Réforme de la formation initiale : SUD éducation fait le point ! 

Le ministère de l’Éducation nationale peine à recruter des enseignant·es : entre les salaires insuffisants et la dégradation des conditions de travail, le nombre d’inscrit·es aux concours a atteint un niveau très bas. Les précédentes réformes de la formation initiale sont de véritables échecs et l’allongement de la durée d’études avant de passer le concours a asséché le vivier des candidat·es. L’année de master 2 est intenable pour les étudiant·es qui doivent passer le concours, faire des stages et valider leur M2. 

Le principal levier présenté par le ministère pour recruter davantage d’enseignant·es est de revoir la formation initiale en avançant le concours à la fin de la licence (bac+3). Lors des concertations préalables, SUD éducation a porté avec force le retour à un concours à bac+3 avec deux années de formation diplômante sous statut de fonctionnaire stagiaire. Cela permettrait de maintenir le niveau de qualification des enseignant·es à bac+5 tout en offrant aux candidat·es la perspective d’un recrutement précoce, suivi d’une solide formation rémunérée. Une partie des revendications de SUD éducation ont été reprises par le ministère et SUD éducation a ainsi défendu le fait qu’il n’y ait pas de décrochage entre le niveau de recrutement des enseignant·es du 1er degré et les personnels du 2nd degré. Cette exigence n’a été qu’en partie entendue puisque les candidat·es aux concours de l’agrégation devront toujours être titulaires d’un master. 

SUD éducation se montrera particulièrement attentif à la mise en oeuvre de la réforme afin de défendre les droits des futur·es d’enseignant·es et des personnels qui travaillent à la formation initiale des enseignant·es

 

SUD éducation fait le point sur les premiers retours et en fait l’analyse. 

 

Que prévoit le ministère ?

Un document de travail a été envoyé aux directions des Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspe)  et est arrivé dans les mains des organisations syndicales. Ce document décrit le projet du ministère, celui d’un retour au concours à bac+3 suivi de deux années de formation sous le statut de fonctionnaire stagiaire afin d’obtenir un master et d’être titularisé·e. 
Les Inspe changeraient encore de nom pour s’appeler les “Écoles normales supérieures du professorat”, le lien entre les ENSP et les universités reste encore flou dans les documents du ministère, qui évoquent un co-pilotage entre le ministère de l’Éducation nationale et le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche. 

 

Le retour à un concours à bac +3 !

 

C’est une revendication de SUD éducation pour démocratiser l’accès aux métiers de l’enseignement. Le passage du concours au niveau master a aggravé la sélection sociale et a dégradé la formation des étudiant·es débordé·es par l’ampleur des tâches à accomplir pour passer le concours pendant leur stage et la rédaction des devoirs pour valider le master. 

Dans les documents élaborés par l’administration, on voit que les étudiant·es continuent de recevoir une formation disciplinaire à l’université et cette formation devrait se poursuivre dans les ENSP dont une partie des enseignements sera consacrée aux savoirs disciplinaires. SUD éducation sera particulièrement attentif à ce que les futures maquettes garantissent un équilibre entre les disciplines et les enseignements transdisciplinaires. 

 

Quelle rémunération pour les fonctionnaires stagiaires ?

La rémunération des fonctionnaires-stagiaires s’élèverait au salaire minimum en M1 soit environ 1 400 € nets par mois et au salaire actuel des stagiaires en M2, soit environ 1 800 € nets par mois.

Les deux années de fonctionnaire-stagiaire seront comptées comme des années cotisées dans le calcul des trimestres pour la retraite. 

 

Pour les professeur·es des écoles, le ministère prévoit :

 

→ le passage du concours à bac+3 avec : 

 

  • soit une licence “préparation aux professorat des écoles” (LPPE), formations qui seront créées par les universités, avec une dispense d’épreuves écrites sous certaines conditions de réussite à des tests en L1 et L2. Cette licence devrait comprendre 50% de contenus disciplinaires, 30% de contenu pédagogique et 20% de terrain. 50% des enseignant·es qui interviendraient dans ces licences devraient être issu·es du MEN et 50% du supérieur. 

 

Attention : 

SUD éducation ne souhaite pas que le contenu de la formation soit calqué sur le contenu du concours :  il faut un référentiel de compétences du concours pour ne pas que le contenu du concours dicte le programme de la licence. 

De même, les  étudiant·es qui s’engageraient dans cette licence ne sont pas assuré·es d’obtenir le concours : pour SUD éducation elle doit donc laisser la possibilité d’autres poursuites d’études ou d’autres orientations possibles.

