Quels outils et stratégies pour un syndicalisme de lutte et son articulation avec les nouvelles formes de la contestation sociale ?

Dans ces temps où la défiance et la méfiance à l’égard de tout ce qui est poli­tique mais aus­si syn­di­cal est à son comble, où des mesures liber­ti­cides ont été prises suite aux atten­tats de l’année 2015 pour s’en prendre à toute forme d’expression, de reven­di­ca­tions et de luttes sociales, il nous semble essen­tiel de rap­pe­ler ce qu’est le syn­di­ca­lisme de lutte et ses liens avec les luttes émer­gentes. Ces der­nières décen­nies, les mou­ve­ments sociaux ont été « défen­sifs » ; l’enjeu est donc de reprendre l’offensive face à l’ordre capitaliste.

Le syn­di­ca­lisme de lutte aujourd’hui

Qu’est-ce que le syn­di­ca­lisme de lutte ?
Le syn­di­ca­lisme de lutte que nous reven­di­quons s’inscrit dans le cou­rant syn­di­ca­liste révo­lu­tion­naire et pour­suit un double objec­tif : d’une part défendre les inté­rêts immé­diats des tra­vailleurs-euses par l’action directe, en toute indé­pen­dance des orga­ni­sa­tions poli­tiques, aux moyens notam­ment de la grève, du blo­cage ou de la déso­béis­sance, de l’occupation ; d’autre part construire une autre socié­té, débar­ras­sée des rap­ports de domi­na­tion, basée sur l’autogestion, la réap­pro­pria­tion des moyens de pro­duc­tion et des ser­vices publics et la démo­cra­tie directe.
Dans cette pers­pec­tive, l’organisation des tra­vailleurs-euses repose à la fois sur des syn­di­cats pro­fes­sion­nels et sur des unions locales.
Le syn­di­ca­lisme de lutte que nous défen­dons s’oppose à la fois à un syn­di­ca­lisme lié aux orga­ni­sa­tions poli­tiques et au syn­di­ca­lisme de ser­vice, coges­tion­naire, qui accom­pagne des mesures anti­so­ciales au nom d’un réa­lisme qui accepte les règles du capitalisme.

Le syn­di­ca­lisme de lutte à l’épreuve de l’évolution du monde du travail
Le syn­di­ca­lisme révo­lu­tion­naire repo­sait sur des ouvrier-e‑s pro­fes­sion­nel-le‑s qua­li­fié-e‑s, très orga­ni­sé-es et ayant une maî­trise de leur outil de tra­vail. Dans les années 60 – 70, les ouvrier-e‑s spé­cia­li­sé-e‑s sont entré-e‑s sur le devant de la scène et ont par­ti­ci­pé à des grèves mas­sives dans les usines.
Aujourd’hui, la dés­in­dus­tria­li­sa­tion, la sous-trai­tance, l’émiettement des col­lec­tifs de tra­vail, la pré­ca­ri­sa­tion et l’ubérisation sont à l’origine de pro­fondes modi­fi­ca­tions des condi­tions de tra­vail et donc des condi­tions de lutte. Tout en s’inscrivant dans une conver­gence d’actions et de reven­di­ca­tions des sec­teurs pri­vés et publics, notre syn­di­ca­lisme doit aus­si contri­buer à la défense et au déve­lop­pe­ment de ser­vices publics, par­ti­cu­liè­re­ment mal­me­nés depuis quelques années, qui puissent réel­le­ment répondre aux besoins de la popu­la­tion et notam­ment en terme de soli­da­ri­tés. Ainsi, que ce soit au niveau de l’État, des col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales et du sec­teur hos­pi­ta­lier, la situa­tion actuelle de l’emploi est plus que pré­oc­cu­pante (sup­pres­sions de postes, recru­te­ments insuf­fi­sants, pré­ca­ri­sa­tion, sous-trai­tance, recours à des contrats de droits pri­vés…). L’action syn­di­cale et la construc­tion de luttes pour la créa­tion de postes sta­tu­taires, pour la titu­la­ri­sa­tion des pré­caires, pour l’auto-organisation des ser­vices publics, ne peuvent être consi­dé­rées comme cor­po­ra­tistes ou caté­go­rielles, il s’agit bien de lut­ter contre le pro­jet libé­ral-capi­ta­liste d’une socié­té sans ser­vices publics dignes de ce nom.

Les dif­fi­cul­tés du syn­di­ca­lisme de lutte
C’est peu dire aujourd’hui que le syn­di­ca­lisme que nous pra­ti­quons ren­contre des écueils. Le « There is no alter­na­tive » de l’ère Thatcher a fait des ravages. La droi­ti­sa­tion glo­bale des socié­tés, amor­cée dans les années 80, a fait recu­ler le sens et le goût de l’action col­lec­tive. Les défaites aus­si n’ont pas aidé ; nous les ali­gnons, que ce soit dans l’éducation, comme au plan inter­pro­fes­sion­nel. Il faut remon­ter loin pour trou­ver une vic­toire syn­di­cale d’ampleur, 2006 avec le retrait du CPE si l’on inclut par­mi les vic­toires une défense vic­to­rieuse contre une mesure de régres­sion sociale. Si l’on ne consi­dère comme des vic­toires que des avan­cées sociales réelles arra­chées par la lutte syn­di­cale, il faut sans doute remon­ter aux années 1970…
L’éclatement des lieux de tra­vail et des bas­tions sala­riés, l’augmentation de la pré­ca­ri­té et du chô­mage, la répres­sion syn­di­cale accrue rendent, c’est vrai, plus dif­fi­cile l’implantation syn­di­cale. De ce fait, nous sommes sur la défen­sive. Nous défen­dons les retraites, la sécu, le sta­tut… mais pei­nons à incar­ner un syn­di­ca­lisme d’alternative que nous vou­lons construire. Pour autant, le sala­riat n’est pas tota­le­ment ato­mi­sé, mais là encore lorsque nous arri­vons à ancrer la grève, l’auto-organisation n’est pas sou­vent au rendez-vous.

Nouvelles condi­tions de lutte, nou­velles formes de lutte.

2003, CPE, 2010, loi Travail
Les mou­ve­ments sociaux depuis les années 2000, même s’ils ont per­mis d’expérimenter de nou­velles formes de lutte, n’ont pas été capables d’imposer le recul du gouvernement.
En 2003 avec l’Éducation natio­nale ou en 2010 avec les trans­ports et les raf­fi­ne­ries, cer­tains sec­teurs ont été à la pointe mais la mobi­li­sa­tion n’a pas réus­si à s’élargir. A contra­rio, en 2016, la mobi­li­sa­tion contre la « loi tra­vail » n’a pas pu s’appuyer sur un sec­teur pro­fes­sion­nel. Dans tous les cas, un mou­ve­ment social ne peut gagner que par une mobi­li­sa­tion d’ensemble des exploi­té-e‑s.
Le mou­ve­ment contre le CPE en 2006 montre que l’instauration d’un
« cli­mat d’agitation poli­tique » par­ti­cipe à faire recu­ler le gou­ver­ne­ment : les jour­nées de mobi­li­sa­tions inter­pro­fes­sion­nelles se sont arti­cu­lées avec des actions de blo­cages éco­no­miques, des occu­pa­tions, des mani­fes­ta­tions sauvages…
Lors du mou­ve­ment contre la loi tra­vail, mal­gré des recon­duc­tions dans plu­sieurs sec­teurs stra­té­giques (trans­ports, raf­fi­ne­ries), par­fois en lien avec des blo­cages, la grève ne s’est pas géné­ra­li­sée. Le mou­ve­ment a été plu­tôt mar­qué par des jour­nées de mobi­li­sa­tion moins sui­vies qu’en 2010 en marge des­quelles se sont déve­lop­pées des assem­blées occu­pant des places. On a éga­le­ment assis­té, à un débor­de­ment concer­té des cor­tèges syn­di­caux par des mani­fes­tant-e‑s réso­lu-e‑s à bou­le­ver­ser la mise en scène tra­di­tion­nelle des mani­fes­ta­tions syn­di­cales. Quoi qu’on pense de la per­ti­nence tac­tique et stra­té­gique de ces cor­tèges de tête (pra­ti­quant l’action directe en mani­fes­ta­tion et n’excluant pas la vio­lence), ils pointent la néces­si­té de redon­ner des cou­leurs aux mani­fes­ta­tions et de pro­po­ser aux gré­vistes de mener des actions lors des jour­nées de mobilisation.

