Quelques éléments d’analyse de la loi immigration

En 2023, la France compte 68 millions d’habitant·es dont 17,31% ont moins de 15 ans et 6,24% ont entre 15 et 19 ans (soit 23, 55% soit 16 014 000 de personnes ont moins de 20 ans) soit 1/4 de la population française. 8 651 109 résidents de nationalité étrangère vivent en France. La répartition de la population française, c'est 87,6% de français·e par naissance, 4,6% par acquisition et 7,8% d’étranger·es. La loi immigration du 19 décembre 2023 s’attaque ainsi à 10% de la population. Le fantasme raciste de « l’étranger », menaçant et dangereux, venu voler le pain des français et violer les femmes est inscrit dans cette loi raciste, une véritable régression en matière de droits. Cette loi sur l’immigration est une humiliation pour toutes les personnes issues de l’immigration, françaises ou non, et pour toutes les générations à venir. Cette loi transgresse les droits les plus élémentaires et s’attaque à la dignité des personnes issues de l’immigration, françaises ou non. Cela aura un impact sur la scolarité des élèves concerné·es par ces lois racistes aussi bien au niveau du logement qu’à l’accès à une alimentation décente. L’État doit garantir à tout·es les élèves un toit et l’accès à une alimentation décente et à des services de soin de qualité afin de ne plus survivre et pouvoir suivre sa scolarité dans des conditions dignes. Une vie réduite à de la survie ne permet pas de suivre sa scolarité sereinement et montre à quel point la notion d’égalité des chances dont le ministère de l’Éducation nationale se targue n’est qu’une farce.

Les personnes sans-papiers n’ont pas le droit aux prestations sociales (allocations familiales, aides au logement…). La situation des immigré·es sans titre de séjour est déjà très compliquée. Elle risque de s’aggraver en accroissant le nombre de personnes ne pouvant avoir accès à des aides. Avec ces nouvelles mesures, le quotidien va devenir encore plus invivable pour elles et eux, ce que nous ne devons pas tolérer. Parallèlement, le nombre de personnes tombant dans cette catégorie de “sans-papiers” va s’accroitre. Donc, encore plus d’êtres humain·es vont être confronté·es aux dénis de droits et persécution administratives et sociales. La loi immigration s’inscrit dans un contexte particulier où les prix de l’alimentation et de l’électricité flambent, où de nombreuses familles ont recours à l’aide alimentaire, où 3 000 enfants dorment dans la rue. Selon une étude de l’insee, 9,1 millions de personnes vivent au-dessous du seuil de pauvreté monétaire, soit 1158 euros par mois pour une personne seule en 2021. Le gouvernement semble vouloir faire exploser ce chiffre en aggravant les conditions de vie des personnes exilées.

Seule prestation sociale dédiée aux "sans papiers", l'Aide Médicale D’État a survécu pour l'instant. Une loi lui sera dédiée au printemps prochain. Elle représente 0,4 % du budget de la Santé en France, bien loin de mettre en péril un accès égalitaire et gratuit aux soins pour toutes et tous, contrairement aux politiques libérales successives ou au programme du RN, qui conforte l'inégalité sociale, en favorisant un peu plus les riches par la suppression de tous les impôts entravant la transmission des patrimoines, y compris l’Impôt sur la Fortune Immobilière.

 

Le mythe de l’appel d’air.

Rappelons que le fameux appel d'air n'existe pas, le grand remplacement encore moins. En France, le solde migratoire ( entrée - départ) est stable depuis des décennies,  entre 50 000 et 100 000 personnes (source INED).

Le courant migratoire Sud-Nord n’est  pas majoritaire ( environ 90 sur les 280 millions de migrant·es international·es), les courants EST-OUEST et OUEST-EST totalisent à eux deux plus de la moitié de la population des migrant·es. Près 9 réfugié·es sur 10 sont accueilli·es dans un pays en voie de développement ( source ONU ), en général un des États voisins.  En France, les demandeur·es d'Asile représentaient 0.07 % en 2021 (source INSEE ).

