Salaire, retraites, conditions de travail : la coupe est pleine !

Les personnels de l’Éducation nationale et des universités ressentent de plein fouet l’inflation. Leur niveau de vie baisse, la précarité ne cesse de s’accroître et le refus de titulariser des centaines de milliers de personnels, AESH, AED, agent·es contractuel·es, non titulaires enseignant·es, aggrave les inégalités et la pauvreté. Dans le même temps, les différentes études témoignent d’une dégradation des conditions de travail, d’une gestion des personnels de plus en plus maltraitante et d’un manque de reconnaissance croissant. Mal payés et mal considérés, les métiers de l’Éducation nationale et du supérieur sont délaissés et, comme dans les transports ou les hôpitaux, on peine à recruter. La réforme des retraites intervient dans ce contexte d’attaque contre nos métiers et vient à nouveau pénaliser les personnels, en allongeant la durée du travail pour des personnels qui auraient pu partir à la retraite à 62 ans. 

 

Des personnels sous-payés !

En 2019, la forte mobilisation des personnels de l’Éducation nationale et des universités avait mis au jour le problème des salaires.

D’abord, certains métiers, pourtant nécessaires au bon fonctionnement du service public d’éducation et à la scolarisation des élèves en situation de handicap, ne sont pas reconnus comme des métiers à part entière mais uniquement comme des “missions” sur lesquelles sont employés des personnels pour des temps incomplets avec des salaires incomplets. C’est le cas d’une partie des AED et des 132 000 personnels AESH qui gagnent en moyenne 900 euros par mois. C’est la double peine : au SMIC trop bas pour vivre s’ajoute une quotité de travail incomplète imposée.

Face aux mobilisations des personnels soutenus par SUD éducation, le ministère a été obligé d’adopter une grille salariale nationale pour les AESH, néanmoins elle reste très insuffisante et est sans cesse rattrapée et tassée par l’augmentation du SMIC. De même, suite à la victoire en justice de SUD éducation, le Ministre a été contraint d’attribuer l’indemnité REP/REP+ aux AED et aux AESH. Là encore, il s’escrime à filouter en introduisant un montant inférieur spécifiquement pour les personnels AED et AESH.

On observe ensuite, une baisse généralisée des salaires dans l’Éducation nationale et des universités : entre le gel du point d’indice et l’augmentation des prix, les personnels ont perdu 30% de salaire depuis 1995. Autour de quinze ans de carrière, les rémunérations des enseignant·es sont plus faibles 15 % à 19 % plus faibles que dans les autres pays de l’OCDE. À bac + 5, un·e enseignant·e qui débute touche 1916 euros net par mois puis seulement 2 032 euros à l’échelon 6 avec une dizaine d’années d’ancienneté. Avec vingt ans d’ancienneté, les enseignant·es peinent à atteindre les 2 400 euros..

Les maigres primes attribuées à certains personnels seulement comme la faible augmentation du point d’indice ne parviendront pas à améliorer véritablement la situation Nouvelle marque de mépris, depuis un an à présent, on nous promet des augmentations, néanmoins elles restent encore floues : une partie serait réservées aux enseignant·es en début de carrière, en oubliant tou·tes les autres, une autre serait conditionnée à la réalisation de missions supplémentaires. La rémunération au mérite aggrave les inégalités salariales entre les hommes et les femmes mais aussi entre les personnes valides et les autres car nous ne sommes pas tou·tes à égalité devant l’augmentation du temps de travail.

 

La hausse des prix prend les personnels à la gorge

Après une hausse des prix de 6,2% en 2022, l'Insee prévoit 7% d’inflation en janvier 2023 et devrait rester haute jusqu’au printemps 2023. On craint la hausse programmée des prix du gaz et de l'électricité, plafonnés en janvier et février à 15%. Les personnels ont de plus en plus de difficultés à se nourrir, à se chauffer et à se loger.