 

  • soit une licence disciplinaire, mais sans dispense d’épreuve écrite. Des modules de préparation aux concours seraient proposés dans les maquettes des licences disciplinaires des universités. 

 

→ après l’obtention du concours d’entrée en ENSP, les élèves seraient sous statut de la fonction publique et recevraient une formation de deux ans avec prise de fonction progressive sur le terrain : en M1, les élèves fonctionnaires stagiaires seraient 1,5 jours par semaine en stage d’observation et de pratique accompagnée, en M2 les élèves fonctionnaires stagiaires seraient 2,5 jours par semaine en responsabilité. 

A l’issue de la formation, les élèves seraient titulaires d’un master

 

Quel serait le contenu de la formation post-concours ? 

 

En master 1 : 62,5% du temps devrait être consacré au renforcement professionnel (approfondissements en didactique et pédagogie des matières enseignées au primaire, valeurs de la République, histoire de l’éducation, principes de l’école républicaine, école maternelle…) + 37,5% de pratique accompagnée soit 1 jour ½ par semaine. 

Les élèves fonctionnaires qui auraient validé des licences disciplinaires pourraient également suivre des modules de renforcement sur la didactique et la pédagogie.

 

En master 2 : les élèves fonctionnaires seraient à 50% en responsabilité devant la classe (2 jours par semaine) et 50% du temps en “renforcement professionnel” ( =enseignement en contexte particulier, gestion des conflits, communication, spécificités école inclusive, école maternelle …). Sud éducation revendique un tiers temps en responsabilité pour permettre aux stagiaires un vrai temps d’appropriation de la formation.

 

→ pour être titularisé·e, il faudrait obtenir le master ENSP et un avis positif sur les périodes de stage d’observation et de pratique accompagnée (SOPA). 

 

Attention : 

Le concours fait la part belle à la politique des “savoirs fondamentaux” qui appauvrit les pratiques professionnelles : les épreuves d’admissibilité et d’admission mettent l’accent sur le français et les maths au détriment de tout le reste. De même, il est question de “tests standardisés” en L1 et en L2 qui dispenseraient les candidat·es de passer les épreuves d’admissibilité. SUD éducation se montrera très vigilant sur ces tests qui dérogent au cadre du concours. 

 

Pour les personnels du 2nd degré, le ministère prévoit :  

 

→ le passage du concours à bac+3 avec une licence disciplinaire. Les étudiant·es pourraient choisir des modules de préparation aux concours en L2 et L3. 

 

→ après l’obtention du concours d’entrée en ENSP, les élèves seraient sous statut de la fonction publique et ils recevraient une formation de deux ans avec prise de fonction progressive sur le terrain : en M1, les élèves fonctionnaires stagiaires seraient 1,5 jours par semaine en stage d’observation et de pratique accompagnée, en M2 les élèves fonctionnaires stagiaires seraient 2,5 jours par semaine en responsabilité. 

 A l’issue de la formation, les élèves seraient titulaires d’un master

 

Ce qu’en pense SUD éducation : 

 

→ Pour SUD éducation, la mise en responsabilité à mi-temps devant une classe en M2 ne permet pas de se former suffisamment. SUD éducation revendique un maximum d’un tiers de service en responsabilité devant une classe. 
Les stagiaires ne doivent pas être des moyens d’enseignement. Il pourrait être intéressant que les stagiaires remplacent des titulaires sur des temps limités pour que ceux et celles-ci aient accès à la formation continue, comme cela a pu se faire par le passé.

 

→ SUD éducation porte un équilibre entre les périodes de stage et les périodes en ENSP  avec des stages filés, un accompagnement de stage, des retours du stage en atelier de pratiques professionnelles.

SUD éducation rappelle l’importance de l’observation de classe et de la liberté de choix des classes visitées. Les stagiaires qui souhaitent faire leur observation dans des classes qui pratiquent des pédagogies émancipatrices doivent pouvoir y avoir accès. Il est important de leur laisser la liberté de choix des lieux et des pédagogues observé·es. La formation devrait permettre l’observation de cours au-delà de la discipline enseignée et de différents niveaux pour faciliter l’observation inter-degrés et dans des dispositifs spécifiques (Ulis, UPE2A) mais aussi inter-disciplinaire.

