Lauréat-e‑s des concours 2020 : Un entretien professionnel pour toujours plus de pression sur les enseignant-e‑s stagiaires !

L’arrêté du 28 août 2020 fixant les modalités complémentaires d’évaluation et de titularisation de certains personnels relevant du ministère chargé de l’éducation lauréats de la session 2020 des concours accroît la pression sur les enseignant-e-s stagiaires, en instaurant un « entretien professionnel » qui ressemble à un oral bis. SUD éducation fait le point.

Le texte de l’arrêté L’analyse de SUD éducation
Article 1
Les modalités d’évaluation et de titularisation des lauréats 2020 « sont complétées par un entretien professionnel organisé dans les conditions prévues par le présent arrêté. La procédure de titularisation des stagiaires reste donc la même (avec rendu d’un mémoire et avis d’un-e inspecteur-rice, du chef d’établissement et de l’INSPE) mais à celle-ci vient s’ajouter un oral de titularisation qui aura lieu entre mars et juin 2021. Nous savons d’ores et déjà que cet oral sera une charge supplémentaire pour des stagiaires qui auront, pour certain-e-s, les épreuves orales et écrites de l’INSPE à préparer sur cette même période de l’année.
Article 2
Il est constitué une commission d’entretien professionnel composée d’un membre du corps d’inspection […] ; d’un membre auquel appartient le stagiaire [ou pour le second degré et les CPE] un membre du corps des personnels de direction. Ces membres sont nommés par le recteur. L’entretien est évalué par un inspecteur-trice et un-e enseignant-e. Mais pour les CPE et les enseignant-e-s du 2d degré, l’enseignant-e peut être remplacé par un chef d’établissement qui n’est pas spécialiste de la dite discipline et n’a pas de compétences pédagogiques. Or lors de l’oral des concours de l’enseignement, ce sont bien des enseignant-e-s qui sont membres du jury. Le pouvoir des chef-fe-s d’établissements se voit ici renforcé, encore une fois.
Article 3
Chaque commission rend un avis établi sur la base d’un modèle défini selon les orientations du ministre chargé de l’éducation nationale, qui sera publié avant la fin de l’année civile 2020. L’entretien, d’une durée de trente minutes, débute par une présentation par le stagiaire, d’une durée de dix minutes, d’une situation professionnelle personnelle vécue pendant l’année scolaire en cours. Le stagiaire décrit et analyse la situation et les choix qu’il a été amené à faire. L’entretien est ensuite consacré à un échange avec la commission. L’entretien permet […] d’évaluer la capacité d’analyse et de réflexivité relativement à la pratique professionnelle de l’année en cours, dans les domaines de compétences suivants :

– l’intégration des éléments réglementaires et institutionnels dans l’exercice des responsabilités [de fonctionnaire] ;

– les compétences relationnelles, de communication et d’animation favorisant la transmission […]

– pour les personnels enseignants, les compétences professionnelles liées à la maîtrise des contenus disciplinaires et à leur didactique ; – pour les personnels d’éducation, les compétences professionnelles liées à l’organisation et à la gestion de la vie scolaire dans l’établissement ;

– pour les psychologues de l’éducation nationale, les compétences professionnelles liées à l’apport spécifique du psychologue de l’éducation nationale pour la réussite scolaire de tous les élèves […].