La question des déplacements pour aller travailler devient une question centrale : avec les suppressions de poste qui continuent (1 500 nouvelles suppressions à la rentrée 2023), la mobilité des personnels est entravée. Les personnels travaillent par conséquent de plus en plus loin de chez eux. Les déplacements quotidiens et les déplacements pour rendre visite aux proches pendant les week-ends et les vacances augmentent par conséquent. Néanmoins, la SNCF annonce une hausse des prix des trains de 5% au 10 janvier 2023 alors que les prix sont déjà trop élevés pour une offre de train insuffisante. De même, l’abonnement du pass Navigo en Île-de-France augmente de 10 euros en janvier 2023 (+12%). Les transports en commun restent encore insuffisants hors des grandes villes pour pouvoir se passer de son véhicule personnel pour se rendre au travail. Les prix des carburants restent quant à eux fluctuants avec une nouvelle indemnité carburant financée par l’argent public en janvier 2023. Dans le cadre de la reconversion écologique de la société, il ne faut pas oublier que les transports constituent une des principales dépenses énergétiques pour les écoles et établissements scolaires qui sont hors des grands centres urbains.

 

Dégradation des conditions de travail : ça continue !

La paupérisation des agent·es du secteur public s’accompagne d’une dégradation constante des dégradations de travail. La cause principale en est le manque de moyens attribués pour l’Éducation nationale et les universités. La hiérarchie tente de faire croire aux agent·es que l’on peut faire mieux avec des moyens insuffisants en travaillant davantage, en réorganisant les services et en mutualisant. Elle fait peser sur les agent·es ces propres manquements. Les personnels subissent une institution maltraitante qui les rend responsables des difficultés du service public d’éducation. Lorsque les personnels sont confronté·es à des difficultés personnelles, médicales ou à des situations de violence sur le lieu de travail, c’est le “pas de vague” et l’indifférence qui guide la politique de gestion des personnels.

Pourtant, l’institution en demande toujours davantage aux personnels : en France, le temps d’enseignement est plus élevé que dans les autres pays de l’UE : les professeur·es des écoles enseignent 900 heures par an contre 740h en moyenne dans les autres pays de l’UE, au collèges, les enseignant·es enseignent 720 heures devant les élèves, contre 659h annuelles en moyenne dans le reste de l’UE.

Un des principaux facteurs de la dégradation des conditions de travail reste le nombre trop élevé d’élèves par classe, largement au-dessus des moyennes européennes. En élémentaire, l’UE compte en moyenne 19 élèves par classe et 21 au collège. En France, au contraire, on compte en moyenne 22 élèves par classe en élémentaire et 26 élèves par classe au collège.

 

Et si ça ne suffisait pas, le gouvernement essaye de s’en prendre (encore) à nos retraites !

 

C’est dans ce contexte de maltraitance et de paupérisation généralisée que le gouvernement décide d’une nouvelle attaque contre les personnels avec son projet de recul de l’âge de départ en retraite.

Depuis l’abaissement en 1982 de l’âge de départ en retraite de 65 ans à 60 ans avec 37,5 annuités, le système de retraite des agent·es du service public a déjà été dégradé par les dernières réformes : en 2003, la durée de cotisation passe à 40 annuités, la bonification pour les femmes de 4 trimestres par enfant est transformée en une majoration, bien moins intéressante, de 2 trimestres pour les enfants nés après janvier 2004. En 2010, l’âge légal de départ en retraite est encore repoussé à 62 ans ainsi que l’âge de départ à taux plein qui est lui aussi reculé à 67 ans. La réforme Touraine poursuit la casse des retraites en 2014 avec une durée de cotisation relevée d’un trimestre tous les trois ans de 2020 à 2035 pour atteindre 172 trimestres (43 ans) pour les générations nées à partir de 1973.

Les personnels de l’Éducation nationale et des universités doivent déjà aller au-delà de 62 ans pour éviter la décote. Pourtant 62 ans c’est déjà trop lorsqu’on sait que l’espérance de vie en bonne santé est en moyenne de 64,1 ans pour les femmes et de 62,7 ans pour les hommes. L’allongement de la durée de cotisation a aggravé le phénomène de décote qui mange sur des pensions déjà grignotées par l’augmentation du coût de la vie, en particulier pour les femmes.