 

Quelques rappels sur les conditions de vie et de travail des personnes issues de l’immigration

  • 13 % des immigré·es sont au chômage, contre 7 % pour l’ensemble de la population active.
  • Le niveau de vie moyen des immigrés est inférieur de 22 % à celui des personnes ni immigrées ni descendantes d’immigrés. Leur taux de « pauvreté monétaire » est de 32 %, soit « deux fois plus élevé que pour l’ensemble de la population (15 %) »
  • « 32 % des immigré·es en France métropolitaine» sont propriétaires de leur logement, “contre 59 % des personnes sans ascendance migratoire.”
  • 23 % vivent dans un quartier prioritaire de la politique de la ville, contre seulement « 3 % des personnes sans ascendance migratoire. »
  • Plus de 40 % des descendants d’immigré·es d’origine africaine, «déclarent avoir subi des traitements inégalitaires ou des discriminations dans les cinq dernières années».
  • Le premier lieu de discrimination est le marché du travail : « Seules 23 % des personnes avec des origines maghrébines sont en moyenne rappelées pour un entretien d’embauche, contre 33 % des personnes sans ascendance migratoire. »

 

Nationalité : droit du sol et déchéance de nationalité

Il existe quatre critères principaux pour attribuer la nationalité française : le lieu de naissance (le droit du sol), le lien de filiation avec la nationalité d'un ou des deux parents (le droit du sang), la situation matrimoniale (le mariage), la résidence « considérée à un instant donné ou sur une durée plus ou moins longue sur le territoire de l'État ».

Cinq catégories de titres de séjour permettent de rester en France pour une longue durée : le visa long séjour (ce visa peut être accompagné d’une autorisation provisoire de travail), la carte de séjour temporaire d’un an, la carte de séjour pluriannuelle (valable 4 ans),la carte de résident (valable 10 ans), la carte de séjour « retraité » (valable 10 ans).

Depuis de nombreuses années, le FN puis le RN porte la suppression du droit du sol et la déchéance de la nationalité dans son programme aux élections présidentielles . En 2012 et 2017 Marine Le Pen ajoute, dans son programme, la suppression de la binationalité .

Les enfants, né·es en France, de personnes détentrices d’un titre de séjour ne seront plus français·es avec cette loi raciste qui met fin au droit du sol et qui transforme des enfants français·es en étranger·es : « Tout enfant né en France de parents étrangers acquiert la nationalité française à sa majorité à la condition qu’il en manifeste la volonté et si, à cette date, il a en France sa résidence et s'il a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d'au moins cinq ans, depuis l'âge de onze ans. ».
En 1993, sous l’influence du Front national, la loi Pasqua imposait déjà aux enfants né·es en France de parents étrangers de faire une demande de naturalisation entre leurs 16 et 21 ans mais elle a été abrogée en 1998 pour revenir en 2023. L’extrême droite tente depuis de nombreuses années de remettre en cause le droit du sol. En 2018, l’amendement du Rassemblement national sur la loi asile et immigration de 2018 a été rejeté.

La remise en cause du droit du sol est un renoncement intolérable au principe d’égalité. Avec cette loi, la nationalité française n’est plus un droit pour les enfants né·es en France, mais doit faire l’objet d’une demande.

L’historien Patrick Weil a rédigé un rapport sur la loi Pasqua en 1997. D’après ce rapport, les filles s’étaient moins manifestées pour obtenir la nationalité française que les garçons. Toutes les personnes concernées par cette disposition n’avaient pas accès à cette information en fonction des foyers, des mairies, des pressions sur certains enfants. Chaque année, 35 000 jeunes né.es en France de parents étrangers acquièrent la nationalité française. La loi immigration si elle est promulguée y met fin. Le droit du sol est demeuré longtemps dans l’histoire. Le droit du sol a été supprimé en 1804 mais rétabli en 1889 puis à nouveau supprimé en 1993 mais rétabli en 1998. A chaque fois, pour des raisons pragmatiques et d’égalité, ce droit a été rétabli.

