Lettre ouverte interassociative à l’attention de Pap Ndiaye, Ministre de l’Education nationale

[TRIBUNE] Après le suicide à 13 ans de Lucas dans les Vosges, plus de 50 organisations LGBTQI+ appellent le ministre de l'Éducation nationale à lancer une conférence de lutte contre les LGBTphobies et le harcèlement scolaire.

Monsieur le Ministre, il doit y avoir un avant et un après Lucas.

Lucas est mort de l’homophobie le 7 janvier dernier, harcelé dans son collège en raison de son homosexualité assumée. Avant le suicide de Lucas, il y a eu les suicides de Doona, étudiante trans à Montpellier, d'Avril, lycéenne trans à Lille, ou encore de Dinah, lycéenne lesbienne à Mulhouse, sans compter les cas non médiatisés. En France, aujourd’hui, on se donne la mort à 13 ans, 14 ans, 17 ans, 19 ans, parce qu’on est trans, homosexuel·le et qu’on a décidé que ce ne devrait pas être un problème.

L’émotion qui vous a étreint au Sénat alors que vous déploriez le suicide de Lucas est celle d’un homme qui connaît les ravages humains provoqués par les discriminations. Cette émotion est la nôtre. Elle ne passe pas. Elle ne commencera à passer qu’à partir du moment où nous aurons la certitude que les politiques mises en œuvre par le Ministère de l’Education nationale contre toutes les manifestations de haine anti-LGBTI sont les bonnes. Qu’elles reposent sur une analyse partagée de l’ensemble des causes de l’homophobie et de l’ensemble des freins existant sur le terrain. Qu’elles se déploient en mesures concrètes et mesurables. Qu’elles s’accompagnent réellement des moyens financiers et humains nécessaires pour les mettre en œuvre efficacement dans tous les établissements scolaires.

Nous, associations de lutte contre les LGBTIphobies, associations de lutte contre le VIH-SIDA, chercheurs·euses, représentants des élèves, des étudiant·e·s et des personnels, n’avons pas cette certitude après vos premières annonces qui ont succédé au suicide de Lucas.

Les premiers témoignages et les premières réactions à ces annonces ont déjà mis en évidence que les « Observatoires de prévention et de lutte contre les LGBTIphobies » sont sans doute des outils nécessaires, mais certainement pas suffisants. L’analyse des expériences en cours montrent en effet que leurs moyens ne sont notoirement pas à la hauteur de l’urgence et des besoins, certains qualifiant à juste titre ces « Observatoires » de « coquilles vides ». Par ailleurs, une journée de sensibilisation à l’occasion du 17 mai est clairement insuffisante pour modifier en profondeur les consciences en formation et les comportements des élèves, exposés au quotidien, dans leurs vies sociales et familiales, à des discours dénigrant parfois violemment les personnes LGBTI.

Tout reste à faire en ce qui concerne la formation aux questions LGBTI des personnels de l’éducation, y compris les directions des établissements, qui représentent 26% des agresseurs homophobes. Tout reste à faire en ce qui concerne la prise en compte des enjeux d'acceptation et de banalisation des questions LGBTI à travers les enseignements, y compris sportifs. Tout reste à faire en ce qui concerne un réel traitement des problématiques LGBTI à travers l’éducation morale et civique et l’éducation à la sexualité, auxquelles vous avez exprimé votre attachement. Tout reste à faire pour garantir l’adhésion des parents d’élèves à la mise en place de ces mesures et pour ne pas céder à d’éventuelles oppositions au sein de la communauté éducative. Tout reste à faire pour prendre en compte et inclure pleinement, sereinement les familles homoparentales et transparentales dans la vie des communautés éducatives, pour lutter contre les LGBTIphobies subies par les professeur·e·s LGBTI, pour intégrer dans les enseignements scolaires les luttes pour les droits et de respect des personnes LGBTI.

Une certitude nous anime en revanche : aucun plan d’action national contre les LGBTIphobies à l’école ne pourra répondre à la situation dramatique actuelle sans la participation de celles et ceux qui y sont confronté·e·s ou en ont fait leur objet de recherches. C’est pourquoi nous vous demandons, Monsieur le Ministre, d’organiser au plus vite une Conférence sur la lutte contre la haine anti-LGBTI rassemblant associations de lutte contre les LGBTIphobies, chercheurs·euses, représentant·e·s des élèves, des étudiant·e·s et des personnels.

Organisations et personnalités signataires :

Acceptess-T

ActUP Paris

ADFH

ADHEOS

APGL

ASMF

Association Lgbt +66

Association pour la dépénalisation universelle de l'homosexualité

Bi’Cause

Centre LGBTI de Touraine

Collectif Archives LGBTQI

Collectif Education contre les LGBTphobies (FCPE, VL, UNEF, FIDL, Solidair·e·s étudiant·e·s, SUD éducation, FSU, FERC-CGT, SE-UNSA, FEP-CFDT, SGEN-CFDT)

Collectif ROUGE DIRECT contre l’homophobie dans le football

CONTACT

David & Jonathan, association LGBTI+ chrétienne ouverte à toutes et tous

Familles LGBT

Fédération LGBTI+

Fiertés Pas-de-Calais

Fiertés Rurales

FLAG!

Gabrielle RICHARD, chercheuse associée à l’université de Paris-Est Créteil

GARE!

GreyPRIDE

HES

Homogène Le Mans

Inter-LGBT

KAP Caraïbe, Association pour l'application des droits LGBT de Martinique

Le Girofard Centre LGBTI+ de Bordeaux

Les Bascos

Les Séropotes

MAG jeune LGBT+

Marc-Antoine BARTOLI, coordinateur prévention d'ActUP Paris

Marie CAU, Maire de Tilloy-lez-Marchiennes

Mousse

Nos Couleurs LGBT+ Landes

NOSIG, centre LGBTQIA+ de Nantes

Pride Marseille

QUAZAR, Centre LGBTI+ d'Angers et du Maine-et-Loire

Queer Education

Radio Stonewall

Roucoulettes Handball

Saint-Denis LGBTQI+

Sneg & Co

Sports LGBT

STOP Homophobie

Dr Thibaut Jedrzejewski médecin généraliste au 190 - Centre de santé sexuelle communautaire, Paris

La lettre ouverte au ministre a été publiée ici