Le syndicalisme, un élément central pour l’écologie : pourquoi et comment agir ?

SUD éducation porte des revendications sur la justice sociale et environnementale dans le secteur de l’Éducation nationale. Zoom sur les raisons qui nous font considérer que le syndicat est une arme décisive dans le combat écologique.

Les syndicats ont pour but de défendre « les intérêts matériels et moraux, collectifs et individuels des personnes visées par leurs statuts ». En ce sens, le syndicalisme actuel ne peut faire l'impasse sur les problématiques écologiques qui constituent l’un des aspects fondamentaux des intérêts matériels, voire moraux des travailleurs et des travailleuses.

En effet, nous en sommes arrivé·es au point où l'accumulation de richesses par les capitalistes et l'exploitation de nos milieux dans une logique productiviste aboutissent à détruire les écosystèmes, à rendre très difficiles nos conditions de vie et même, à rendre inhabitables certaines régions de la planète. Compte tenu des études telles que celles du GIEC (voir ci-dessous), c'est bien sûr tout le système économique actuel qui pourrait être déstructuré. C'est aussi ce même système économique qui est l'origine du problème. Il va de soi qu'il faut alors se poser des questions quant à la possibilité de continuer à accéder à un niveau de vie décent, des congés, un système de sécurité sociale, une retraite voire tout simplement aux besoins essentiels (nourriture, eau, santé....) si l'ensemble du système économique capitaliste et libéral, en détruisant la planète, s'écroule . Le risque est que celui-ci continue son chemin vers une autre forme encore plus violente dans un contexte de grande rareté. L'intérêt matériel des travailleuses et travailleurs est donc intimement lié à la préservation de l’environnement. L'écologie devient donc un élément central du syndicalisme, vital pour les individus et le sens même des luttes syndicales dans le système capitaliste actuel.

lexique pour s'y retrouver dans les débats sur l'écologie

- Anthropocène : on utilise ce terme depuis une vingtaine d'années pour désigner l'ère géologique dans laquelle nous serions entrés. L'action humaine sur Terre est telle qu'elle laissera des traces visibles dans le sol pendant les millions d'années à venir : composition chimique des sols, extinction massive d'espèces animales et végétales, composition chimique de l'air visibles dans le carottes glaciaires, etc. Par extension, le terme est aussi utilisé pour souligner l'ampleur inédite des bouleversements écologiques provoqués par l'être humain. Plus récemment, des théoricien·nes ont proposé de parler plutôt de capitalocène, pour souligner le fait que ces bouleversements ne sont pas le fait de l'humanité entière (l'humain, anthropos, en grec), mais seulement de la minorité de capitalistes qui tirent profit de cette situation.

- Décroissance : le GIEC (voir ci-dessous) a proposé des scénarios socio-économiques, en évaluant leurs effets sur le réchauffement climatique. Le scénario le plus efficace pour limiter le réchauffement climatique repose sur une transformation de l'économie, qui cesse de prendre la croissance économique pour objectif pour lui substituer le bien-être humain et la réduction des inégalités sociales. Pourtant, le terme de "décroissance" continue d'être manié comme un épouvantail par la plupart des décideurs politiques et économiques. Il s'agit simplement de sortir du productivisme comme modèle de société, où il s'agit de produire et de vendre toujours plus, nécessairement en captant toujours plus de ressources naturelles, bien au-delà de ce que la planète est capable de reconstituer dans le même temps.

- Écocide : destruction ou endommagement irrémédiable d'un ou de plusieurs écosystèmes, du fait de l'action humaine. L'inscription d'un tel crime dans le droit est l'une des pistes pour empêcher de faire de la planète et du vivant des ressources légalement destructibles ou exploitables jusqu'à l'épuisement.

- GIEC : Groupe d'experts intergouvernemental sur l’Évolution du Climat. Créé en 1988, il rassemble des experts qui représentent les États membres. Il ne fait pas un travail de laboratoire de recherche, c'est-à-dire de production de connaissances, mais un travail de synthèse et d'évaluation des travaux de recherche des différentes sciences apportant des connaissances sur les changements climatiques, leurs causes, leurs effets et ce qu'on peut faire face à cela. C'est une institution transparente, qui dévoile l'ensemble de son fonctionnement sur son site internet, et très prudente : elle a travaillé des années pour pouvoir avancer ses conclusions avec certitude. Celles-ci se résument de la façon suivante : il y a un dérèglement climatique aux  conséquences considérables ; son origine réside dans les activités humaines ; nous pouvons agir pour enrayer ce mécanisme et pour nous adapter à ce que nous ne pourrons pas éviter, à condition de mettre en œuvre des transformations majeures de nos sociétés et de nos économies.

Aujourd'hui, la lutte écologique est donc l'un des fronts les plus avancés de la lutte des classes. C'est bien une minorité de capitalistes qui tire profit de la destruction de la planète, et qui accumule suffisamment de richesse pour espérer échapper aux conséquences les plus violentes du dérèglement climatique, en privatisant et en s'accaparant toujours plus de ressources vitales (terres, eau potable, énergie...). Ce sont les plus riches (les individus les plus riches dans les pays les plus riches) qui sont responsables de la crise environnementale. Par exemple, les 10 % les plus riches sont responsables de 50% des émissions de carbone sur la planète. Inversement, ce sont les plus pauvres (les individus les plus démunis et les pays les plus pauvres) qui subissent de plein fouet ses conséquences (pénuries, canicules, catastrophes, contraignant parfois à l'exil...)( Summary_WorldInequalityReport2022_French.pdf (wid.world) p 11
Les milliardaires du carbone - Oxfam France
Les 10 % les plus riches de la planète génèrent 50 % des émissions de CO2 mondiales - Oxfam France)