Les luttes en dehors du monde du travail
Des luttes conti­nuent paral­lè­le­ment à celles du monde du tra­vail : migrant-e‑s, loge­ment, pré­ca­ri­té, vio­lences poli­cières et répres­sions, restruc­tu­ra­tion urbaine, droits des femmes et des LGBTQI… Ces luttes s’organisent à tra­vers des col­lec­tifs ou des assem­blées, en dehors des struc­tures tra­di­tion­nelles qui peinent aujourd’hui à mobi­li­ser (DAL, AC !, CSP…).
SUD édu­ca­tion doit tra­vailler à la conver­gence de ces luttes aujourd’hui éparses pour construire un rap­port de force à la hau­teur des enjeux et espé­rer gagner.
Notre outil syn­di­cal doit, en par­ti­cu­lier par le biais de Solidaires, faire en sorte :
• d’impliquer ses mili­tant-e‑s dans la construc­tion de ces luttes ;
• de relayer et sou­te­nir leur existence,
• de les ali­men­ter de nos points de vue et analyses,
• de pro­duire du maté­riel spécifique,
• d’y consa­crer des moyens de for­ma­tion (stage, …) ;

Les autres luttes : ZAD et occu­pa­tions des territoires
Le début des années 2000 a vu refleu­rir des luttes contre des pro­jets d’aménagement du ter­ri­toire. S’opposer aux poli­tiques d’aménagement du ter­ri­toire c’est non seule­ment empê­cher la réa­li­sa­tion du pro­jet mais aus­si se réap­pro­prier nos lieux de vie et lut­ter contre les logiques capi­ta­listes et sécu­ri­taires. Il est donc logique que des mili­tant-e‑s syn­di­caux-les s’y inves­tissent et mettent les outils syn­di­caux au ser­vice de ces luttes. C’est le cas à Notre-Dame-des-Landes où le col­lec­tif syn­di­cal contre l’aéroport a mon­tré que les inté­rêts des tra­vailleurs-ses rejoi­gnaient ceux des habi­tant-e‑s, mais aus­si dans le Val Susa où les tra­vailleurs-ses de la val­lée ont fait plu­sieurs fois grève contre le projet.
Ces luttes per­mettent d’expérimenter une orga­ni­sa­tion de vie com­mune en dehors et contre l’État mais aus­si de construire des soli­da­ri­tés nou­velles entre habi­tant-e‑s et mili­tant-e‑s. Comment faire vivre ces luttes dans nos syndicats ?

Perspectives : quelle stra­té­gie syndicale ?

Notre action syn­di­cale doit viser l’auto-organisation et la défense col­lec­tive des sala­rié-e‑s, des pré­caires, des chô­meur-se‑s de l’éducation, de la mater­nelle à l’université, ain­si que la défense indi­vi­duelle de toutes celles et tous ceux qui sont vic­times de l’injustice, de l’arbitraire, de l’autoritarisme.

Redonner du sens à la grève
La grève est notre meilleure arme pour mili­ter dans le cadre de l’affrontement de classe avec les capi­ta­listes, celle qui per­met de frap­per direc­te­ment le patro­nat au por­te­feuille. Pour autant, elle semble dif­fi­cile sur les lieux de tra­vail « iso­lés ». Une grève mas­sive appa­raît aujourd’hui pour la plu­part des sala­rié-e‑s de plus en plus dif­fi­cile hors fonc­tion publique ou gros employeurs, elle reste pour­tant l’outil cen­tral de tout mou­ve­ment social. Dans la Fonction publique, de nom­breux-euses col­lègues hésitent à faire grève pour diverses rai­sons : pré­ca­ri­té, sou­ci de main­te­nir la conti­nui­té du ser­vice public (en par­ti­cu­lier au pro­fit des plus dému­ni-e‑s) ou les bonnes rela­tions avec les usa­ger-e‑s, sen­ti­ment d’inutilité de la grève, dis­cours anti­gré­vistes dans les médias, résignation.
Il fau­dra donc échan­ger avec les col­lègues et les usa­ger-e‑s le plus régu­liè­re­ment pos­sible tout en sachant que c’est un tra­vail de longue haleine. Dans l’Éducation natio­nale, les parents ont ain­si un vrai rôle à jouer dans les luttes.
Une grève aura d’autant plus d’impact si elle per­met d’articuler mani­fes­ta­tion et construc­tion de cadres d’auto-organisation : formes col­lec­tives, vigi­lance sur les récu­pé­ra­tions poli­tiques et prises de pou­voir, ouver­ture aux « non-ini­tié-e‑s », per­mettre l’organisation/préparation d’actions plus « radicales ».
La grève per­met de se confron­ter à notre hié­rar­chie (dénon­cia­tion de l’arbitraire, remise en cause de l’organisation pyra­mi­dale du tra­vail) et au capi­tal (par le blo­cage éco­no­mique que consti­tue l’arrêt de la pro­duc­tion de biens et de ser­vices). Ces blo­cages sont deve­nus un mode d’action à part entière. Ils ne rem­placent pas la grève, mais tout comme d’autres actions sym­bo­liques, ils per­mettent de rendre visible la radi­ca­li­té de nos luttes. Ne nous en pri­vons pas !
Le temps libé­ré par la grève peut aus­si être mis à pro­fit pour orga­ni­ser des « piquets volants ou tour­nants », inter­pel­lant les sala­rié-e‑s et les invi­tant à rejoindre le com­bat. Cela peut s’articuler avec des opé­ra­tions de péages ouverts ou blo­cages des trans­ports, de flux de mar­chan­dises, de l’accès à cer­tains lieux de travail.

Renforcer les soli­da­ri­tés collectives
Développer notre for­ma­tion pour s’ancrer sur le terrain

Notre syn­di­ca­lisme doit don­ner aux tra­vailleur-se‑s les outils néces­saires à leur auto-orga­ni­sa­tion. Pour cela, les syn­di­cats de la fédé­ra­tion s’engagent, dès main­te­nant, à par­ti­ci­per et déve­lop­per la com­mis­sion « for­ma­tion » en charge de l’organisation de stages de base en lien avec les autres Groupes de Travail (Précarité, Juridique, Et voi­là le Travail…) per­met­tant à tou-te‑s les adhé­rent-e‑s de Sud édu­ca­tion de maî­tri­ser les prin­ci­paux outils d’animation d’un syn­di­cat , de connais­sances juri­diques dans l’accompagnement et la défense col­lec­tive et indi­vi­duelle des collègues.

Créer des soli­da­ri­tés locales et appuyer les luttes locales avec l’outil syndical

Les unions locales et dépar­te­men­tales de Solidaires sont déjà très inves­ties par les mili­tant-e‑s de Sud édu­ca­tion. Ces struc­tures doivent per­mettre d’une part de faire vivre au quo­ti­dien notre pro­jet de trans­for­ma­tion sociale en favo­ri­sant la soli­da­ri­té entre tou-te‑s les tra­vailleur-euse‑s, avec ou sans emploi, et d’autre part d’être force de pro­po­si­tions lors des mobi­li­sa­tions inter­pro­fes­sion­nelles. La construc­tion de l’outil inter­pro­fes­sion­nel à tous les éche­lons de Solidaires est une prio­ri­té de notre fédé­ra­tion. SUD édu­ca­tion porte dans Solidaires la construc­tion de cam­pagnes régu­lières pour popu­la­ri­ser nos mots d’ordre et notre pro­jet de socié­té. La construc­tion de cet outil n’est pas une fin en soi et nous devons nous inves­tir, via Solidaires, dans les luttes qui portent notre pro­jet de trans­for­ma­tion sociale éman­ci­pa­trice en favo­ri­sant la soli­da­ri­té entre tout-e‑s les tra­vailleur-euse‑s, avec ou sans emploi. Là où les équipes mili­tantes le jugent per­ti­nent, SUD édu­ca­tion s’engage dans les cam­pagnes locales de défense des ser­vices publics de la Convergence des Services Publics ou d’autres col­lec­tifs uni­taires. Ces cam­pagnes peuvent per­mettre de (re)construire des liens soli­daires entre usa­ger-e‑s et sala­rié-e‑s des ser­vices publics, et de redon­ner du sens aux ser­vices publics (contre toutes les pri­va­ti­sa­tions) en lien avec le sta­tut des fonc­tion­naires (contre la casse engagée).
Les UL et UD de Solidaires doivent pou­voir impul­ser des cadres d’auto-organisation pour tou-te‑s, y com­pris les chô­meur-euse‑s et les plus pré­caires par le biais de com­mis­sion de chô­meur-euse‑s ou de syn­di­cats ad hoc.
Dans les col­lec­tifs de luttes locaux qui réunissent des indi­vi­dus syn­di­qué-e‑s ou non-syn­di­qué-e‑s comme dans les col­lec­tifs natio­naux qui réunissent des orga­ni­sa­tions asso­cia­tives, syn­di­cales.… SUD édu­ca­tion défend un fonc­tion­ne­ment hori­zon­tal (de l’heure d’information syn­di­cale à l’AG) en lien avec les tra­vailleurs-ses qui sont en lutte, en s’opposant à l’autoritarisme et à toutes les ten­ta­tives de récupération.