À Mayotte et en Guyane, les deux parents doivent résider de manière régulière sur le territoire depuis au moins un an au moment de la naissance de leur enfant pour que ce dernier puisse demander la nationalité français. En 2018, un des deux parents devait séjourner de manière régulière sur l’île depuis  plus de trois mois avant la naissance de l’enfant.

La déchéance de nationalité a été débattue à différentes reprises sous différents gouvernements. La possibilité de rendre apatride un individu a été un frein sous le gouvernement de Hollande qui finit par renoncer à inscrire la déchéance de la nationalité dans la Constitution. Hollande proposait la déchéance de nationalité à tous les français alors que Sarkozy la proposait uniquement aux binationaux. Sous Nicolas Sarkozy, le Sénat s’oppose à la proposition de déchéance de nationalité “ à toute personne d’origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d’un policier, ou d’un militaire de la gendarmerie, ou de toute autre personne dépositaire de l’autorité publique ».” . Une sénatrice s'y est opposée et a évoqué le gouvernement de Vichy qui avait retiré la nationalité française à sa famille déportée vers Auschwitz. Sarkozy finit également par renoncer à sa loi immigration. Plus de 10 ans après, cette proposition est intégrée dans la loi immigration de 2023.

Entre 1940 et 1944, 132 personnes sont déchues de la nationalité française et plus de 15 000 ( dont 40 % de juifs) se voient retirer leur nationalité française (dénaturalisation) suite à une loi promulguée en 1940. Entre 1989 et 2007, 21 personnes ont été déchues de la nationalité française.

La déchéance de nationalité n’apporte rien et concerne très peu de personnes. C’est l’inscription d’une idéologie d’extrême-droite dans une loi. L’article 25 du code civil prévoit déjà la possibilité de déchéance de nationalité. Politiquement, « on assoit l’idée que tous les étrangers qui sont devenus français conservent une origine étrangère qui crée une suspicion. Derrière l’idée de la déchéance de la nationalité, il y a une philosophie chère à l’extrême droite : les « Français de papiers ». » d’après Jules Lepoutre, professeur de droit public à Nice. E.Macron est le président qui a le plus déchu de personnes de leur nationalité française. La loi immigration 2023 ne respecte pas le premier article de la Constitution « La France (...) assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion ».

En Algérie, en 1870, les juifs deviennent français et les « indigènes musulmans » à partir de 21 ans et en renonçant au droit religieux. En 1919, les Algériens doivent faire une demande à un juge afin d’obtenir la nationalité française ou une déclaration en remplissant les conditions nécessaires. Cela ne s’applique qu’aux hommes. Il faut attendre 1929 pour les femmes.  En France, de 1804 (code de Napoléon) jusqu’en 1927, une femme française qui épouse un étranger perd sa nationalité et prend la nationalité de l’époux. Il faudra attendre le code de la nationalité de 1945 pour que la femme puisse transmettre la nationalité française. Les Algériens deviennent tous citoyens français à partir de 1946.

 

La langue

La loi immigration précise :

  • « S’il est parent, l’étranger s’engage également à assurer à son enfant une éducation respectueuse des valeurs et des principes de la République et à l’accompagner dans sa démarche d’intégration à travers notamment l’acquisition de la langue française. »
  • L’article L. 433-4 est ainsi modifié « 3° Il justifie d’une connaissance de la langue française lui permettant au moins de comprendre des expressions fréquemment utilisées dans le langage courant, de communiquer lors de tâches habituelles et d’évoquer des sujets qui correspondent à des besoins immédiats. » et « 4° Il a bénéficié des conditions nécessaires à l’apprentissage de la langue française par l’accès à des cours gratuits dans son département de résidence ; »

Tout d’abord, il faut dénoncer le fait de conditionner l’octroi d’un titre de séjour ou de la nationalité française à la maîtrise de la langue française. Outre le caractère discriminatoire et notamment validiste et âgiste d’une telle mesure, il faut dénoncer son véritable objectif :  empêcher, grâce à un critère aléatoire et flou, des personnes venant de certains pays d’avoir accès au droit à un séjour stable ou définitif.

