Refusons le Pacte de l’arnaque !

Alors qu'aucun texte réglementaire sur le pacte n'a encore été publié et alorsque les syndicats ont refusé de siéger au CSA MEN du 31 mai, le ministère avance à marche forcée pour le mettre en place dans les écoles.

Des situations différentes dans les départements

Les dotations académiques de « parts fonctionnelles » (une part fonctionnelle = une mission = 1250€ bruts annuels) sont désormais connues mais la répartition dans les écoles varie d’un département à l’autre : dans certains départements, les parts du pacte arrivent dans les écoles alors qu’ailleursles enseignant·es doivent se signaler auprès des circonscriptions pour que les parts soient distribuées en fonction des besoins. Dans d’autres départements, enfin, rien n'a encore été décidé au niveau des DSDEN.
Les professeur·es des écoles vont devoir se déterminer, sans véritablement savoir ce qu'il en est, sans savoir ce qui se cache derrière les missions du pacte dont les dénominations sont floues. Les DASEN et les IEN, dans l'urgence, informent les collègues directeurs et directrices d'école qui vont devoir gérer dans les écoles cette répartition des parts fonctionnelles sans vraiment être au clair, des informations contradictoires circulant quant à la répartition des parts fonctionnelles.
On assiste à une cacophonie, entretenue par des communications diverses dans les médias. Rien n'est clair dans ce pacte !

Que sait-on sur le pacte?

Le ministère a beaucoup communiqué sur la revalorisation salariale des enseignant.es, prévue à la rentrée 2023 et sur la reconnaissance de leur travail.

Les professeur·es des écoles qui choisiraient de « signer » le pacte pourront choisir entre six types de missions supplémentaires, pour certaines déclinées en heures supplémentaires devant élèves et pour d’autres annualisées.
Parmi les missions supplémentaires devant élèves, on trouve :
l’intervention sur l’heure de soutien ou d’approfondissement en français et en mathématiques nouvellement créée dans l’emploi du temps des classes de 6e en remplacement de l’heure de technologie. Dans certains départements, il avait été annoncé que cette mission serait réservée aux enseignant·es de cycle 2 ou de cycle 3 mais il semblerait finalement que tous·tes les professeur·es des écoles, quel que soit leur niveau actuel d'enseignement, puissent se proposer pour intervenir sur cette heure de soutien. Cette mission « prioritaire » (sans qu’on sache exactement comment cette priorité sera mise en œuvre) est la plus rémunératrice puisque chaque part correspond à 18h, soit 69€ bruts par heure.
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l’intervention sur le dispositif « Devoirs faits au collège ». Cette mission de 24h avait également été présentée,dans certains départements, comme réservée aux enseignant·es de cycle 2 et de cycle 3.
le « soutien renforcé », qui n’est pas censé remplacer les APC mais dont le contenu est totalement flou. Cette mission serait aussi de 24h.
l’intervention dans les stages de réussite organisés pendant les vacances. À l’heure actuelle, ces stages sont organisés sur des périodes d’une semaine avec 15h de remédiation en petit groupe. Cette mission serait désormais de 24h donc il faut supposer qu’elle consisterait à intervenir deux fois 12h sur deux semaines de vacances différentes.

En plus de ces quatre blocs d’heures supplémentaires, sont proposées des missions annualisées pour le fonctionnement des établissements et conduite de projets :
la coordination et la mise en œuvre de projets innovants, tels que ceux développés dans le cadre de « Marseille en Grand » ou du « Conseil national de la refondation : Notre école faisons-là ensemble ». Cette mission est présentée par le ministère comme une manière de valoriser l’implication dans des projets mais elle entérine, dans les écoles, une inégalité entre le coordinateur ou la coordinatrice et les autres enseignant·es. L’allocation différenciée de moyens en fonction des projets rompt par ailleurs avec le principe d’égalité dans le service public.
l'appui à la prise en charge des élèves à besoins éducatifs particuliers (par l’aide à la rédaction des Gevasco par exemple) : cette mission semble redondante avec le travail des ERSEH mais, là encore, le contenu n’est pas précisé.

