[Brochure n°95 – VSS] Dans l’éducation nationale, ces violences font l’objet d’une omerta !

Cet article est issu de la brochure n°95 "Agir contre les violences sexuelles et sexistes au travail"

Chaque jour, en France, des femmes sont victimes de violences psychologiques, verbales, économiques, médicales, physiques ou sexuelles. Selon l’OMS, « une femme sur trois est victime de violence physique ou sexuelle ». On compte 102 féminicides en 2020, 122 en 2021, 147 en 2022 et déjà plus de 90 en septembre 2023 . En moyenne, 94 000 femmes sont victimes de viol(s) et/ou de tentative(s) de viol chaque année. En France, il y a eu 142 310 plaintes pour violences conjugales en 2019.

La Convention européenne dite d’Istanbul (ratifiée le 4 juillet 2014 par la France) donne cette définition des violences sexistes et sexuelles : « tous les actes de violence fondés sur le genre qui entraînent ou sont susceptibles d’entraîner pour les femmes des dommages ou souffrances de nature physique, sexuelle, psychologique ou économique, y compris la menace de se livrer à de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou privée ».

Les violences sexistes et sexuelles contre les femmes ne sont pas des actes isolés, elles contribuent à maintenir un système patriarcal, fondé sur la domination et l’exploitation des femmes. Les violences sexistes et sexuelles fonctionnent ensemble et on observe un continuum de ces violences : c’est parce qu’il y a un sexisme ordinaire qui est toléré dans notre société que des violences plus graves sont commises contre les femmes. Toutes les femmes ont été et sont concernées, quel que soit leur âge, leur classe sociale, leur emploi, leur apparence, leur origine, leur lieu de vie...

Lutter contre les violences qui s’exercent contre les femmes, c’est lutter pour les droits de toutes les femmes.
Dans l’Éducation nationale, les violences sexistes sont courantes et impunies. Stop aux violences sexuelles et sexistes dans nos vies quotidiennes et sur nos lieux de travail !

SUD éducation intervient auprès de l’Éducation nationale et du Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI) pour que l’administration prenne enfin ses responsabilités et sa part dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Notre employeur doit respecter la loi !
La circulaire du 9 mars 2018 relative à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes dans la fonction publique définit la politique qui devrait être mise en œuvre par les employeurs publics. Néanmoins, sur le terrain, les équipes de SUD éducation font le constat qu’elle est peu, sinon pas, appliquée. Partout les rectorats et les universités justifient leur manquement par un manque de temps et de moyens dédiés. SUD éducation revendique l’application pleine et entière de cette circulaire avec les recrutements de personnels nécessaires.
Les violences sexistes et sexuelles sont punies par la loi. Toutefois les textes en vigueur dans la Fonction publique indiquent qu’indépendamment des poursuites pénales, l’administration doit entreprendre certaines actions lorsqu’un cas de violence(s) sexiste(s) et/ou sexuelle(s) est porté à sa connaissance.

L’administration doit mener des actions de prévention.
• « Un plan de formation ambitieux » (selon la circulaire du 9 mars 2018) pour les chef·fes, les référent·es égalité, les DRH, les représentant·es des personnels. Aujourd’hui, bien au contraire, loin d’être obligatoire, cette formation n’offre pas de places suffisantes pour les volontaires et une minorité d’agent·es y participent. En l’absence de formation, ces personnels continuent d’adopter des attitudes qui renversent les responsabilités des violences en demandant par exemple aux collègues victimes de harcèlement sexuel : « et vous étiez habillée comment ? »
• Des formations pour les élèves : la loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001, article L.312-16 prévoit qu’ « une information et une éducation à la sexualité [soient] dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles et par groupes d’âge homogène. » Or, sur le terrain, une enquête de Nous Toutes démontre que les élèves du secondaire bénéficient d’en moyenne 2,7 séances entre leur 6e et la fin du lycée sur les 21 prévues par la loi.
• « Informer et sensibiliser le plus grand nombre d’agent[·e]s sur les situations de violences et les acteurs à mobiliser » (circulaire du 9 mars 2018) : via des affichages, des dépliants, des réunions de sensibilisation des agent·es une fois par an. Mais sur le terrain il n’y a bien souvent aucune information de la part de l’employeur.