Par ailleurs, SUD éducation dénonce l’hypocrisie de cette loi et de l’Éducation nationale : dans les textes il y a bien obligation de scolarisation des enfants étranger·es sur le territoire français, en réalité les moyens alloués pour ces élèves se réduisent à peau de chagrin depuis 2012 et sont insuffisants au vu de leurs conditions de vie. La bourse est difficilement accessible tout comme la gratuité de la cantine. Et quand les familles obtiennent la bourse, l’argent sert d’abord à payer la cantine. La loi immigration va aggraver la situation : plus d’élèves souffriront du durcissement de la loi immigration.

Les places dans les dispositifs UPE2A et NSA sont largement insuffisantes et les dispositifs sont surchargés. La situation est très hétérogène selon les départements, néanmoins, au niveau national en 2020-2021, 12% des élèves ont attendu plus de trois mois pour obtenir une place dans un dispositif UPE2A. Après avoir obtenu une inscription dans un dispositif UPE2A, les élèves doivent apprendre le français à toute vitesse en un temps limité, insuffisant pour beaucoup d’élèves, pour “libérer la place” en UPE2A à la rentrée scolaire suivante. Rappelons que plusieurs études montrent que pour atteindre le même niveau de langue qu'un·e natif·ve, un·e élève allophone a besoin d’un temps qui va de 3 à 7 ans (selon la langue d’origine, l’âge, le niveau de scolarisation antérieure). Limiter le suivi spécifique dont ont besoin ces élèves à une année ou deux, le temps officiellement octroyé à une scolarisation en UPE2A  va ainsi à l’encontre du principe de l’adaptation aux besoins particuliers censé régir la scolarisation des élèves allophones arrivants . De même, le manque de dispositif UPE2A dans les lycées généraux et technologiques conduit à scolariser les élèves allophones de plus de 16 ans en lycée professionnel dans des filières qu’ils n’ont pas choisies. L’Éducation nationale a de grands progrès à faire dans la scolarisation des élèves allophones et le respect de leurs droits. De plus, lorsque les élèves ne bénéficient pas de l’accompagnement médico-social indispensable à de nombreuses situations qui malheureusement se multiplient : ainsi des élèves victimes ou témoins de violences lors de leur parcours migratoires ou dans le pays quittés ne font l’objet d’aucune prise en charge spécifique alors même qu’ils ou elles sont parfois en situation de décompensation sou stress post traumatique.

Nous revendiquons la scolarisation des jeunes en procédure de reconnaissance de leur minorité qui ne doivent pas être privé·es de leurs droits en attente de la décision. La majorité n’est pas un argument pour confisquer le droit à l’éducation d’autant plus que ça ne l’est pas pour les élèves de nationalité française.

Actuellement, pour obtenir une carte pluriannuelle (de 2 à 4 ans), les personnes qui n’ont pas le niveau débutant en français (niveau A1) doivent suivre entre 200 à 600 heures de cours de français. " Pour une carte de résident (droit au séjour de 10 ans) ou la nationalité française, il faut présenter un diplôme de français". Avec la loi immigration, il faudra un niveau intermédiaire (niveau A2) pour obtenir la carte pluriannuelle, un diplôme de niveau intermédiaire à un niveau avancé B1 pour la carte de résident et un niveau avancé au niveau indépendant B2 pour la nationalité. La loi élève le niveau de la maîtrise de la langue française mais n’augmentera pas les formations linguistiques. Rappelons qu’il existe de nombreuses associations où des bénévoles dispensent des cours de français et pallient au manque de l'État français. Face à un tel niveau d’exigence, le nombre de titres de séjour délivrés risque de diminuer et cela risque de plonger de nombreuses personnes dans la précarité. Il est difficile de trouver un emploi et un logement avec un titre de séjour à renouveler tous les ans ou des récépissés de 6 mois.

