Réforme du LP : où en est-on ?

Sur commande du président Macron, le projet de la ministre déléguée à l’Enseignement professionnel consiste à mettre en place deux parcours différenciés de six semaines en classe de terminale à partir de la mi-mai. Ce projet est très largement contesté dans les lycées professionnels comme l’a montré la grève massive du 12 décembre.

Après une parodie de concertation avec les organisations syndicales, les aspects techniques du projet ont été présentés par le ministère en amont du Conseil supérieur de l’éducation du 14 décembre, qui a été majoritairement boycotté (voir le communiqué unitaire suite au boycott).

 

Une modification du calendrier scolaire

Le projet ministériel prévoit une modification du calendrier de l’année de terminale :

  • de septembre à mi mai : tronc commun de 22 semaines d’enseignement (au lieu de 26 actuellement) auxquelles s’ajoutent 6 semaines de périodes de formation en milieu professionnel (PFMP) obligatoires et gratifiées, au lieu de 8, organisées librement par l’établissement ;
  • mi-mai : passage des épreuves de français, histoire-géographie-enseignement moral et civique et économie. Les autres épreuves (LV, arts, EPS, enseignement professionnel) seront en CCF tout au long de l’année : le ministère met donc en place des épreuves anticipées, sur lesquelles il est revenu pour le bac général
  • de mi mai à juillet : parcours différencié ;
  • juin : épreuves de prévention-santé-environnement (PSE) et d’un oral de “projet”, qui remplace l’oral de chef d’œuvre. Les élèves qui seront en stage seront libéré·es pour ces deux épreuves, sans qu’on sache quelles modalités de révisions leur seront offertes.

Deux parcours seraient ouverts à partir de la mi-mai :

  • soit 6 semaines de "PFMP complémentaire" pour les élèves qui souhaitent travailler directement après le lycée, sans que l’on connaisse la formation des tuteurs·trices en entreprise.
  • soit 6 semaines de préparation pour les élèves qui veulent poursuivre leurs études, avec des renforcements disciplinaires et méthodologiques. Les groupes d’élèves seraient recomposées à partir de classes différentes. L’emploi du temps comprendrait 30h de cours. Les emplois du temps des PLP seraient donc modifiés au cours de cette période, ce qui risque de désorganiser complètement les établissements et d’ouvrir la voie à une annualisation du temps de service.

Le choix du parcours serait laissé aux familles des élèves à partir de la moitié du second semestre mais serait préparé  en seconde et en première.

Cette mesure se révèle particulièrement inique pour les élèves de terminale professionnelle : même si le ministère dit aujourd’hui qu’il n’y a pas de lien entre l’obtention d’un vœu dans le supérieur et le choix du parcours en « stage », rien ne nous assure que les élèves ne pâtiront pas de leur choix de parcours. Les compétences développées lors d’un stage et celles développées en classe ne sont pas les mêmes. Les périodes en entreprise étant gratifiées, on peut craindre que de nombreux·euses élèves choisissent le « stage ».

 

Une modification des grilles horaires

La modification du calendrier de l’année s’accompagnerait d’une modification des grilles horaires en terminale mais également en seconde et première car le ministère essaie de rattraper les heures d’enseignements perdues en fin d’année de terminale : 2 heures seraient ainsi prises en accompagnement personnalisé (la 3e devenant du soutien au parcours) pour permettre la création de groupes à effectifs réduits pour les enseignements fondamentaux (français et mathématiques), destinés à consolider les apprentissages.

  Seconde Première Terminale TOTAL
  Actuel Projet Actuel Projet Actuel Projet Actuel Projet
ENSEIGNEMENTS PROFESSIONNELS 450 450 420 420 390 319 1260 1189
Enseignement professionnel 330 360 266 294 260 231 856 885
Co-intervention français 30 15 28 14  / / 58 29
Co-intervention maths sciences 30 15 14 14 /
/ 44 29
Co-intervention ou atelier philo ou insertion /
/
/
/
26 0 26 0
Réalisation d’un projet* /
 / 56 42 52 22 108 64
Prévention-santé-environnement 30 30 28 28 26 33 84 91
Economie-gestion/droit 30 30 28 28 26 33 84 91
ENSEIGNEMENT GÉNÉRAUX 360 390 336 350 299 330 995 1070
Français, histoire-géo, EMC 105 120 84 98 78 99 267 317
Mathématiques 45 60 56 56 39 55 140 171
LVA 60 60 56 56 52 55 168 171
Physique-chimie ou LVB 45 45 42 42 39 33 126 120
Arts appliqués et culture artistique 30 30 28 28 26 22 84 80
EPS 75 75 70 70 65 66 210 211
SOUTIEN AU PARCOURS (ex AP)** 90 30 84 28 91 33 265 91
TOTAL 900 870 840 798 780 682 2520 2350
PFMP 4 à 6 semaines 6 à 8 semaines 8 sem 6 sem 18 à 22 sem 16 à 20 sem

*La préparation du chef d’œuvre deviendrait une préparation de “projet”, sans cadre pluridisciplinaire obligatoire et serait réduite de 30h annuelles.

**Les heures d’accompagnement personnalisé deviendraient des heures de « soutien au parcours ». La réduction des heures d’accompagnement personnalisé se fait au profit de la création de 2h hebdomadaires de groupes à effectifs réduits (1h en mathématiques et 1h en français), dès la seconde.

En revanche, les épreuves des enseignements généraux et professionnels et les programmes d’enseignement général restent inchangés. Les examens se dérouleront presque tous en mai, seront tributaires de l’organisation des examens de BTS.

 

L’analyse de SUD éducation

Pour SUD éducation, il aurait fallu faire un bilan de la réforme de 2019 avant de se lancer dans une nouvelle réforme et on observe la grande fatigue morale des personnels de LP qui font les frais de réformes idéologiques : après la suppression d’une partie des heures disciplinaires en 2019, le ministère fait maintenant marche arrière et prétend renforcer les savoirs fondamentaux en 2de et 1ère mais à moyens constants...

La réforme est prévue pour s’appliquer dès la rentrée 2024, alors que les élèves de 1ère n’ont pas été préparé·es à cette nouvelle mouture de l’année de terminale et que les PLP n’ont pas adapté leurs cours et leurs progressions en fonction de cette réforme à venir. On demande encore une fois à une génération d’essuyer les plâtres avec un calendrier intenable.

Par ailleurs, le président Macron a annoncé la fermeture ou la transformation de 15% des filières l’an prochain : il va donc y avoir une modification de l’offre de formation en 2024 en même temps que la réforme de l’année de terminale.

Nous ne savons pas qui s’occupera des 6 semaines de « PFMP complémentaire » qui auront été choisies par les élèves, ni sous quel statut se fera le suivi des élèves.

En fin d’année scolaire, la plupart des élèves de LP sera en stage (en 2de, 1ère et terminale) ainsi que les élèves de 2de GT. Les élèves seront en concurrence sur cette période pour la recherche de stage, ce qui risque de mettre en difficulté les élèves les plus fragiles.

Au-delà de l’opposition globale au projet de réforme, c’est un non-sens de faire passer la PSE et l’oral de chef d’œuvre au retour des 6 semaines de stage ou de la consolidation.