L’administration doit agir sur les situations de violences sexistes et sexuelles.
L’administration doit mettre en place une cellule d’écoute et un circuit RH de traitement des signalements, alors qu’aujourd’hui, sur le terrain, leur mise en place est laborieuse et leur fonctionnement reste opaque. L’arrêté du 31 juillet 2023 relatif au dispositif de recueil et de traitement des signalements des actes de violence, de discrimination, de harcèlement et d’agissements sexistes dans la fonction publique doit guide le déploiement ces cellules dans les académies.
Protéger et accompagner les victimes avec l’attribution de la Protection fonctionnelle. Celle-ci engage l’administration à mettre en œuvre toute action appropriée pour faire cesser les violences, à apporter une assistance juridique et à réparer le préjudice subi. Mais sur le terrain, obtenir la Protection fonctionnelle relève du parcours de la combattante : trop souvent l’administration ne prend pas la peine de répondre ou refuse d’agir tant que l’agresseur n’a pas été condamné pénalement.
Pourtant la circulaire du 9 mars 2018 indique : « il est rappelé que la responsabilité de l’employeur peut être engagée en cas de carence en matière de prévention, de protection et de traitement des violences dont peuvent être victimes les agents publics sur leur lieu de travail, indépendamment des actions pouvant être conduites à l’encontre des personnes à l’origine de ces violences. »
Par ailleurs, la réglementation incite l’employeur à « étendre l’application de ces dispositifs aux violences et au harcèlement d’origine extra-professionnelle détectés sur le lieu de travail ». Ainsi, les formations spécialisées des CSA peuvent être alertées pour proposer des mesures d’accompagnement pour des femmes victimes de violences conjugales par exemple.
SUD éducation revendique l’obtention d’autorisation d’absence afin de pouvoir faire les démarches nécessaires ainsi que la possibilité de muter rapidement lorsque l’éloignement du conjoint violent est nécessaire.

L’administration doit sanctionner les auteurs de violences sexuelles et sexistes.
La circulaire du 9 mars 2018 incite l’employeur public à l’exemplarité dans la sanction des violences sexistes et sexuelles : « les actes constitutifs de violences sexistes et sexuelles doivent être sanctionnés par le biais de la procédure disciplinaire et/ou par le juge pénal. » Il est explicitement stipulé que les procédures pénales et administratives sont indépendantes. L’administration doit agir en deux temps : d’abord par mesure de suspension de l’auteur présumé des faits le temps de l’enquête administrative, puis en prenant des sanctions disciplinaires.
Mais, sur le terrain, l’administration refuse de suspendre de manière préventive les auteurs présumés des violences, trop souvent ce sont les victimes qui sont déplacées. SUD éducation dénonce cette maltraitance de l’administration à l’égard des agent·es contraint·es de côtoyer chaque jour leur agresseur. Les conséquences psychologiques, physiques et financières pour les victimes sont terribles.

L’omerta doit cesser ! Des moyens pour lutter efficacement contre les violences !
Les difficultés à mettre en œuvre une véritable politique de lutte contre les violences résultent d’un problème crucial dans l’Éducation nationale : l’absence de médecine du travail et plus généralement de personnels pour un accompagnement médico-social des agent·es. L’Éducation nationale compte seulement 82 médecins du travail pour effectuer le suivi médical de plus 1,1 million d’agent·es. L’action des représentant·es syndicaux·ales dans les instances de référence pour intervenir sur la santé et la sécurité des agent·es au travail, est sans cesse entravée.
La circulaire du 9 mars 2018 est une avancée. À présent, il faut gagner les moyens de la faire appliquer : partout, des personnels doivent être recrutés pour mettre en œuvre des actions de formation, de prévention, pour recevoir et accompagner les victimes, et pour traiter les situations y compris en formant sur les sanctions administratives à prendre contre les agresseurs.
SUD éducation encourage tous·tes les membres du personnel à se réunir pour sortir du silence et à exiger de leur hiérarchie des formations sur le lieu de travail pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles !

Il faut détruire la culture du viol !
Dans notre société patriarcale, les violences à l’égard des femmes et des minorités de genre permettent de les maintenir dans une position de domination. Il faut comprendre les violences sexistes et sexuelles comme un ensemble, un continuum : c’est parce qu’il y a des violences quotidiennes que des violences plus graves peuvent survenir. Par exemple, le harcèlement sexuel aura plus facilement cours dans un environnement où le sexisme est toléré par le groupe social, et les situations de harcèlement sexuel ou de violence sexiste constituent un terreau favorable aux agressions sexuelles. Le sexisme au quotidien habitue les femmes et les personnes composant les minorités de genre à la violence des hommes.