La question du logement

La loi immigration précise que pour bénéficier de prestations, il faut « résider en France depuis au moins cinq ans » ou justifier d’une durée d’affiliation d’au moins trente mois au titre d’une activité professionnelle en France » . D’après le baromètre des enfants à la rue de l’Unicef, dans la nuit du 21 au 22 août 2023, près de 2 000 enfants (dont 480 de moins de trois ans) “sont resté·es sans solution d’hébergement” et “29 780 enfants ont été hébergés en hôtel”. 20% d’enfants en plus dorment dehors par rapport à l’année dernière. Plus de 42 000 enfants vivent dans des hébergements d’urgence, des abris de fortune ou dans la rue d’après l’Unicef France et la Fédération des acteurs de la solidarité. Le nombre d’élèves à la rue ou dans des hôtels risque d’augmenter. Le durcissement de la loi sur l’immigration aura bien un impact sur la scolarisation des élèves et de leurs familles. Nous aurons de plus en plus d’enfants de famille sans papier et à la rue, mais aussi de Jeunes isolé·es étranger·es, dans nos classes.

Les prestations familiales comprennent : la prestation d'accueil du jeune enfant ; les allocations familiales ; le complément familial ; L'allocation de logement régie par les dispositions du livre VIII du code de la construction et de l'habitation ; l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé ; l'allocation de soutien familial ; l'allocation de rentrée scolaire ; L'allocation forfaitaire versée en cas de décès d'un enfant ; l'allocation journalière de présence parentale. Fin 2021, 6,7 millions de familles bénéficient d’au moins une prestation familiale. Le montant moyen est de 388 euros par mois et par foyer aidé. Les enfants, principaux bénéficiaires de ces prestations, seront bien les premières victimes de la suppression de toutes les prestations sociales.

Pour avoir accès à un logement, il faut un revenu. Seules les personnes qui ont effectué une demande d’asile en cours d’examen de plus de 6 mois peuvent demander une autorisation de travail leur permettant donc de gagner un salaire. D’après la Cimade, « en 2021, à peine 2,3 % des personnes ayant déposé une demande d’asile étaient autorisées à travailler. »

L’article 19 ter du projet de loi immigration stipule que « l’étranger ne bénéficiant pas d’un droit au séjour en France et faisant l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français (…) ne peut être hébergé au sein du dispositif d’hébergement d’urgence que dans l’attente de son éloignement ». Quant aux débouté·es du droit d'asile, selon l’article 1 quater,  ils et elles ne pourront officiellement plus être maintenue·s dans les CADA, même de manière exceptionnelle et temporaire comme cela est actuellement possible même si cette possibilité est déjà trop rarement mise en œuvre. Les conséquences seront dramatiques pour nombre de familles et donc d’enfants, la précarisation va s’accentuer et les marchands de sommeil peuvent d’ores-et-déjà, se frotter les mains. Le droit fondamental d’accès au logement, déjà bien mis à mal,  est toujours plus bafoué.

 

Recours à l’aide alimentaire

Selon une enquête du Secours catholique, 72 % des personnes qui se rendent « sur les sites de colis ou dans les épiceries » sont des femmes. 40 % d’entre elles sont des mères isolées avec un ou plusieurs enfants. Les personnes immigrées sont 44 % à devoir avoir recours à l’aide alimentaire contre 10 % du reste de la population. Ces personnes n’ont pas accès aux prestations sociales (57 % contre 78 %) car elles ne disposent pas d’un titre de séjour de longue durée. La loi immigration ne va qu’aggraver la situation des immigré·es pauvres et augmenter le nombre de personnes qui demanderont l’aide alimentaire.

Cette enquête précise que certaines personnes qui combinent travail et prestations sociales ont un niveau de vie inférieur au seuil d’extrême pauvreté (estimé à 807 euros en 2022). Pour sortir de la pauvreté, le travail ne suffit pas. Il faut mettre fin aux emplois précaires et exiger des salaires décents. SUD éducation revendique un salaire minimum à 1870 euros net pour tous et toutes.