L’entretien fait l’objet d’un avis et non d’une note chiffrée. Mais à quel point compterait cet avis sur la titularisation des enseignant-e-s stagiaires ? Par ailleurs, nous noterons que les critères motivant cet avis ne seront connus que fin 2020, ce qui paraît bien tard. SUD éducation restera vigilant à ce que ces textes réglementaires soient publiés le plus tôt possible afin que les enseignant-es stagiaires puissent se préparer au mieux. Le texte ne dit rien non plus concernant les modalités de préparation de cet oral. Cela se fera-t-il sous l’encadrement des cours à l’INSPE ? Les enseignant-es stagiaires seront-ils-elles seul-les pour se préparer. Si c’est le cas, sur quel temps ? Sera-t-il prévu des décharges de service, de cours à l’INSPE ? Le déroulement de l’entretien, quant à lui, reste aussi flou. Il n’y a pas de précision sur la « situation professionnelle vécue" : est-ce vraiment le-la stagiaire qui la choisit ? Comment ? Cette situation doit-elle mêler : des enjeux de « gestion de classe » et propres à sa discipline, des enjeux didactiques et pédagogiques ? On ne sait pas non plus quel genre de questions pourraient être posées au stagiaire : des questions générales sur comment doit agir un fonctionnaire ; sur la manière d’enseigner tel thème ou alors des questions plus précises voire personnelles sur la manière dont s’est déroulée cette année de stage. On notera les compétences relationnelles ; de communication et d’animation et non les compétences pédagogiques permettant de transmettre correctement les connaissances ; l’absence totale du terme pédagogique dans un tel document concernant l’enseignement étonne d’ailleurs. Cela montre bien la volonté du ministère de transformer les enseignant-e-s en simples « animateurs-trices » de classes. La partie de maîtrise des contenus disciplinaires semble bien réduite alors que c’est avant tout cela que vérifiait l’oral des concours (or cet oral est censé être une sorte de remplacement). Les stagiaires Psy EN devront défendre leur métier en expliquant ce qu’ils-elles apportent aux élèves, exercice ironique quand on sait que leur « expertise » concernant l’orientation leur a été retirée il y a 3 ans ! Or, le rôle dans un établissement était davantage tourné vers l’orientation que vers la partie psychologie.
Article 4
L’avis de la commission est communiqué au jury académique de titularisation compétent. Le fonctionnaire stagiaire […] a accès, à sa demande, à l’avis de la commission. Si l’avis est remis au jury de titularisation, cela signifie que l’avis comptera dans cette titularisation, mais de quelle manière ? À part égale avec l’ensemble des autres avis ? À part égale à chacun des autres avis (de l’inspecteur-rice, du chef d’établissement et de l’INSPE) ?

Une fois encore, la publication de cet arrêté montre l’impréparation d’un ministre et de ses équipes concernant cette rentrée 2020. En effet, cet oral de titularisation reste bien flou pour le moment et pose plusieurs problèmes. D’abord, on peut se demander si les enseignant-e-s stagiaires bénéficieront d’une quelconque préparation à cet oral et si oui de quel ordre. En effet, on n’improvise pas sur une situation professionnelle vécue. Pour rappel, les candidat-e-s aux concours bénéficient de préparations diverses à l’université ou dans les INSPE aux oraux de concours.

Ensuite, l’année de stage est en général très chargée entre les préparations de cours, les corrections, les éventuels devoirs à rendre à l’INSPE, le mémoire auxquels viennent s’ajouter à certaines périodes les mutations intra-académiques, les conseils de classe ou les visites d’inspection. Normalement, l’oral de concours se déroulait lors d’une année où l’étudiant-e ne travaillait pas encore comme enseignant-e et où il disposait de davantage de temps pour réviser.

Ce malheureux hasard des conditions du concours 2020 ne peut que satisfaire le ministère : en effet, cet oral 2021 sera un « avant-goût » de ce qui attendra les futur-e-s candidat-e-s au concours 2022 puisqu’il est prévu que celui-ci soit placé en fin d’année de M2 ! SUD éducation maintient son opposition à ce projet de réforme du concours et de la formation des enseignant‑e-s.

Pour ce qui est de cette année, il ne paraît pas raisonnable de demander aux stagiaires de passer cet oral en 2021 dans les conditions définies par le décret du 28 août !

SUD éducation revendique par ailleurs toujours le retour des concours au niveau BAC +3 suivie d’une formation de 2 ans rémunérée et validée par un master.