Cependant, la redistribution des richesses et le niveau d'exploitation des individus dépend d'un rapport de force entre les propriétaires du capital et les salarié·es. Il en est de même pour la nature qui est un élément qui permet de produire plus et donc de réaliser plus de profits. Le rôle d'un syndicat écologiste est alors d'inverser le rapport de force en faveur des salarié·es pour assurer leur survie sociale. Le capital contraint les salarié·es à produire plus ou mal et donc à détruire l’environnement au-delà des limites possibles, il faut inverser cette tendance. Pour cela nous pouvons et devons modifier voir révolutionner nos modes de production et de consommation, en reprenant le contrôle de nos espaces de production et de vie. SUD éducation défend ainsi un projet de société autogestionnaire, où nous décidons collectivement de ce que sont nos réels besoins humains, de ce qu'il faut produire pour les satisfaire, et comment. Ce n'est pas le climat qu'il faut changer mais le système économique, social et politique comme dit le slogan ! Tout cela semble bien théorique, et parfois un peu décourageant : en réalité tout est possible !

Les syndicats de l'éducation et les travailleurs et travailleuses peuvent agir à plusieurs niveaux.

1- Il y a des changements qu'on peut obtenir sans transformer en profondeur notre système économique et social.

Même s'ils sont insuffisants nous pouvons les appuyer dans l’Éducation : rénovation thermique, modification des comportements des usager·es, nourriture locale, bio, éthiquement responsable, plus de repas végétariens, sensibilisation au vivant, pratique du jardinage, programmes scolaires intégrants des notions écologiques jusqu'à présent écartées (capitalocène, écocide, décroissance...), maîtrise des outils informatiques et numériques pour en faire un usage raisonné, cesser les partenariats avec des entreprises polluantes... Dans l'Enseignement supérieur et la recherche, il est urgent de mettre fin à des habitudes professionnelles qui mettent l'internationalisation des activités, par des déplacements en avion fréquents, au cœur de l'évaluation des personnels.

2- Il y a d'autres leviers possibles au sein même de l’Éducation :
  • créer les conditions pour que se mettent en place des assemblées ou collectifs de personnels (en heure d'information syndicale) qui s'emparent de ces questions pour contribuer à une prise de conscience écologique et syndicale. Il s'agirait de ne pas se contenter de combattre les mesures libérales mais de remettre en question le mode de production et de consommation global, de démontrer par exemple que l'avenir social des personnels de l’Éducation en dépend, mais aussi que sans mesure sociale et répartition des richesses l'écologie n'est pas possible. Les intérêts directs des agent·es et l'écologie sont ainsi convergents et peuvent déboucher sur des mobilisations. Par exemple, en baissant le temps de travail, on peut diminuer le chômage et la pollution. De même le développement et le financement des services publics sont positifs car moins polluants que d'autres activités.
  • soutenir les initiatives des élèves qui participent à des mobilisations pour défendre l’environnement et donc l'avenir de toutes et tous (informations, initiatives dans les établissements, création de groupes, grèves...).
  • créer des ponts entre les personnels, les parents, les élèves, les syndicats, les associations, les ONG (dans les établissements et en dehors ).
3- En dehors de l'Éducation :
  • à chaque mobilisation : l'écologie doit être mise à l'ordre du jour, l'avenir de tou·tes en dépend et c'est bien un levier pour transformer globalement la société. Se demander quelle est la dimension écologique de chaque lutte que l'on mène permet d'en élargir la portée.
  • Il faut aussi agir de façon interprofessionnelle avec tous les secteurs pour une reconversion globale de la société.
  • Il peut être fait aussi des ponts avec d'autres formes de mouvements sociaux écologistes (paysan·nes, jeunes, luttes locales...)
  • Un aspect essentiel est de nourrir ou réactiver les liens internationaux avec les syndicats d'autres pays et toutes les parties prenantes de l'écologie de façon rapide et globale car nous ne pouvons nous contenter d'une dynamique locale (partage de textes, appui de luttes, manifestations internationales...)

SUD éducation participe aux mobilisations écologistes locales (contre la fermeture d’une ferme école, contre la pollution environnementale qui affecte les écoles, collèges et lycées…). Mais, pour SUD éducation, il est également essentiel de mettre au jour la dimension environnementale dans les combats sociétaux que nous menons : la lutte contre la précarité est une lutte environnementale car les plus vulnérables sont celles et ceux qui subissent le plus la pollution et le changement climatique. Les départements les plus pauvres sont par exemple les plus pollués.

Un syndicat écologiste doit donc allier social et préservation de l’environnement et appuyer l'idée que l'un ne va pas sans l'autre. Lutter pour la justice environnementale est un moyen de lutter pour la justice sociale, et inversement. Le syndicat doit aussi créer les conditions concrètes pour transformer la société. Une tâche qui semble difficile et pourtant l'écologie avance, elle est incontournable, le syndicalisme a donc un rôle certainement central à jouer pour apporter la force nécessaire à la transformation radicale de la société qui est aujourd'hui nécessaire au maintien d'une planète habitable. Le monde du travail, s'il se mobilise, pourra apporter la force nécessaire pour enrayer la crise écologique et sociale.

Des ressources pour se lancer dans le combat écologique /

Les fiches pratiques SUD éducation [mettre le lien :https://www.sudeducation.org/ecologie/]

Un manuel accessible pour maîtriser et transmettre les connaissances, issues de différentes sciences, utiles à la compréhension de la crise écologique : Pierre Charbonnier, Culture écologique, Paris, Presses de Sciences Po, 2022.