D'après les chiffres du ministère de l'Éducation nationale, 430 000 enfants en situation de handicap sont scolarisé·es à l'école, dans le cadre de l'école inclusive; c'est une augmentation de 34% depuis ⋅ 2017. Cependant, force est de constater au quotidien que cette politique d'école inclusive est une vitrine, derrière laquelle les moyens mis en œuvre par le ministère sont insuffisants :
- les bâtiments sont globalement inaccessibles ou inadaptés,
- les personnels ne sont pas formé·es, ⋅
- le temps de concertation est insuffisant,
- les classes sont surchargées,
- les personnels AESH sont maintenu es dans la précarité et en nombre insuffisant, ⋅
- trop souvent, les élèves n'ont pas accès à l'accompagnement médico-social dont ils et elles ont besoin sur tous leurs lieux de vie.
Aujourd’hui, ce manque chronique de moyens génère une souffrance au travail qui incite certain·es collègues à envisager la scolarisation des enfants en situation de handicap comme une dégradation supplémentaire de leurs conditions de travail. De même, les conditions actuelles d’inclusion génèrent de la souffrance pour les élèves qui ne sont pas accompagné·es à la hauteur de leurs besoins et ne bénéficient pas des adaptations nécessaires. Les parents d'élèves handicapé·es continuent à mener un parcours du combattant pour les scolariser dans des conditions favorables.
Enseigner à tou·tes les élèves ne peut se faire sans au préalable avoir rendu possible l'aménagement de l'espace, l'organisation temporelle, l'intervention du médico-social et défini les objectifs d'apprentissage. L'administration, l'ARS et les collectivités territoriales doivent donner aux équipes, souvent laissées seules et culpabilisées, tous les moyens nécessaires à la réalisation concrète de ces moyens de compensation et d'accompagnement.
Plus généralement, rappelons que les personnes handicapées - enfants comme adultes - restent une population précarisée, invisibilisée, discriminée, victime de violences (maltraitances physiques, psychologiques, sexuelles). Les statistiques témoignent par exemple d'une sur-représentation des personnes handicapées parmi les victimes de violences sexuelles.
La loi de 1975 en faveur des personnes handicapées, dite "loi Veil", a fait reposer les politiques du handicap sur la mise en place d'établissements spécialisés confiés à des associations gestionnaires privées. Spécificité française : les associations gestionnaires mettent en œuvre et tirent profit du secteur du handicap. Ce choix était déjà dénoncé par des collectifs de personnes handicapées. Il aura fallu attendre 30 ans et la loi de 2005 pour que tous les enfants, y compris les enfants handicapé es, accèdent au droit à être scolarisés. Pour SUD éducation, dire "non à l'inclusion ⋅ systématique" c'est remettre en question le droit à l'accès de tous les enfants à l'école et constituerait une régression.
La loi de 2005 a permis incontestablement de scolariser et d'offrir progressivement un avenir à des milliers d'enfants et d'en finir avec un parcours ségrégué, qui conduisait au mieux à travailler en Esat, ces "établissements et services d'accompagnement par le travail", qui n'offrent pas le salaire minimum ni les droits définis par le Code du travail.
Aujourd'hui, environ 67 000 enfants sont accueilli·es en établissement médico-social ou hospitalier. ⋅ Le travail énorme accompli par les personnels, souvent dans des conditions difficiles, ne peut masquer le fait que la vision du handicap qui structure ces établissements est essentiellement médicale. En IME (instituts médico-éducatifs) et en IMP (institut médico-professionnel), les élèves ne bénéficient en moyenne que de 6h de cours par semaine. Pour un tiers d’entre elles et eux le temps scolaire ne dépasse pas une journée par semaine, voire une demi-journée. De nombreux collectifs militants antivalidistes (CUSE, Dévalideuses, CLHEE) s’appuient sur des rapports internationaux comme ceux de l’ONU pour revendiquer la fermeture des IME et des IMP et le transfert de leurs moyens et personnels dans le service public d’éducation. Les établissements eux-mêmes ont ces dernières années opéré des transformations en cherchant à mettre en place des parcours partagés et en fermant les internats.
Ces collectifs considèrent que les institutions telles que les IME ou les IMP relèvent d'un système ségrégatif qui exclut de facto les personnes handicapées de la vie sociale.
La persistance de ce fonctionnement du médico-social en France, contrairement à d'autres pays, maintient l'invisibilisation des personnes porteuses de handicap dans les milieux ordinaires (école, formation, emplois...) et dans la société en général. Mais il faut se rappeler que l'Éducation nationale, en ne scolarisant pas les élèves handicapé·es jusqu'à l'obligation qui lui a été imposée par la loi de 2005, a elle-même fortement contribué à cet état des choses. Le manque de moyens pour l'école inclusive et la violence institutionnelle qu'il peut générer fait des établissements spécialisés souvent un lieu refuge, au prix d'un parcours de vie ségrégué.
Se battre pour une école vraiment inclusive pour garantir le droit fondamental à la scolarité pour tous les enfants !