Développer les syn­di­cats et la fédé­ra­tion SUD éducation
Porter nos reven­di­ca­tions néces­site de déve­lop­per notre syn­di­cat et d’accroître notre nombre d’adhérent-e‑s.

Regagner notre représentativité

Pour la rega­gner lors des élec­tions pro­fes­sion­nelles de 2018, la fédé­ra­tion cher­che­ra à pré­sen­ter le plus grand nombre pos­sible de listes.
Ce tra­vail syn­di­cal est néces­saire pour don­ner confiance aux per­son­nels en mon­trant que nous sommes capables de les repré­sen­ter face à notre employeur

Développer le tra­vail fédéral

Notre déve­lop­pe­ment ne peut pas être seule­ment élec­to­ral. La fédé­ra­tion et ses syn­di­cats doivent se don­ner les moyens d’être lus, et donc lisibles, par les mili­tant-e‑s, les adhé­rent-e‑s et les personnels.
Nous pou­vons nous amé­lio­rer, notam­ment en menant des cam­pagnes fédé­rales, de leur construc­tion jusqu’au retour sur leur réa­li­sa­tion. Ce tra­vail « ferait fédé­ra­tion » et per­met­trait le déploie­ment de maté­riel com­mun utile au tra­vail syn­di­cal quotidien.

Quelles conver­gences des luttes ?
Face au pou­voir capi­ta­liste, seule une action col­lec­tive forte per­met­tra de chan­ger la socié­té. Il nous appar­tient de construire une réelle conver­gence des luttes : la conver­gence ne peut émer­ger de la jux­ta­po­si­tion ou de l’addition de reven­di­ca­tions cor­po­ra­tistes : il s’agit de mettre en évi­dence ce qui est com­mun aux dif­fé­rents sec­teurs du pri­vé comme du public ; une action uni­taire ne se construit pas d’en haut, par un accord entre des direc­tions syn­di­cales contraintes de s’aligner sur les posi­tions les plus molles ; c’est à la base, dans nos assem­blées géné­rales, que nous pour­rons prendre notre ave­nir en main et que nous pour­rons « débor­der les par­te­naires sociaux responsables »

SUD éducation aux côtés des personnels pour une École ouverte à tou-te‑s les élèves

L’idée que tous les enfants puissent aller à l’école est rare­ment remise en cause mais la chose devient plus com­plexe lorsqu’on envi­sage de sco­la­ri­ser tou-te‑s les enfants dans les mêmes éta­blis­se­ments. Les dis­po­si­tions actuelles pour « une école inclu­sive » inter­rogent les per­son­nels, leurs pra­tiques, leur for­ma­tion, leurs joies, leurs peines. Les orien­ta­tions et les prin­cipes de notre syn­di­cat nous conduisent à tenir une double réflexion : que signi­fie un droit réel à l’école pour toutes et tous, et com­ment aider les ensei­gnant-e‑s – qui pour l’immense majo­ri­té, sous­crivent aux prin­cipes de la loi de 2005- à ne pas por­ter seul-e‑s des situa­tions par­fois extrê­me­ment complexes ?

Quand l’école était nor­male mais pas pour tout le monde

Dès sa géné­ra­li­sa­tion à la fin du XIXéme siècle, l’Ecole Publique n’a pas été une école pour tous les enfants. Dans les villes, elle était plus qu’ailleurs une école pour « les enfants nor­maux-ales ». « L’enfant arriéré‑e » était cantonné·e au lieu de l’arriération, l’asile et par consé­quent sous­trait à l’obligation sco­laire. Dans les cam­pagnes, le modèle de la classe unique ou de l’école à deux classes (une pour les filles, une pour les gar­çons) domi­nait et des élèves fort dif­fé­rent-e‑s pou­vaient être accueilli-e‑s. Là, l’hétérogénéité des classes était une évi­dence. L’exclusion était moindre même si la stig­ma­ti­sa­tion était bien réelle.
En 1910, l’administration crée des « classes de per­fec­tion­ne­ment » pour les­quelles elle trou­ve­ra des élèves. L’existence de ces classes est une demande qui vient de la psy­cho­lo­gie nais­sante et pas du tout du milieu ensei­gnant. Elles vont se main­te­nir pen­dant 70 ans pour trai­ter la grande dif­fi­cul­té scolaire.

Des éta­blis­se­ments spé­cia­li­sés avec des écoles séparées

La Loi de 1975 va pour la pre­mière fois géné­ra­li­ser l’éducation des enfants han­di­ca­pé-e‑s. La géné­ra­li­sa­tion de la sco­la­ri­sa­tion vien­dra bien plus tard, à par­tir des struc­tures IME/​IMPro qui se mul­ti­plient dans les années 70. Dans ces éta­blis­se­ments, le but est de pré­pa­rer à la vie pro­fes­sion­nelle en Centre d’Aide par le Travail (CAT), struc­tures mises en place au départ grâce à l’activité des asso­cia­tions de parents. Pour les familles, la loi de 1975 consti­tue une recon­nais­sance de 25 années d’activités des asso­cia­tions de parents d’enfants han­di­ca­pé-e‑s. L’invention du CAT va dic­ter les conte­nus d’une « édu­ca­tion spé­cia­li­sée » et ce qui doit être ensei­gné à ces élèves par­ti­cu­lier-e‑s quand on juge per­ti­nent d’en « faire des élèves ». De ce sys­tème qui ne met­tait pas la sco­la­ri­sa­tion au centre du pro­ces­sus édu­ca­tif sont nées des expé­riences d’intégration sco­laire en milieu ordi­naire. Grâce, sur­tout à l’activisme des asso­cia­tions de parents, des écoles puis des col­lèges vont s’ouvrir à des élèves qui doivent faire indi­vi­duel­le­ment la démons­tra­tion de leur capa­ci­té à être pré­sent-e‑s dans ces lieux ordi­naires. On par­le­ra alors d’intégration. Les SEGPA, nées en 1996 à la suite des CES et SES, sont aujourd’hui pro­fon­dé­ment modi­fiées par La Circulaire n°2015 – 176 du 28 octobre. Dans de nom­breux éta­blis­se­ments spé­cia­li­sés, on reste encore aujourd’hui sur ces mêmes logiques où le monde ordi­naire est appré­hen­dé comme un danger.

Les CLIS et la logique d’intégration

En 1992, les Classes d’Intégration Scolaire vont rem­pla­cer les classes de per­fec­tion­ne­ment. On va sor­tir les élèves des classes de per­fec­tion­ne­ment pour les mettre le plus sou­vent dans les classes ordi­naires et on va faire entrer dans l’école des enfants qui étaient jusqu’alors sco­la­ri­sé-e‑s en éta­blis­se­ment. Par glis­se­ments suc­ces­sifs on va sco­la­ri­ser en éta­blis­se­ment des enfants jusqu’alors non sco­la­ri­sé-e‑s qui étaient accueilli-e‑s en hôpi­tal psy­chia­trique. Les ensei­gnant-e‑s des écoles vont plu­tôt adhé­rer à cette trans­for­ma­tion même si les choses ne se déroulent pas par­tout de la même manière… Cette logique va s’étendre éga­le­ment aux col­lèges et dans cer­tains lycées pro­fes­sion­nels. Ce pro­ces­sus d’intégration va faire débat dans les éta­blis­se­ments spé­cia­li­sés et chez les pro­fes­sion­nel-le‑s concer­né-e‑s (édu­ca­teurs-trices spé­cia­li­sé-e‑s, chef-fe‑s de ser­vice, ensei­gnant-e‑s spé­cia­li­sé-e‑s, psy­cho­logues, psy­chiatres). Les éta­blis­se­ments spé­cia­li­sés vont ain­si par­ti­ci­per de manières dif­fé­ren­ciées à un pro­ces­sus qui inquiète autant qu’il n’interroge les iden­ti­tés professionnelles.