Quelles conséquences dans l’Éducation nationale ?

Pour les personnels de l’Éducation nationale, les conséquences de cette loi sont triples.

D’abord, cette loi va aggraver la situation des élèves déjà plus fragiles, les élèves allophones dont les conditions de vie seront plus précaires du fait des restrictions sur les aides sociales et l’accès à un titre de séjour, mais aussi les élèves né·es en France de parents immigrés, qui devront demander la nationalité. Par cette mesure humiliante, l’État stipule à ces élèves qu’ils et elles n’ont pas les mêmes droits et le même statut que les élèves dont les parents sont né·es en France. C’est un recul intolérable pour des enfants pourtant nés en France.

De même, les équipes de SUD éducation accompagnent dans les départements des collègues non-titulaires enseignant·es, AESH, CPE, AED, agent·es… qui assurent au quotidien le service public d’éducation et qui ont des difficultés à renouveler leur titre de séjour ou à être naturalisé·e. Ces collègues sont souvent dans des situations très précaires : leur accès à la santé et au logement est incertain. Les personnels non-titulaires subissent des inégalités de traitement inacceptables puisqu’ils n’ont pas les mêmes droits ni les mêmes conditions salariales que leurs collègues fonctionnaires alors qu’ils et elles exercent les mêmes missions. La clause de nationalité est une mesure discriminatoire et xénophobe qui exclut les collègues originaires de pays extra-communautaires du statut de fonctionnaire. L’Éducation nationale les contraint à un « sous-statut » à raison de leur origine. Avec cette loi, les conditions de vie et de travail des personnels seront encore dégradées.
SUD éducation revendique la titularisation immédiate de tous les personnels précaires sans condition de concours ni de nationalité et l’abandon de la loi Immigration qui ne fera qu’aggraver les discriminations que subissent les personnels !

L’accroissement de la précarité des élèves touche également directement les personnels qui les côtoient au quotidien dans les établissements scolaires.

La précarité extrême subie par des élèves et leur famille influe évidemment sur l'enseignement apprentissage, surtout dans un contexte où manquent les psychologues, médecins, infirmieri·ères et assistant·es sociaux·ales scolaires, et donc sur les conditions de travail. Mais plus largement, on ne peut pas imaginer, sauf à vouloir les transformer en robot, que les situations de misère et d’exclusion de leurs élèves n’ont aucun impact sur les personnels d’éducation.

Alors qu’officiellement ces personnels ont pour mission « de conduire l'ensemble des élèves à la réussite scolaire et à l'insertion professionnelle et sociale», ils et elles devraient fermer les yeux sur les situations de discrimination et d’exclusion organisées par l’État ?

Les situations de conflit de valeur et de doubles injonctions contribuent au sentiment d'épuisement éprouvé par beaucoup de professionnel-les de l’éducation. Qu'ils et elles tentent concrètement ou pas d'aider les élèves dans leurs démarches, le sentiment d'impuissance et le mal-être éprouvés face aux vies maltraitées des enfants et jeunes dans leurs établissements est réel pour les personnels. Les responsables des rectorats et du ministère ne pourront pas éternellement évacuer ce risque professionnel par un « Il faut apprendre à gérer ses émotions » ou « Cela ne relève pas du champ pédagogique ». Les violences faites aux personnes dites migrantes, a fortiori quand il s’agit de leurs élèves migrant·es et de leurs famille, peuvent provoquer parmi les personnels chocs et détresses psychologiques.

Enfin, la loi Immigration concerne l’ensemble de la population : quand une population accepte qu’une partie d’entre elle soit discriminée, pointée du doigt et précarisée, la société s’en trouve fragilisée, fracturée et plus inégalitaire dans son ensemble. Il y a urgence à construire une mobilisation d’ampleur de l’ensemble de la société pour faire barrage au racisme d’État et gagner des lois de progrès social pour garantir l’égalité entre tou·tes, français·es et immigré·es.