 

→ l’intervention de personnels issus à la fois de l’Éducation nationale et des universités est nécessaire pour permettre des enseignements ancrés dans le terrain mais aussi en lien avec la recherche scientifique. SUD éducation porte un recrutement d’enseignant·es et d’enseignant·es chercheur·euses par les universités et les ENSP pour éviter le clientélisme de l’inspection dans le recrutement. Il y a en effet une indépendance plus forte dans le supérieur. Parmi les formateurs·trices des ENSP, SUD éducation porte le développement du recrutement par les universités de personnels qui sont encore devant leurs classes et notamment des professeur·es des écoles. 


→  SUD éducation revendique des formations aux pédagogies dites nouvelles, actives, coopératives. Dans ce cadre, SUD éducation revendique que des moyens en décharge horaire soient attribués aux mouvements pédagogiques afin de promouvoir la diversité des approches et permettre leur intervention dans la formation.

 

Un calendrier précipité qui met sous pression les personnels des INSPE


Le ministère doit prévoir une période transitoire pendant laquelle l’ancien et le nouveau système coexistent pour ne pas pénaliser les étudiant·es et perdre des candidat·es. On peut toutefois s’inquiéter des délais très courts dans lesquels cette réforme devrait s’appliquer. Voilà le calendrier prévisionnel élaboré par le ministère : 

 

2024

>> mai : publication du programme du nouveau concours niveau licence 2025

>> septembre :  début des modules complémentaires permettant aux étudiants en L3 de préparer le nouveau concours 2025

 

2025

>> juin : 1er nouveau concours niveau licence + maintien du concours niveau master pour les étudiant·es de l’ancien système qui seront en M2

>> septembre :  première rentrée dans les ENSP (M1 - master « Ecole normale supérieure du professorat »

>> ouverture des L1 PPPE et des L2 PPPE 

 

2026

>> septembre :  mise en place complète de la réforme. 

 

2027

>>  Fin de la période transitoire

 

Ce qu’en pense SUD éducation :

 

Le ministère de l’Éducation nationale travaille de nouveau dans la plus grande précipitation sans se préoccuper de l’appropriation sur les terrains des personnels qui sont en charge de la formation initiale : c’est une nouvelle marque de mépris. Il n’y a aucune concertation avec les organisations syndicales de l’enseignement supérieur et de la recherche sur le projet qui a été diffusé dans les Inspé ni aucune consultation des personnels des Inspé. 

Le calendrier prévisionnel est extrêmement contraint: comment créer des modules de préparation aux concours qui ouvrent en septembre si le contenu du concours est publié en mai ? Il faut permettre aux personnels de travailler dans de bonnes conditions. Par ailleurs, les étudiant·es qui suivront ces modules en septembre 2024 ne sont pas des cobayes, elles et ils doivent avoir accès à de véritables modules adaptés et construits. 

Enfin, l’approche par compétences généralisée dans le projet du ministère pourrait générer beaucoup de travail supplémentaire de coordination des enseignements et une évaluation beaucoup plus présente, à moyens constants : il y a des inquiétudes très fortes sur la charge de travail supplémentaire pour les personnels des futures ENSP. 

 

Les revendications de SUD éducation

→ pour le recrutement :

  • le retour à un concours de recrutement à bac+3, suivi de 2 années de formation professionnelle rémunérées et validées par l’attribution d’un master pour tou·tes les professeur·es, 

. un même niveau de recrutement pour le CRPE, le CAPES et le CAPLP

  • un premier salaire à l’échelon 3 minimum

 

→ pour les stagiaires :

 

Sur le contenu de la formation : 

  • Une véritable formation à toutes les disciplines, qui toutes participent à la construction de savoirs fondamentaux, notamment dans le premier degré où la polyvalence est un enjeu central du métier
  • une formation aux pédagogies coopératives ou alternatives (Freinet, pédagogie nouvelle, pédagogie institutionnelle, GFEN, etc) pendant la formation initiale
  • l’intégration de modules sur : l’antisexisme, l’antiracisme, le validisme, les luttes LGBTQI+, la place de l’adulte et de l’élève, etc.
  • une sensibilisation des stagiaires à la reconversion écologique de la société et leur apprendre à sensibiliser eux-mêmes les élèves

 

Sur l’année de stage : 

  • un allègement de service : pas plus d’un tiers du temps de service devant les classes

Une formation renforcée sur le temps de service, assurée par des formateurs·trices pour tou·tes les stagiaires

  • une formation de qualité avec une décharge de service pour les tuteurs et les tutrices
  • un dispositif particulier pour soutenir ceux/celles qui sont en difficulté
  • une harmonisation des procédures de titularisation dans toutes les académies, garantissant l’équité et les droits des stagiaires avec un contrôle paritaire lors des étapes de titularisation.