Dans les écoles et les col­lèges, les ensei­gnant-e‑s spé­cia­li­sé-e‑s de ces classes vont avoir pour charge de faire exis­ter des pro­ces­sus d’intégration sco­laire (des enfants à un moment de la jour­née dans des classes ordi­naires, des pro­jets entre des classes de l’école ou du col­lège et tout ou par­tie de la CLIS etc.). Des ensei­gnant-e‑s du secon­daire vont éga­le­ment s’impliquer dans ces mon­tages péda­go­giques. Les réa­li­tés vont être très dif­fé­rentes d’une école à une autre, d’un dépar­te­ment à un autre sui­vant le dyna­misme ins­ti­tu­tion­nel, pro­fes­sion­nel, syn­di­cal et asso­cia­tif.
Entre 1998 et 2004 l’intégration indi­vi­duelle dans le pre­mier degré passe de 27 900 à 58 812, elle passe à 70 100 à la ren­trée 2007. Dans le secon­daire, de 24 588 élèves intégré·e·s à la ren­trée 2004, on passe à 40 700 à la ren­trée 2007. De 200 élèves en UPI (col­lège) à la ren­trée 1998 on pas­sait à 5 988 à la ren­trée 2004 mon­trant ain­si que la ques­tion de la sco­la­ri­sa­tion en milieu ordi­naire se pose aus­si dans l’enseignement secon­daire.
La loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la par­ti­ci­pa­tion et la citoyen­ne­té des per­sonnes han­di­ca­pées va accé­lé­rer le pro­ces­sus de sco­la­ri­sa­tion des élèves por­teur-euse‑s de han­di­cap en milieu sco­laire ordi­naire même si cela est sou­vent une sco­la­ri­sa­tion en classe spé­cia­li­sée à l’intérieur d’un éta­blis­se­ment ordi­naire et si la notion de han­di­cap s’est élar­gie. Cette sco­la­ri­sa­tion a aug­men­té de 80% en neuf ans. Dans le second degré, les effec­tifs ont été mul­ti­pliés par 2,7. A la ren­trée 2015, 350 300 enfants ou ado­les­cent-e‑s en situa­tion de han­di­cap étaient sco­la­ri­sé-e‑s et 80 % d’entre eux et elles l’étaient en milieu ordi­naire, dans une école, un col­lège ou un lycée.

Vers l’école inclusive

Aujourd’hui le minis­tère nous parle d’école inclu­sive et les CLIS sont deve­nues des Unités Localisées d’Inclusion Scolaire (ULIS). L’école inclu­sive est une école qui s’adapte aux élèves dont les besoins édu­ca­tifs sont par­ti­cu­liers. Dit comme cela c’est un chan­ge­ment de para­digme. Nous sor­ti­rions de la caté­go­rie géné­rale de « nor­ma­li­sa­tion » et de ses mul­tiples varia­tions (adap­ta­tion, réadap­ta­tion, réédu­ca­tion, redres­se­ment, réin­té­gra­tion, répa­ra­tion, inté­gra­tion) qui valident la dif­fé­rence pour entrer dans un pro­ces­sus pra­tique qui relève de l’égalité. L’école inclu­sive concer­ne­rait ain­si des publics sco­laires plus larges que les seul-e‑s élèves por­teur-eus-es de han­di­cap. On recon­naît d’abord l’humanité et donc l’égalité et c’est ensuite aux ins­ti­tu­tions de consi­dé­rer pour elles-mêmes l’adaptation aux besoins par­ti­cu­liers. Les béné­fices d’une telle école se feraient sen­tir aus­si bien aux élèves concer­né-e‑s qu’à la classe entière qui pour­rait déve­lop­per ain­si des pra­tiques ‑d’entraide et de coopération‑, des rela­tions ‑sor­tant des cadres de la logique de la per­for­mance : pro­duc­tion et compétition‑, des ques­tion­ne­ments enri­chis­sants ‑sur l’idée de norme tout par­ti­cu­liè­re­ment-. Le tra­vail des ensei­gnant-e‑s devrait donc logi­que­ment s’en trou­ver amé­lio­ré et enri­chi. Cette visée huma­niste peut être consi­dé­rée comme un pas impor­tant vers une reven­di­ca­tion fon­da­men­tale de SUD édu­ca­tion : l’école pour tou-te‑s.
Il reste que les en sei­gnant-e‑s pointent d’importantes dif­fi­cul­tés por­tant sur ces caté­go­ries d’élèves « pas ordi­naires ». Nombre de ces élèves ont des besoins qui ne sont pas seule­ment sco­laires et, de ce fait, le tra­vail plu­ri­dis­ci­pli­naire et l’appui des dis­po­si­tifs spé­cia­li­sés est plus que néces­saire. Aujourd’hui, la soli­tude génère une souf­france qui incite cer­tain-e‑s col­lègues à envi­sa­ger la sco­la­ri­sa­tion de cer­tain-e‑s enfants comme une dégra­da­tion sup­plé­men­taire de leurs condi­tions de tra­vail. De même, les condi­tions actuelles d’inclusion génèrent par­fois de la souf­france pour les élèves.
Pour nous, il n’est pas ques­tion de condam­ner cette concep­tion inclu­sive de l’école pour sur­fer syn­di­ca­le­ment ‑comme d’autres l’ont fait- sur les dif­fi­cul­tés réelles de nombre de per­son­nels. Il n’est pas ques­tion de pré­tendre que ces élèves, pas faciles à prendre en charge seraient mieux à « leur place » en éta­blis­se­ment spé­cia­li­sé, tout sim­ple­ment parce que nous ne le pen­sons pas et que pour la plu­part de ces enfants ce n’est pas vrai. Reste la situa­tion par­ti­cu­lière des élèves dan­ge­reux-euses pour elles/​eux ou pour les autres.
Bien au-delà du han­di­cap, l’école inclu­sive est le moyen de repen­ser l’école dans le sens d’une école démo­cra­tique c’est-à-dire une école de l’égalité des droits, une école où per­sonne n’a à faire la preuve de sa capa­ci­té à être là. Pendant long­temps, ces élèves différent·e·s ont été sco­la­ri­sé-e‑s entre eux et elles dans des struc­tures dif­fé­rentes sans que per­sonne ne puisse jamais faire la démons­tra­tion que c’était mieux pour eux et elles. On consi­dé­rait sur­tout que c’était mieux pour les autres de ne pas être per­tur­bés par ces « trop mal appre­nant-e‑s ». Ceci étant, si la ques­tion du han­di­cap est très consen­suelle poli­ti­que­ment, celle de la sco­la­ri­sa­tion des « sau­va­geon-ne‑s » voire des « fou-lle‑s » l’est beau­coup moins.
L’école inclu­sive n’est pas la néga­tion du han­di­cap, elle est plu­tôt la recon­nais­sance d’une com­mu­nau­té de tou-te‑s les élèves mal­gré le han­di­cap. Et elle ne signi­fie pas non plus la fer­me­ture des éta­blis­se­ments spé­cia­li­sés et des dif­fé­rents dis­po­si­tifs mis en place dans les écoles, les col­lèges et les lycées. Au contraire, nous vou­lons affir­mer ici que tous les dis­po­si­tifs spé­cia­li­sés et leurs per­son­nels doivent être mis au ser­vice d’une école capable de prendre en charge le maxi­mum d’élèves dans leur diversité.