De même, la politique de prime et d’indemnité au détriment des augmentations salariales dans l’Éducation nationale et les universités accroît la perte de ressources au moment du passage à la retraite, sans parler des inégalités de revenu et donc de pension entre les hommes et les femmes, qui en résultent.

Avec le recul de l’âge de départ en retraite, c’est la double peine : les personnels de l’Éducation nationale et des universités, comme tou·tes les travailleur·euses ne pourront plus partir en retraite à 62 ans, même si elles et ils ont cumuler assez d’annuités pour partir sans décote. La réforme du gouvernement Macron-Borne enchaîne les personnels au travail, même lorsqu’ils et elles ont cumulé leurs 43 annuités. Cette réforme est d’autant plus injuste pour les personnels qui ont commencé à travailler jeunes sans pour autant avoir assez cotisé pour bénéficier du dispositif de carrière longue.

 

Un départ à la retraite de plus en plus tardif !

En 2017, l'âge moyen de départ à la retraite des personnels de l’Éducation nationale est de 61,1 ans, il s’élève à 62 ans en 2021. Ce sont les personnels de Vie Scolaire qui partent le plus tard, à 63 ans.

Mères de trois enfants Hors départs mères de trois enfants Femmes Hommes Ensemble
Enseignant·es du 1er degré public 58,1 60,5 60,3 61,2 60,5
Enseignant·es du 2nd degré public 59,2 63 62,8 63,2 63
Vie scolaire 59,1 63,1 62,8 63,7 63
Personnels ASS 59,4 62,9 62,8 62,4 62,7

 

  • Les personnels qui partent avant 62 ans bénéficient de dispositifs “carrière longue” et sont des PE qui ont fait 17 ans en tant qu’instit’ ce qui donne droit à un départ à 57 ans.

 

Evolution de l’âge de départ en retraite des enseignant·es :

 

2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021
H F H F H F H F H F H F H F
enseignant·es du 1er degré 59,2 58,9 59,4 59,1 59,7 59,4 60,1 59,7 60,5 59,9 60,7 60 61,2 60,3
enseignant·es du 2nd degré 62,1 61,9 62,3 62 62,5 62,2 62,6 62,4 62,7 62,3 63 62,6 63,2 62,8

 

Avec la réforme Hollande-Tourraine et son accélération par Macron-Borne, les personnels partiront plusieurs années plus tard que ceux qui ont liquidé leur retraite en 2021.

Travailler plus longtemps pour vivre moins longtemps, en moins bonne santé

On observe que plus les personnels ont commencé à travailler jeune, plus ils sont pénalisés par cette réforme.

Le recul de l’âge de départ en retraite est particulièrement inquiétant dans l’’Éducation nationale où la médecine du travail est moribonde.Il manque 85% des effectifs de médecins de prévention. On comptait pour plus d’un million de personnels seulement 65 médecins en 2021 dont 42 % sur au moins deux départements, seules 24 académies disposent d’un médecin de prévention. En dehors de la visite médicale d’entrée dans le métier, sans demande répétée de leur part, les personnels ne voient aucun médecin du travail pendant toute leur carrière, alors qu’ils doivent être visités tous les 5 ans, et chaque année en cas d’état de santé particulier (pathologie chronique, handicap, grossesse, etc.).

Le recul de l’âge de départ à la retraite augmente nécessairement le nombre de travailleurs et de travailleuses qui continuent d’exercer avec des difficultés de santé et cela a un effet négatif sur l’espérance de vie des personnels.

Le gouvernement Borne-Macron n’a aucun respect pour le travail effectué par les salarié·es et par les personnels qui font vivre au quotidien le service public sur tout le territoire. Le recul de l’âge de départ à la retraite, c’est le vol de plusieurs années de nos vies. Après une carrière de privations, de salaires insuffisants et de mauvaises conditions de travail, le gouvernement exige que nous travaillions plus longtemps pour financer sa politique d’exonération fiscale et de cadeaux aux entreprises les plus polluantes : tou·tes ensemble, refusons le recul de l’âge de départ en retraite.