résultats pour les élèves dont le niveau est plus faible : les études montrent que les classes hétérogènes favorisent l’amélioration moyenne du niveau.

Revendiquer des moyens pour garantir un service public d’éducation de qualité pour tou·tes

 

Le ministère fait l’impasse, dans les items proposés, sur les conditions d’étude des élèves en particulier sur le nombre d’élèves par classe. Or SUD éducation ne cesse de répéter, à chaque instance ministérielle, que la baisse du nombre d’élèves par classe est indispensable pour améliorer le niveau scolaire. C’est un impératif pour enseigner dans des classes hétérogènes et pour répondre aux besoins de tous les élèves, qu’importe leurs difficultés scolaires, sociales, leur handicap et leur parcours. 

SUD éducation réaffirme son attachement à la liberté pédagogique des enseignant·es et porte une autre vision de l'école : égalitaire, émancipatrice, coopérative avec :

  •  la baisse du nombre d’élèves par classe,
  •  des méthodes et des programmes adaptés, qui favorisent l’expérimentation, l’esprit critique, la coopération et qui réaffirment la dimension polytechnique et l’importance de tous les enseignements.
  • une évaluation au service des élèves et des personnels, opposée à toute idée de compétition et de concurrence, 
  • une prise en charge de la difficulté scolaire sur le temps de classe, y compris dans le 1er degré par la reconstitution de réseaux d’aide (RASED) complets et des personnels spécialisés partout,
  • l’égalité sur tout le territoire, y compris en éducation prioritaire, 
  • une véritable formation initiale et continue sur temps de service qui réponde aux enjeux du service public d’éducation et aux besoins des personnels.