Un para­digme sans moyens, la pré­ca­ri­té comme seule nouveauté

Si cette nou­velle réa­li­té témoigne de jolies réus­sites, aus­si bien pour ces élèves à besoins édu­ca­tifs par­ti­cu­liers que pour les autres élèves qui ne vivent peut être plus les pre­mier-e‑s comme des « monstres cachés », il reste que la réa­li­té du tra­vail dans ces dif­fé­rents dis­po­si­tifs n’est pas sans pro­blème, faute d’avoir déve­lop­pé des moyens adé­quats. L’éducation natio­nale prône la mise en place d’une poli­tique et comme sou­vent c’est elle qui entrave sa mise en place dans des condi­tions cor­rectes. Ainsi on voit par exemple les effec­tifs d’élèves aug­men­ter en ULIS année après année dans de nom­breux dépar­te­ments.
Dans les ins­pec­tions aca­dé­miques, les rec­to­rats, au minis­tère on se féli­cite à bon compte des chiffres qui montrent une sco­la­ri­sa­tion mas­sive des enfants por­teur-se‑s de han­di­cap en milieu ordi­naire. Cependant cette « révo­lu­tion cultu­relle » ne s’accompagne d’aucune remise en cause du reste de la struc­ture édu­ca­tive et les ensei­gnant-e‑s concer­né-e‑s par ces sco­la­ri­sa­tions ont le devoir de sup­por­ter, le plus sou­vent seul-e‑s, toutes les contra­dic­tions du sys­tème.
A elles et à eux de réa­li­ser ce que l’on attend d’eux et d’elles sans jamais le leur avoir expli­qué : 900 000 heures de for­ma­tion conti­nue ont été consa­crées à une réforme des col­lèges que les per­son­nels refu­saient majo­ri­tai­re­ment. Pour le pré­ten­du nou­veau para­digme de l’école inclu­sive : rien.
Pour mul­ti­plier les inté­gra­tions indi­vi­duelles et mettre sur cela l’étiquette d’une école inclu­sive, l’éducation natio­nale a créé de « nou­veaux métiers », les assis­tant-e‑s de vie sco­laire. Devenus AESH (Aide aux Elèves en Situation de Handicap), ils et elles res­tent des sala­rié-e‑s pré­caires, avec peu de for­ma­tion et sans pers­pec­tive d’emploi stable et avec un salaire indigne. La loi de 1975 avait mul­ti­plié les créa­tions d’emplois d’éducateur-trice‑s spé­cia­li­sé-e‑s, la loi de 2005 mul­ti­plie les emplois pré­caires pour une évo­lu­tion du sys­tème édu­ca­tif jugée par ailleurs fon­da­men­tale. Dix ans plus tard 5 000 AVS seule­ment sur plus de 82 000 ont obte­nu un CDI et pour l’énorme majo­ri­té d’entre eux et d’elles ce contrat est à temps par­tiel. Au fil des trans­for­ma­tions de cet emploi le nombre d’élèves à accom­pa­gner a aug­men­té, ce qui dégrade le sui­vi et les condi­tions de tra­vail. Enfin, beau­coup d’élèves risquent de se retrou­ver sans accom­pa­gne­ment car les délais pour dépo­ser les dos­siers MDPH ont été revus à la baisse alors qu’on sait que cer­tain-e‑s élèves sont repé­ré-e‑s en cours d’année, et cela s’accentue encore avec les 20 000 sup­pres­sions de contrats aidés qui touchent for­cé­ment cer­tains postes d’AVS.
Il est éga­le­ment impen­sable de ne pas revoir dans un pre­mier temps les effec­tifs dans les classes ordi­naires qui accueillent ces élèves. La dégra­da­tion conti­nue des condi­tions de tra­vail et ce, depuis des années, fait que la « goutte d’eau » qui fait débor­der les col­lègues, c’est sou­vent l’élève de plus, l’élève en dif­fi­cul­té, l’élève agité‑e et non la véri­table cause, à savoir la pres­sion accrue des injonc­tions inte­nables. La cir­cu­laire SEGPA du 28 octobre 2015, mise en place en 6ème sans aucun cadrage natio­nal ni dépar­te­men­tal, génère une grande souf­france au tra­vail des élèves, des PE-ASH et des PLC non for­mé-e‑s, face à une dif­fé­ren­cia­tion ren­due impos­sible par les effec­tifs et le manque de moyens horaires. Elle entraîne aus­si un accrois­se­ment du temps de tra­vail par les concer­ta­tions sans aucune contre­par­tie horaire au motif qu’elles font par­tie des nou­velles mis­sions. Or, que l’administration compte sur le seul don de soi et la culpa­bi­li­sa­tion des ensei­gnant-e‑s, c’est dégueu­lasse.
Bien au-delà du han­di­cap, l’école inclu­sive est un moyen de repen­ser l’école pour qu’elle devienne réel­le­ment démo­cra­tique et éga­li­taire. Cela passe par des condi­tions qui sont pour SUD édu­ca­tion autant de reven­di­ca­tions :
• Pour que l’École Publique se dote de struc­tures adap­tées (locaux, per­son­nels et fonc­tion­ne­ment) pour l’accueil et le sui­vi de tou-te‑s les élèves.
• Pour que l’éducation natio­nale recrute des per­son­nels spé­cia­li­sés (édu­ca­teur-tri­ce‑s, psy­cho­logues, méde­cins, infir­mier-ère‑s, assis­tant-e‑s sociaux-ales, psy­chiatres, ortho­pho­nistes, per­son­nels accom­pa­gnants…).
• Pour que les ensei­gnantes et ensei­gnants spé­cia­li­sé-e‑s soient plus nom­breux-ses, per­met­tant, entre autres, le redé­ploie­ment de RASED com­plets par­tout en nombre suf­fi­sant.
• Pour l’arrêt des recru­te­ments de sala­riés pré­caires et la titu­la­ri­sa­tion en qua­li­té de fonc­tion­naire et la for­ma­tion des per­son­nels déjà employés sur des emplois d’éducateur-trice‑s spé­cia­li­sé-e‑s avec un sta­tut de fonc­tion­naire d’Etat.
• Pour la titu­la­ri­sa­tion immé­diate sans condi­tion de concours et de natio­na­li­té de tou-te‑s les tra­vailleur-e‑s pré­caires et l’arrêt des recru­te­ments en contrat pré­caire.
• Pour la réduc­tion des effec­tifs d’élèves dans toutes les classes avec la prise en compte des élèves d’ULIS sco­la­ri­sé-e‑s en classe ordi­naire et le main­tien d’un équi­libre entre élèves en situa­tion de han­di­cap et les autres pour évi­ter les classes spé­cia­li­sées.
• Pour la recons­truc­tion d’une véri­table for­ma­tion conti­nue sur le temps de ser­vice pre­nant en compte la spé­ci­fi­ci­té des élèves à besoins par­ti­cu­liers.
• Pour des moments régu­liers d’analyse des pra­tiques dans un cadre plu­ri­dis­ci­pli­naire.
• Pour la prise en compte dans le ser­vice du temps sup­plé­men­taire consa­cré au sui­vi des élèves, notam­ment celles/​ceux à besoins par­ti­cu­liers.
• Pour la for­ma­tion dès l’ESPE des futur-e‑s ensei­gnant-e‑s aux pra­tiques péda­go­giques favo­rables à l’école inclu­sive.
• Pour un temps de concer­ta­tion entre pro­fes­sion­nel-le‑s concer­né-e‑s inté­gré au temps de ser­vice.
• Pour la gra­tui­té aux familles de tous les soins liés à une situa­tion de han­di­cap, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’école.

Conditions de travail : comment agir à partir de notre réalité syndicale ?

Notre tra­vail mili­tant quo­ti­dien montre que la dégra­da­tion des condi­tions de tra­vail et la ques­tion de la san­té au tra­vail sont une réa­li­té à prendre en charge syn­di­ca­le­ment. Cette prise en charge s’inscrit donc dans une his­toire récente dans laquelle l’Union syn­di­cale Solidaires et la fédé­ra­tion ont pris toute leur place.

Bilan de nos orien­ta­tions et constats

Agir sur les condi­tions de tra­vail des per­son­nels est une orien­ta­tion constante de la fédé­ra­tion depuis le congrès de 2009. Notre poli­tique de for­ma­tion per­met aux équipes mili­tantes de s’approprier des pra­tiques et outils pour la défense et l’amélioration des condi­tions de tra­vail. Les ques­tions de condi­tions de tra­vail, de rap­port au tra­vail et de san­té au tra­vail doivent être mises au centre des débats par nos actions et reven­di­ca­tions par tous les syn­di­cats. Dans un contexte défa­vo­rable au pro­grès social, cela doit per­mettre aux syn­di­cats d’établir un rap­port de force face à l’employeur.
Sur le ter­rain, nous consta­tons deux écueils : un refus fré­quent de la part des employeurs à appli­quer les textes de loi favo­rables aux per­son­nels. Et sur­tout, les récentes réformes légis­la­tives tant dans le public que le pri­vé ont ten­dance à réduire les pro­tec­tions envers les sala­rié-e‑s. Cependant, en quelques années les per­son­nels for­més ont pris conscience de leurs droits et se sont empa­rés de nos moyens d’actions. L’employeur ne peut plus balayer d’un revers de main un cer­tain nombre de leurs demandes mais per­siste à tout mettre en œuvre pour évi­ter de se confor­mer à ses obligations.
La mise en lumière des man­que­ments de l’employeur a pro­vo­qué un dur­cis­se­ment de sa pos­ture et des entraves mul­tiples. A cela peuvent s’ajouter, selon les situa­tions locales, le refus des autres orga­ni­sa­tions syn­di­cales d’entrer en conflit avec l’administration. Notre faible pré­sence en CHSCT ne nous per­met pas d’y intro­duire notre vision de ces CHSCT comme ter­rain de lutte. Sur ces sujets, peu de com­bats inter­syn­di­caux existent. Et si en cer­tains endroits nous par­ve­nons à enga­ger ce rap­port de force et à rem­por­ter des luttes, le résul­tat aux pro­chaines élec­tions pro­fes­sion­nelles sera déter­mi­nant pour géné­ra­li­ser cette lutte.
Dans le champ des risques pro­fes­sion­nels, qu’ils soient maté­riels, envi­ron­ne­men­taux ou orga­ni­sa­tion­nels (psy­cho­so­ciaux en nov­langue mana­gé­riale), l’employeur tente de se délier de sa res­pon­sa­bi­li­té à divers degrés : la pré­ven­tion des risques orga­ni­sa­tion­nels, liés au radon ou à l’amiante en sont de bonnes illus­tra­tions. Il demeure com­pli­qué de contraindre l’employeur à assu­mer sa res­pon­sa­bi­li­té et son obli­ga­tion de résul­tat. Cet obs­tacle est ren­for­cé par nos dif­fi­cul­tés à coor­don­ner et mutua­li­ser nos actions et mener des cam­pagnes mas­sives impli­quant les per­son­nels et les usa­ger-e‑s.
Plus encore, face à notre déter­mi­na­tion et au défaut d’implication de l’intersyndicale, l’employeur inten­si­fie la répres­sion à l’encontre de nos mili­tant-e‑s : écrits à charge dans les registres, pres­sions sur les postes et affec­ta­tions, man­que­ments répé­tés au droit des per­son­nels et au droit syn­di­cal… Autant d’exemples qui nous imposent une vigi­lance constante et une riposte col­lec­tive coor­don­née au niveau fédé­ral, afin de mutua­li­ser nos res­sources et d’éviter l’épuisement mili­tant local.