L’école inclusive offre une chance de repenser l’école dans le sens d’une école démocratique c'est-à-dire une école de l’égalité des droits, une école où personne n’a à faire la preuve de sa raison d'être là. C'est affirmer le principe d'éducabilité de toutes et tous. Pendant longtemps, les élèves considéré·es comme non-valides, et improductif/ves, ont été scolarisé·es entre eux et elles réduisant leur champ des possibles. On considérait que c’était mieux pour les autres de ne pas être perturbé·es par ces « trop mal apprenant·es », tout comme aujourd'hui les mesures annoncées du "choc des savoirs" cherchent à trier socialement les élèves.
L’école inclusive n’est pas la négation du handicap, elle est plutôt la reconnaissance d’une communauté de tou·tes les élèves malgré le handicap. Le passage de la logique de l'intégration à celle de l'inclusion, si elle est inscrite dans les textes officiels réglementaires, n'est pas réelle à l'heure actuelle, faute de volontés politiques et de moyens.
Affirmer le droit des élèves handicapés à être scolarisé·es ne revient pas à nier la nécessité de soins médicaux et d'accompagnements éducatifs. Les personnels sur le terrain savent que la réussite scolaire des élèves handicapé·es est le fruit d'un travail partagé entre l'école et le médico-social sur le modèle de ce qui se peut se faire avec les Sessad. Cet équilibre ne saurait se satisfaire d'un saupoudrage de moyens à la mode des Pials ou de l'acte II de l'école inclusive voulu par le gouvernement Macron. La dégradation du secteur médico-social depuis plusieurs années n'augure à ce sujet rien de bon, pas plus que les coupes budgétaires récentes. Nul doute que le gouvernement cherche avant tout à faire des économies au mépris de l'inclusion.
Or ce dont ont besoin les élèves à besoins particuliers c'est de services publics d'éducation et du médico-social forts.
Alors on fait comment ?
Pour SUD éducation, les élèves en situation de handicap ne doivent pas faire les frais du manque de moyens pour leur scolarisation : c'est à nous, personnels de l'Éducation nationale, de nous battre pour gagner les moyens de les accueillir. SUD éducation appelle les personnels à :
- se réunir pour lister les besoins dans l'école ou l'établissement scolaire : combien d'élèves ont une notification mais ne sont pas accompagné es ? Combien d'heures ⋅ d'accompagnement manque-t-il ? Les élèves en situation de handicap bénéficient-ils elles ⋅ de l'accompagnement médico-social dont ils elles ont besoin ? Avez-vous été informé·es ⋅ des adaptations à faire et avez-vous été formé·es ?
- écrire à votre hiérarchie pour exprimer vos besoins (moyens humains, besoins de formation, adaptations matérielles...),
- informer les parents des élèves lorsqu'ils·elles ne sont pas accompagné es à hauteur de leurs ⋅ besoins,
- demander des audiences dans les DSDEN, organiser des rassemblements, des grèves, des mobilisations ;
- s'appuyer sur les luttes en cours (défense des services publics, exigence d'un plan d'urgence pour des moyens dans l'école publique) pour porter vos revendications sur l'école inclusive.
Pour l'école inclusive, gagnons un statut pour les AESH !
La défense de l'école inclusive ne peut se passer d’une défense des droits des AESH et vice-versa. S’il y a bien une constante dans le discours du ministère de l’Éducation nationale concernant l’école inclusive, c’est celle du mépris à l’égard des personnes qui la font vivre au quotidien : les accompagnant·es des élèves en situation de handicap.
Depuis des années, nous n’avons cessé de dénoncer les salaires de misère, impactés par des temps incomplets imposés, l’absence de reconnaissance professionnelle, incarnée par le refus d’accorder un statut de la Fonction publique et le manque de formation.
Les récentes avancées arrachées au ministère (grille indiciaire, CDIsation au terme de 3 ans de CDD) ne changent rien à la précarité structurelle imposée aux AESH. Tant que la contractualisation des AESH perdurera, tant que la grille salariale sera fixée au plus bas, la situation ne pourra évoluer. Le ministère considère les AESH comme une variable d’ajustement de sa politique en matière d’école inclusive, qui ne repose que sur des impératifs économiques, bien éloignés d’une réflexion sur les moyens dont l’École a besoin pour s’adapter à l’accueil inconditionnel de tou·tes les élèves.
SUD éducation revendique pour les AESH un statut de la fonction publique, par la création d’un métier d’éducateur·trice scolaire spécialisé·e, la reconnaissance d’un temps plein correspondant à 24h d’accompagnement, des hausses importantes de salaire et une formation initiale et continue ambitieuse.
SUD éducation revendique :
- des moyens pour accueillir et répondre aux besoins de tous les élèves qu’importe leur situation scolaire, sociale, administrative, leur origine ou leur handicap… sur tout le territoire, · la création massive de postes d’AESH, de RASED, d'ATSEM, de personnels médico-sociaux, d’enseignant·es spécialisés.es ou pas, de CPE, d'AED et d’interprètes, et la titularisation des personnels contractuel·les
- la création d’un vrai statut de la Fonction publique d’éducateur·trice scolaire spécialisé·e pour les AESH,
- la baisse des effectifs par classe,
- une véritable formation initiale et continue à l’inclusion scolaire adaptée aux besoins des élèves et des personnels avec des temps de co-formation et de concertation pour tous les personnels,
· l’adaptation des bâtiments et du matériel scolaire, - du temps de concertation hebdomadaire institutionnalisé et consacré à l'inclusion des élèves à besoins spécifiques en partenariat avec le secteur médico-social.