 

Le pacte développe la concurrence

La logique de ce Pacte, c'est de proposer une enveloppe fermée d'heures supplémentaires, qui seront réparties dans les écoles puis distribuées par les directeurs et directrices en lien avec l’IEN.
Ce n'est pas un scoop : le découpage du budget alloué pour le Pacte est prévu pour ne pas permettre d'attribuer une part de Pacte à chaque personnel et les responsables de la distribution de ces missions supplémentaires devront donc décider à qui elles pourront être attribuées.
Alors que le ministre se vante de revaloriser les enseignant·es grâce au Pacte, il est clair que son objectif n'est pas de tous·tes les revaloriser puisqu'il n'y a pas suffisamment de propositions de missions pour le faire. Dans le cas où trop d'enseignant·es souhaiteraient en profiter, cela renforcerait le pouvoir des hiérarchies pour les distribuer. Deux raisons pour lesquelles nous nous opposons au Pacte et exigeons une revalorisation de tous-tes sans contrepartie
On comprend aussi pourquoi les décrets de la loi Rilhac sortent en même temps que le Pacte : dans le 1er degré, cette mesure implique que les chargé·es de direction aient un vrai rôle de manager puisqu'ils et elles devront éventuellement départager des enseignant·es postulant sur un même pacte.

Le pacte renforce les inégalités

 

Et ce n'est pas tout : non seulement ce Pacte introduira une dose supplémentaire de concurrence et de management dans l’Éducation nationale, mais en plus il accentuera des inégalités déjà criantes entre les personnes qui peuvent travailler plus et celles qui, pour différentes raisons (contraintes familiales, problèmes de santé, handicap, temps de trajet domicile-travail...), n'en ont pas la possibilité. À titre d'exemple, les hommes enseignants du 2d degré touchent en moyenne 245 € bruts mensuels d'heures supplémentaires alors que les femmes enseignantes du 2d degré ne touchent que 162 € bruts mensuels.
Taillé sur mesure pour développer le remplacement de courte durée dans les collèges et les lycées, le Pacte creusera aussi les inégalités entre les enseignant·es du 2d degré et les professeur·es des écoles, dont l'emploi du temps hebdomadaire est plus chargé et qui devront en plus aller dans le collège de secteur pour assurer la mission prioritaire d'accompagnement en 6e. Notons au passage que 84% des professeur·es des écoles sont des femmes alors que cette proportion est plus équilibrée moindre dans le 2d degré. Tout comme la contre-réforme des retraites, le pacte révèle donc à quel point la réduction des inégalités de traitement entre les hommes et les femmes n'est pour ce gouvernement qu'un artifice argumentaire brandi avec opportunisme.

 

Le pacte est dangereux pour le service public d’éducation

Le pacte est dangereux pour les écoles : rendre les écoles plus autonomes, comme le vante ce ministère, n'est pas une garantie d'égalité, cela va encore accroître les risques de fractures entre les écoles et les mettre en concurrence les unes avec les autres. Cela va dans le même sens que les appels à projet dans le cadre du « Conseil national de la refondation ».

Le pacte est dangereux pour les personnels : d’expérience, on sait que des missions supplémentaires introduites sur la base du volontariat peuvent rapidement devenir obligatoires, comme les heures supplémentaires dans le 2d degré. La logique de contractualisation qui est au cœur du pacte met par ailleurs en danger notre statut de fonctionnaire : choisir ses missions en fonction d’une rémunération est contraire au principe de la fonction publique.

 

Tout cela ne peut qu'aggraver les conditions de travail des professeur·es des écoles, déjà délétères, et remettre en cause les collectifs de travail dans les écoles, en réduisant les temps disponibles pour le travail en équipe.

Les revendications de SUD éducation

SUD éducation refuse la logique du « Travailler plus pour gagner « un peu » plus » ! Conditionner une augmentation de salaire à de nouvelles missions n'est pas une revalorisation salariale.
C'est pourquoi SUD éducation appelle les enseignant·es à refuser de signer le pacte et à s'organiser dans les écoles pour faire des motions collectives de refus de pacte.

SUD éducation revendique :

- une augmentation de salaire immédiate de 400 € pour toutes et tous, non conditionnée à du travail supplémentaire ;
- le dégel du point d’indice et le rattrapage de la perte de rémunération depuis le gel du point d’indice en 2010 ;
- l’indexation des salaires sur l’inflation pour garantir le maintien du niveau de vie des personnels en activité et à la retraite ;
- une refonte des grilles indiciaires des agent·es, pour garantir que plus les salaires sont faibles, plus ils seront augmentés ;
- la garantie que les précaires bénéficient de la même grille pour leurs salaires, tenant compte de toute leur ancienneté professionnelle ;
- l’intégration des primes et indemnités générales aux salaires, et la compensation des tâches supplémentaires et des conditions difficiles par des réductions des services;
- la fin des primes « au mérite », soi-disant fondée sur « l'implication professionnelle » des enseignant·es.