Quels moyens de lutte et de mobi­li­sa­tion pour la défense et l’amélioration des condi­tions de travail ?

La mul­ti­pli­ci­té des attaques de l’employeur impose de pen­ser et repen­ser nos pra­tiques syn­di­cales internes et envers les per­son­nels. Engager sys­té­ma­ti­que­ment le pas­sage de l’individuel au col­lec­tif à tra­vers la com­mu­ni­ca­tion, les pra­tiques d’enquête-action, l’investissement dans Solidaires (for­ma­tions, com­mis­sions…), la for­ma­tion locale et fédé­rale, s’impose à nous, tout comme défi­nir des actions concer­tées et des cam­pagnes fédé­rales. Cela doit per­mettre de remo­bi­li­ser les per­son­nels autour des condi­tions de tra­vail pour les ame­ner pro­gres­si­ve­ment vers la grève construite à par­tir de leur réa­li­té de terrain.

Les pra­tiques d’enquête-action
Nous nous fixons l’objectif de déve­lop­per l’autogestion dans le champ des condi­tions de tra­vail. Pour ce faire, (re)créer des espaces col­lec­tifs de dis­cus­sion per­met aux per­son­nels de construire les luttes. Ils et elles doivent être en mesure, avec l’action du syn­di­cat, d’analyser leurs condi­tions de tra­vail pour se mettre en action. Expert-e‑s de leur tra­vail, ce sont les plus à même d’en poin­ter les dys­fonc­tion­ne­ments. L’action syn­di­cale doit alors être repen­sée pour per­mettre aux per­son­nels de s’emparer de leur pou­voir d’agir. L’enjeu consiste à inter­ro­ger le tra­vail avec les per­son­nels, à le mettre en mots sans pla­quer d’analyse pré-éta­blie, tout en construi­sant les luttes avec les per­son­nels en par­ta­geant avec eux nos orien­ta­tions. Les équipes peuvent s’appuyer sur l’expérience de Solidaires pour déve­lop­per ces pra­tiques d’enquête-action qui per­mettent aux per­son­nels de s’émanciper, de s’engager dans l’action col­lec­tive et de tendre vers leur propre auto­ges­tion des luttes.

Former les tra­vailleurs-euses et déve­lop­per le militantisme
Dans un contexte de désyn­di­ca­li­sa­tion mas­sive sur nos lieux de tra­vail, la for­ma­tion de mili­tant-e‑s de ter­rain au fait des débats, enjeux et outils, est plus que jamais néces­saire pour per­mettre une dif­fu­sion de nos orien­ta­tions et enga­ger les luttes. Notre for­ma­tion mili­tante doit se nour­rir des for­ma­tions Solidaires et fédé­rales autant que des for­ma­tions locales où le ter­rain aide à repen­ser constam­ment nos pratiques.
La for­ma­tion locale à des­ti­na­tion des per­son­nels leur per­met de s’emparer de leur pou­voir d’agir, de connaître leurs droits et de par­ta­ger nos orien­ta­tions et ana­lyses. Elle vise une réap­pro­pria­tion des espaces col­lec­tifs où mettre le tra­vail et les condi­tions de tra­vail en débat. Cette for­ma­tion locale peut être ouverte ou interne afin de favo­ri­ser l’investissement col­lec­tif. Ces stages doivent nous faire réflé­chir sur notre « conscience pro­fes­sion­nelle » qui empêche sou­vent les col­lègues de faire grève ou de prendre des auto­ri­sa­tions d’absence pour ne pas nuire à leur « mis­sion » de ser­vice public. Ils doivent aus­si aider à refu­ser ce que l’institution sou­haite nous imposer.
Les for­ma­tions fédé­rales et Solidaires à des­ti­na­tion des équipes mili­tantes per­mettent d’acquérir le bagage théo­rique, poli­tique et tech­nique néces­saire pour mettre en œuvre des pra­tiques militantes.
L’investissement dans les jour­nées d’étude « Et voi­là le tra­vail !” et les for­ma­tions de for­ma­teurs-trices de Solidaires per­mettent d’être au fait des débats constants et des recherches les plus récentes sur ces sujets pour déployer les for­ma­tions précédentes.

Le tra­vail en inter­syn­di­cale et ses limites
Nos équipes butent fré­quem­ment sur la dif­fi­cul­té à mettre en œuvre des stra­té­gies inter­syn­di­cales. Les posi­tion­ne­ments et publi­ca­tions d’autres orga­ni­sa­tions syn­di­cales vont jusqu’à igno­rer l’état du droit ou reprennent à leur compte les ana­lyses de l’employeur. Ces expres­sions rendent nos ana­lyses déto­nantes et sont de nature à dis­sua­der les per­son­nels d’utiliser les outils à leur dis­po­si­tion, ce qui contient leur portée.
Échanger constam­ment avec les per­son­nels pour rendre visibles leurs attentes et leurs reven­di­ca­tions sur le plan indi­vi­duel et col­lec­tif est un moyen d’amener les autres orga­ni­sa­tions à s’impliquer davan­tage. Lorsque les autres orga­ni­sa­tions syn­di­cales refusent a mini­ma la stricte appli­ca­tion du droit par exemple, il nous appar­tient de prendre nos res­pon­sa­bi­li­tés. Questionner l’intersyndicale, rompre avec celle-ci si besoin, et agir seul-e‑s s’avère alors néces­saire. Maintenir l’échange avec les per­son­nels, déci­der col­lec­ti­ve­ment en Assemblée Générale de per­son­nels des reven­di­ca­tions à por­ter auprès de l’employeur et à com­mu­ni­quer publi­que­ment sont alors des leviers pri­mor­diaux. Tout cela met­tra en évi­dence les contra­dic­tions d’autres orga­ni­sa­tions syn­di­cales et ser­vi­ra de levier pour les ame­ner à agir en sou­tien des per­son­nels, sans quoi elles s’exposent à se discréditer.

Consolider les droits des tra­vailleurs-euses et en conqué­rir de nouveaux

SUD édu­ca­tion ne peut tran­si­ger sur la stricte appli­ca­tion des droits exis­tants qui garan­tissent une pro­tec­tion mini­male aux per­son­nels. La fédé­ra­tion doit se don­ner tous les moyens d’y par­ve­nir, y com­pris par l’action juri­dique. Pensés dans un cadre col­lec­tif, le conten­tieux ou la menace de conten­tieux sont des outils pour contraindre l’employeur à res­pec­ter ses obli­ga­tions et appli­quer le droit. Cette construc­tion juris­pru­den­tielle per­met de résor­ber l’écart qui sépare la fonc­tion publique du sec­teur pri­vé en matière de droits favo­rables aux per­son­nels. S’appuyer sur les juris­pru­dences locales et natio­nales et en obte­nir de nou­velles est dans ce cas, pri­mor­dial. Mener des cam­pagnes fédé­rales et des actions concer­tées per­met d’étendre ces juris­pru­dences obte­nues loca­le­ment. Communiquer lar­ge­ment sur l’ensemble des actions entre­prises est nécessaire.

Mutualiser nos actions et agir de façon concertée
L’action col­lec­tive et soli­daire est notre force. Coordonnons nos actions de lutte et de défense concer­nant les condi­tions de tra­vail des per­son­nels et la répres­sion exer­cée contre les mili­tant-e‑s : grèves et luttes locales sur des thèmes simi­laires, cam­pagnes fédé­rales, actions com­munes à l’échelle nationale…
Dans le champ juri­dique, dif­fu­sons les juris­pru­dences auprès des syn­di­cats de la fédé­ra­tion et de Solidaires. Mutualisons entre les syn­di­cats SUD édu­ca­tion, entre les fédé­ra­tions de Solidaires Fonction publique, les modèles de recours au conten­tieux, les contacts de mili­tant-e‑s syn­di­caux-ales res­sources au sein de SUD édu­ca­tion et Solidaires et de juristes spé­cia­listes du droit public.

Communiquer pour faire-savoir
L’employeur ne peut pas tou­jours conser­ver sa pos­ture interne sur la place publique. Il en va de même avec les inter­syn­di­cales. Ce sont autant de rai­sons de dif­fu­ser nos luttes et nos reven­di­ca­tions via le recours et l’instrumentalisation de la com­mu­ni­ca­tion publique et à des­ti­na­tion des per­son­nels (tracts, com­mu­ni­qués, jour­naux, listes de dif­fu­sion sur les mes­sa­ge­ries pro­fes­sion­nelles, sites, publi­ca­tions…). La fédé­ra­tion doit se don­ner les moyens de for­mer ses mili­tant-e‑s à l’utilisation de ces outils.
Travaillons avec Solidaires pour faci­li­ter le relais média­tique. À l’instar des risques envi­ron­ne­men­taux, la mise sur la place publique per­met d’infléchir le rap­port de force en faveur des sala­rié-e‑s.