Quelles conséquences dans l’Enseignement supérieur et la recherche:

Le projet prévoit des dispositions qui impacteront fortement les étudiant.es étranger.es en France :

    • Une "caution" de retour obligatoire ; à savoir le "dépôt préalable d’une caution retour pour la délivrance d’un titre de séjour pour motifs d’études". Cette somme serait "restituée à l’étranger lorsqu’il quitte la France à l’expiration du titre de séjour précité, en cas de renouvellement de ce titre de séjour ou en cas d’obtention d’un autre titre de séjour avec changement de motif". Le texte prévoit en outre que la caution soit "définitivement retenue lorsque l’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une décision d’éloignement". Cette taxe permettra d’écarter la venue d’étudiant-es étrangers.ères aux faibles ressources, en bref, une immigration choisie et discriminatoire.
    • Les frais d’inscription seront "majorés pour les étrangers non ressortissants de l’Union européenne". Mesure déjà mise en place dans le cadre du plan "Bienvenue en France", mais jamais inscrite dans la loi jusqu’ici.
    • "la carte de séjour pluriannuelle portant la mention "étudiant" pourra être retirée à l’étranger qui ne respecte pas l’obligation annuelle de justification du caractère réel et sérieux des études"
  • un contrôle accru pour les visas de long séjour portant la mention "étudiant"

Hormis les étudiant·es étrangers.ères durement impacté·es par cette loi, celle-ci fermera aussi les portes des universités et des organismes de recherche aux salarié·es étrangers.ères de nos établissements en introduisant des régressions intolérables pour leurs droits. Elle renforcera la précarité de nos collègues étrangères vivant en France.

 

SUD éducation revendique :

Pour la liberté de circulation et d'installation : 

  • la régularisation de tou⋅tes les sans-papiers ;
  • la fermeture des centres de rétention administrative et l’arrêt des expulsions ;
  • l'abrogation de tous les textes qui entravent la liberté de circulation et d’installation (circulaire Valls, règlement Schengen, loi Immigration…) ;
  • le respect du droit d’asile inconditionnel.

Pour le respect des droits : 

  • l’abolition réelle de la double-peine et la libération de toutes les personnes emprisonnées pour défaut de papiers ;
  • l’accès à un logement, à l’école, aux soins et à la santé pour tou⋅tes.

Pour les élèves allophones arrivant⋅es : 

  • la scolarisation inconditionnelle des jeunes étranger·es allophones au sein du service public d’éducation indépendamment de l’âge, la nationalité et du statut administratif ;
  • l’ouverture de dispositifs UPE2A partout où cela est nécessaire, notamment à côté des structures d’hébergement de personnes exilé⋅es ;
  • des effectifs de 15 élèves maximum en UPE2A et 12 élèves maximum en UPE2A-NSA et leur prise en compte dans les effectifs des classes ;
  • une durée d’accueil des élèves dans les dispositifs adaptée aux besoins de chaque élève pour une orientation choisie et non subie ;
  • la formation des personnels aux besoins spécifiques des élèves allophones, le développement de l’enseignement du français langue seconde au moyen de décharges horaires ;
  • la création de postes d’interprètes dans l’Éducation nationale ;
  • l’enseignement des langues d’origine des élèves dans les établissements.
  • la traduction des documents officiels dans une langue comprise par les responsables légaux de l’élève ou par l’élève.

 

Pour les étudiant·es et les personnels: 

  • le libre accès à l’enseignement supérieur et à la recherche sans conditions de nationalités et frais supplémentaires ;
  • aucun contrôle ou obligation de justifier de son parcours universitaire ;
  • l’abrogation de la plateforme Bienvenue en France, instrument de tri nationaliste et xénophobe ;
  • la suppression de la clause de nationalité, mesure discriminatoire et xénophobe qui exclut les collègues originaires de pays extra-communautaires du statut de fonctionnaire ;
  • l’obtention d’un titre de séjour “scientifique chercheur” pour tou·tes les doctorant·es et non plus seulement les ressortissant·es de l’UE.