Construire le rap­port de force, construire la grève
L’utilisation des outils mili­tants, ins­ti­tu­tion­nels, juri­diques et média­tiques ne suf­fit pas tou­jours, même à l’échelle locale. Nous devons sans cesse rap­pe­ler que pour faire res­pec­ter nos droits, en conqué­rir de nou­veaux, amé­lio­rer nos condi­tions de tra­vail, il est néces­saire de créer le rap­port de force par nos mobi­li­sa­tions et que la grève reste notre ins­tru­ment prin­ci­pal de lutte. Les dif­fé­rents moyens d’action ne s’opposent pas, ils se ren­forcent au contraire les uns les autres en créant du collectif.

Perspectives d’actions à l’échelle de la fédération
La fédé­ra­tion s’engage à :
• relan­cer la cam­pagne de visites médi­cales pour dénon­cer la carence de moyens dans les ser­vices de méde­cine de pré­ven­tion en s’appuyant sur la juris­pru­dence obte­nue par SUD édu­ca­tion Vendée.
• pro­vo­quer une mul­ti­pli­ca­tion des luttes locales coor­don­nées sur les risques orga­ni­sa­tion­nels : poin­ter la res­pon­sa­bi­li­té de l’employeur, outiller les per­son­nels, bri­ser le huis-clos en fai­sant savoir, user de décla­ra­tions com­munes, de com­mu­ni­qués. Contraignons l’employeur à modi­fier l’organisation du tra­vail par tous les moyens : enquête-action, droit de retrait et pro­tec­tion fonc­tion­nelle, dan­ger grave et immi­nent, Registre Santé et Sécurité au Travail, action juri­dique, et bien sûr la grève.
• impo­ser la prise en charge réelle des risques envi­ron­ne­men­taux par l’employeur : obli­geons-le à pro­cé­der aux mesures et à en infor­mer les per­son­nels et les usa­ger-e‑s. Contraignons l’employeur et les col­lec­ti­vi­tés locales à pro­cé­der aux éva­cua­tions et aux tra­vaux qui s’imposent, exi­geons la pro­duc­tion de fiches d’exposition aux risques pro­fes­sion­nels et reven­di­quons la recon­nais­sance en mala­die pro­fes­sion­nelle des atteintes à la san­té constatées.
• par­ti­ci­per plei­ne­ment aux cam­pagnes menées sur ces thèmes par Solidaires (exemple : cam­pagne TMS « on en a plein le dos »).

Défendre l’école publique face aux nouvelles offensives libérales et réactionnaires

Durant les gou­ver­ne­ments pré­cé­dents, l’offensive des capi­ta­listes contre les ser­vices publics avait connu un cer­tain nombre de conti­nui­tés : aus­té­ri­té bud­gé­taire, trans­ferts d’argent vers les entre­prises, mana­ge­ment, ter­ri­to­ria­li­sa­tion. Si elle a connu des inflexions durant le der­nier quin­quen­nat, ce n’était que dans l’enrobage : valo­ri­sa­tion d’un dia­logue social illu­soire, d’une par­ti­ci­pa­tion – ver­rouillée – des per­son­nels et des usa­ger-e‑s et, dans notre sec­teur, d’une péda­go­gie lar­ge­ment four­voyée. Ces paquets cadeaux ont per­mis de satis­faire – sinon de ber­ner – une par­tie des per­son­nels et des orga­ni­sa­tions syn­di­cales et péda­go­giques. Pourtant, nombre de per­son­nels ont lar­ge­ment par­ta­gé le constat amer de la dés­illu­sion.
Aujourd’hui, avec Macron, on assiste à une recom­po­si­tion des forces capi­ta­listes : l’alliance des poli­tiques de la social-démo­cra­tie et l’héritage ultra-libé­ral et réac­tion­naire de la droite. Sa poli­tique édu­ca­tive en est le reflet. On peut tirer un pre­mier bilan du gou­ver­ne­ment en matière de poli­tique édu­ca­tive, et poser les axes sur les­quels fon­der notre résis­tance à cette casse géné­ra­li­sée et notre com­bat pour une autre école, une autre société.

C’est ain­si que nous avons aujourd’hui un Ministère de l’Éducation natio­nale (MEN) qui est à la fois libé­ral sans fard et réac­tion­naire sans com­plexe. Libéral, car le pro­jet de déman­tè­le­ment du ser­vice public d’éducation se pour­suit, à tra­vers au moins deux axes : l’autonomie géné­ra­li­sée des éta­blis­se­ments et des ter­ri­toires, et la pour­suite de l’austérité bud­gé­taire. Réactionnaire, car cette offen­sive capi­ta­liste, à la dif­fé­rence du man­dat pré­cé­dent, ne s’embarrasse pas d’une phra­séo­lo­gie pro­gres­siste – elle assume le rejet du « péda­go­gisme », le retour au B‑A BA, et est adou­bée par SOS Éducation1. Petit état des lieux sec­teur par secteur.

Dans le pre­mier degré :

Les « CP à 12 » sont déjà mis en place depuis sep­tembre 2017 dans les CP de REP+, sans créa­tion de postes mais en « redé­ployant » les maîtres-se‑s sup ou des bri­gades, dans une logique d’austérité. Imposer arbi­trai­re­ment une struc­ture allant à l’encontre des déci­sions sou­ve­raines du conseil des maîtres-se‑s témoigne du peu d’intérêt du gou­ver­ne­ment pour les élèves comme pour le tra­vail des ensei­gnant-e‑s mis en place ces der­nières années, notam­ment avec les PDMQDC (« plus de maîtres-se‑s que de classes »). Nos élèves sont déjà sou­mis-e‑s à une énorme pres­sion de « réus­site ». L’objectif « 100 % de réus­site en CP » et ces réformes qui en découlent ne font que l’accroître, tout comme le retour du redou­ble­ment et les stages de « réus­site » (encore ! ) pour les CM2, ain­si que le retour des éva­lua­tions natio­nales en CP. Quant aux rythmes sco­laires, le décret du 27 juin 2017 n’abroge pas la réforme de 2014 mais per­met des déro­ga­tions locales : cette paro­die de consen­sus local, dans laquelle seule l’autorité aca­dé­mique a le der­nier mot et les « impé­ra­tifs finan­ciers » sont déter­mi­nants, ne fait que ren­for­cer les inéga­li­tés entre les com­munes et la dyna­mique de ter­ri­to­ria­li­sa­tion à l’œuvre. Les com­munes sont de fait de plus en plus déci­sion­naires quant à l’organisation de l’école.

Dans le second degré :

La réforme du col­lège, que nous avons com­bat­tue, a fait l’objet d’un détri­co­tage par l’arrêté du 18 juin 2017, qui n’a pas réduit les effets inéga­li­taires de la réforme mais a, au contraire, ren­for­cé l’autonomie des éta­blis­se­ments : pos­si­bi­li­té de mettre en œuvre ou non les EPI en res­pec­tant un mini­mum fixé dans l’arrêté, ren­for­ce­ment des bilangues dans une optique éli­tiste… La réforme du bac et du lycée est en conti­nui­té avec la géné­ra­li­sa­tion de la sélec­tion pour l’accès aux études supé­rieures, ren­for­çant le tri social. Avec un lycée « à la carte », les élèves seront ren­du-e‑s davan­tage indi­vi­duel­le­ment res­pon­sables de leurs par­cours. Dans l’organisation actuelle, l’extension du CCF ou du contrôle conti­nu au bac contri­bue à cas­ser sa valeur natio­nale. Cela s’inscrit dans le pro­jet de mettre fin aux diplômes, aux qua­li­fi­ca­tions et aux garan­ties collectives.

Dans les LP :

La voie pro­fes­sion­nelle sous sta­tut sco­laire risque de connaître une attaque sans pré­cé­dent. Patronat, gou­ver­ne­ment et régions ne cessent de la remettre en cause tout en pro­mou­vant et en finan­çant l’apprentissage. Le gou­ver­ne­ment entend régio­na­li­ser l’enseignement pro­fes­sion­nel afin de le pla­cer sous le contrôle des régions et des orga­ni­sa­tions patro­nales. Cette régio­na­li­sa­tion ampu­te­rait ain­si à l’Éducation natio­nale la voie pro­fes­sion­nelle dans laquelle est sco­la­ri­sé un tiers des lycéen-ne‑s. Les régions s’efforceront ain­si de réduire l’offre de for­ma­tion dans les lycées pro­fes­sion­nels, entraî­nant de fait une spé­cia­li­sa­tion des ter­ri­toires et donc des inéga­li­tés territoriales.

Pour les agent-e‑s des col­lec­ti­vi­tés :

Les condi­tions de tra­vail des agent-e‑s tech­niques du second degré sont très dif­fi­ciles et extrê­me­ment variables d’une col­lec­ti­vi­té à l’autre. Ces dif­fé­rences se sont accrues avec la fusion de cer­taines régions. Par ailleurs, les poli­tiques de rigueur bud­gé­taire dans les dépar­te­ments et les régions dété­riorent encore les condi­tions de tra­vail des agent-e‑s. La pré­ca­ri­sa­tion touche évi­dem­ment les agent-e‑s en ques­tion, et le recours aux CDD et CDI s’est accru, ain­si que le recours aux contrats aidés. Avec le gou­ver­ne­ment Macron, de nom­breux postes d’agent-e‑s en CUI sont sup­pri­més. Les pers­pec­tives sont assez trans­pa­rentes : déve­lop­pe­ment du trans­fert de ces mis­sions de ser­vice public vers la sous-trai­tance pri­vée, comme on le constate déjà dans cer­tains dépar­te­ments et d’autres ser­vices publics, comme l’hospitalier.

Dans l’Enseignement supé­rieur et la recherche (ESR) :

L’enseignement supé­rieur et la recherche sert de labo­ra­toire de l’école néo­li­bé­rale : les uni­ver­si­tés sont déjà « auto­nomes », c’est-à-dire contraintes de gérer seules leur fonc­tion­ne­ment et leur per­son­nel avec un finan­ce­ment public qui n’a pas varié depuis la mise en place de la loi LRU2 en 2007), ce qui les empêche ne serait-ce que de faire face au simple avan­ce­ment de car­rière des per­son­nels. Face à cela, les solu­tions pro­po­sées par le gou­ver­ne­ment Macron vont dans le sens d’une uni­ver­si­té tou­jours plus sélec­tive et éli­tiste, pen­dant que la pré­ca­ri­té aug­mente et que les entre­prises cen­sées faire de la recherche et déve­lop­pe­ment reçoivent un cadeau de près de six mil­liards d’euros en déduc­tions fis­cales (Crédit d’impôt recherche).
Dans cer­tains dépar­te­ments, la baisse démo­gra­phique sert de pré­texte à fusion­ner et/​ou fer­mer des écoles et éta­blis­se­ments, en ne se basant que sur des moyennes d’effectifs, sans pré­oc­cu­per des temps de tra­jets allon­gés, des mobi­li­tés fonc­tion­nelles ou géo­gra­phiques for­cées de per­son­nels. Ainsi, ce sont bien des éco­no­mies d’échelles qui sont réa­li­sées, bien sou­vent au pro­fit d’établissements et écoles pri­vés, au détri­ment du ser­vice public de proximité.

Dans tous les degrés, une vision réac­tion­naire de l’école :

C’est le MEN qui a été stra­té­gi­que­ment choi­si par Emmanuel Macron pour satis­faire la frange la plus réac­tion­naire de ses sou­tiens : le choix de Jean-Michel Blanquer, chantre de la fon­da­tion Espérance banlieue3 et dont la nomi­na­tion a été louée par SOS Éducation, n’est pas un hasard. Le voca­bu­laire choi­si par Blanquer et les orien­ta­tions péda­go­giques dévoi­lées dans les pro­jets de réforme des pro­grammes répondent aux dia­tribes des « réac-publi­cains »4 : retour du chro­no­lo­gique en his­toire (comme s’il avait dis­pa­ru), mais aus­si en fran­çais (qui, lui, n’est plus pra­ti­qué depuis 1945 !), retour à l’apprentissage des quatre opé­ra­tions de base dès le CP et CE1 au motif qu’il faut com­battre « cette fausse bien­veillance qui consiste à retar­der les appren­tis­sages »5…
Les logiques réac­tion­naires ayant leur cohé­rence, on peut s’inquiéter des mains ten­dues à dif­fé­rents groupes réac­tion­naires (les « humi­lié-e‑s de la manif pour tous ») en ce qui concerne le sexisme et les lgbt­pho­bies à l’école.

Le pré­sident Macron et son gou­ver­ne­ment mènent clai­re­ment une poli­tique de régres­sions sociales au pro­fit de la classe domi­nante. La fédé­ra­tion SUD édu­ca­tion doit être en pre­mière ligne des mobilisations.

Cela implique plu­sieurs choses. D’une part, la stra­té­gie, recon­duite de congrès en congrès, de construc­tion d’une uni­té syn­di­cale large autour des reven­di­ca­tions des sala­rié-e‑s, doit être pour­sui­vie. Cela implique de pour­suivre le tra­vail com­mun y com­pris avec des orga­ni­sa­tions dont nous ne par­ta­geons pas tou­jours les aspi­ra­tions en terme de pro­jet d’école ou de socié­té, ou en terme de stra­té­gie au sein du mou­ve­ment social. D’autre part, cela implique de pour­suivre notre tra­vail de péda­go­gie et d’explicitation de notre cor­pus reven­di­ca­tif – qu’il s’agisse des reven­di­ca­tions inter­mé­diaires ou des reven­di­ca­tions à long terme, propre à notre pro­jet d’école et de socié­té. En effet, por­ter un pro­jet d’école éga­li­taire, éman­ci­pa­teur et auto­ges­tion­naire est un véri­table défi dans la période actuelle et c’est par nos pra­tiques syn­di­cales et pro­fes­sion­nelles au quo­ti­dien que nous pour­rons faire avan­cer nos idées. Enfin, cela implique de ren­for­cer la cohé­rence et la capa­ci­té d’intervention de notre fédé­ra­tion, et donc sa capa­ci­té à mener des débats sereins, construc­tifs, dans le cadre d’instances démo­cra­tiques dont le sens et les fina­li­tés sont par­ta­gés par l’ensemble des syn­di­cats et des adhé­rent-e‑s.

La fédé­ra­tion SUD Éducation sait que son pro­jet d’école, éga­li­taire, éman­ci­pa­trice et auto­ges­tion­naire, aura des dif­fi­cul­tés à être audible dans un contexte de régres­sion sociale géné­ra­li­sée. En effet, dans la période actuelle, les dis­cours syn­di­caux les plus audibles auprès des col­lègues sont de deux ordres : repli sur la défense indi­vi­duelle d’une part, poli­tique réac­tion­naire et pas­séiste d’autre. Face au pre­mier, nous devons nous mon­trer capables de pro­mou­voir les luttes col­lec­tives comme seul rem­part effi­cace face aux attaques contre les droits sociaux et les ser­vices publics, tout en assu­mant nos rôles d’élu-e‑s du per­son­nel qui nous per­mettent d’aider et de ren­sei­gner les col­lègues. Face à la seconde, nous devons affir­mer que nous ne pou­vons nous satis­faire de l’école telle qu’elle est, dont le prin­cipe est de trier les élèves pour ali­men­ter la divi­sion capi­ta­liste du tra­vail. La fédé­ra­tion SUD édu­ca­tion décide de pour­suivre le tra­vail de construc­tion de col­lec­tifs pour des alter­na­tives péda­go­giques et sociales enga­gées lors du pré­cé­dent congrès, dans l’objectif de « pro­mou­voir le ras­sem­ble­ment des forces et mili­tant-e‑s qui portent un pro­jet éman­ci­pa­teur indis­so­cia­ble­ment social et péda­go­gique, pour faire entendre le plus lar­ge­ment pos­sible ces voix alter­na­tives, leur don­ner toute leur place dans le com­bat idéo­lo­gique et dans la construc­tion des mobi­li­sa­tions ». Enfin, notre fédé­ra­tion dis­pose d’un cor­pus d’analyse ori­gi­nal, sérieux et étayé des pres­sions réac­tion­naires de toutes sortes qui pèsent sur l’éducation, et qui prennent doré­na­vant corps : c’est le moment de le mobi­li­ser de toutes nos forces pour mon­trer qu’avec le rou­leau com­pres­seur capi­ta­liste avance une idéo­lo­gie réac­tion­naire incom­pa­tible avec le pro­grès social.

Pour mobi­li­ser les per­son­nels et plus lar­ge­ment celles et ceux qui sou­haitent défendre le ser­vice public laïque d’éducation, la fédé­ra­tion SUD Éducation por­te­ra des cam­pagnes sur les thèmes sui­vants :
• Discours réac­tion­naire sur l’école vs péda­go­gies éman­ci­pa­trices
• Arrêt du finan­ce­ment public des écoles pri­vées
• Autonomie, mana­ge­ment
• Baisse du nombre d’élèves par classe

Motions d’actualité

Le hui­tième congrès de la fédé­ra­tion des syn­di­cats SUD édu­ca­tion s’est tenu du 26 au 30 mars 2018 à Boulogne-sur-Mer.

Outre les textes d’orientations en débat dans ce congrès, les délégué‑e‑s ont adop­té plu­sieurs motions d’actualités.

Vous trou­ve­rez ci-des­sous la liste de ces motions, avec des liens pour en prendre connaissance.