[Brochure n°95 – VSS] La protection fonctionnelle : un dispositif pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles au travail

Cet article est issu de la brochure n°95 "Agir contre les violences sexuelles et sexistes au travail"

Dans l’Éducation nationale, les violences sexistes sont courantes et impunies.
Si 1 femme sur 5 affirme avoir vécu des situations de violences au travail, seulement 5% portent plainte pour les dénoncer.
La circulaire du 9 mars 2018, qui prévoit la protection des victimes de violences sexistes et/ou sexuelles, n’est que partiellement appliquée : les collègues qui ont dénoncé les violences subies ne bénéficient pas, selon les situations et les académies, d’une protection et d’un accompagnement convenables.
Pourtant l’employeur est responsable de la santé et de la sécurité des agent·es sur leur lieu de travail !

Responsabilité et obligation de l’employeur

L’employeur doit tout mettre en œuvre pour éviter toute forme d’agissement sexiste et de harcèlement dans son entreprise, son service. L’employeur informé d’une situation de violence sexiste ou sexuelle doit intervenir immédiatement et mener une enquête sérieuse et impartiale pour la faire cesser et sanctionner le cas échéant son ou ses auteurs.

Article L4121-1 du code du travail : l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleur·euses.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

Article L1153-5 du code du travail : l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d’y mettre un terme et de les sanctionner. Dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l’embauche, les personnes mentionnées à l’article L. 1153-2 sont informées par tout moyen du texte de l’article 222-33 du code pénal.

La protection fonctionnelle dans le cadre des violences sexistes et sexuelles au travail

Bénéficiaires
Le terme d’agent·e public recouvre l’ensemble des fonctionnaires ou ancien·nes fonctionnaires, mais aussi les agent·es non titulaires de droit public (assistant·es d’éducation, AESH, contractuel·les). De par la jurisprudence, cette notion tend à s’étendre à divers contrats de droit privé au titre de la participation à l’exécution d’une mission de service public, et même à des collaborateur·rices occasionnel·les du service public dans certains cas.

Actions pouvant être déclenchées par la protection fonctionnelle
• L’obligation de prévention : une fois informée des agissements répréhensibles, l’administration doit mettre en œuvre toute action appropriée pour éviter ou faire cesser les violences auxquelles l’agent·e victime est exposé·e, même lorsqu’aucune procédure judiciaire n’est enclenchée (par exemple, mesure interne de changement d’affectation voire suspension de la personne présumée agresseur dans l’attente du conseil de discipline).
• L’obligation d’assistance juridique : il s’agit principalement d’apporter à l’agent·e victime une aide dans les procédures juridictionnelles engagées ; l’administration peut payer les frais de l’avocat·e désigné·e par l’agent·e victime, dès lors qu’elle a signé une convention avec celui/celle-ci et à certaines conditions.
• L’obligation de réparation : la mise en œuvre de la protection accordée par l’administration ouvre à la victime le droit d’obtenir directement auprès d’elle la réparation du préjudice subi du fait des attaques.

Conditions de mise en œuvre
Les atteintes donnant lieu à la protection de l’agent·e doivent affecter celui/celle‐ci et être en rapport avec l’exercice des fonctions. Sont notamment visés les agissements sexistes (article L1142-2-1 du code du travail et article 131-3 du Code Général de la Fonction Publique), les agressions sexuelles (articles 222-22 et 222-22-2 du Code Pénal), le harcèlement sexuel (article L1153-1 du code du travail et Article 222-33 du code pénal).

Procédure
L’agent·e victime de préjudices liés à l’exercice de ses fonctions doit en tout premier lieu les signaler à son/sa supérieur·e hiérarchique.
Il ou elle doit produire :
- Un courrier sollicitant la mise en œuvre de la protection statutaire adressé au Recteur ou à la Rectrice dans le second degré, au ou à la DASEN dans le premier degré, sous couvert du ou de la responsable hiérarchique ;
- Un rapport circonstancié comportant un avis sur le lien de causalité entre les dommages subis et les fonctions exercées ;
- Si une poursuite pénale est engagée, le texte du dépôt de plainte auprès des autorités de police judiciaire. Il n’est pas nécessaire d’entamer une procédure pénale pour demander la protection fonctionnelle.

La protection fonctionnelle face aux violences sexistes et sexuelles : un dispositif à faire appliquer !

Selon les académies, l’administration apporte des réponses très hétérogènes aux demandes de protection fonctionnelle. Dans certains cas, l’administration réagit positivement, accompagne le/la collègue et lui ouvre l’intégralité des droits issus de la protection fonctionnelle : accompagnement juridique, mesures de prévention et de réparation. Néanmoins trop souvent, la protection fonctionnelle est refusée ou n’est que partiellement appliquée.

Les cas de refus de la protection fonctionnelle
L’administration refuse la protection fonctionnelle quand elle est incapable d’apporter des solutions et un accompagnement à l’agent·e. L’obtention de la protection fonctionnelle résulte dans certaines académies et selon les violences de l’ouverture d’une enquête administrative. L’agent·e ne dispose pas de la protection nécessaire pendant la durée de l’enquête en raison du refus de l’administration de suspendre avec traitement, à titre préventif, le/la collègue accusé·e au moins pendant la durée de l’enquête administrative. La protection de la santé de l’accusé·e prime sur celle de l’agent·e qui a dénoncé des violences pour l’administration.
Par ailleurs, dans certains cas, l’administration refuse de dispenser la protection fonctionnelle lorsque l’agent·e n’a pas porté plainte ou lorsque la plainte a été classée sans suite. Or, cela est en contradiction avec les textes réglementaires. De plus, dans un contexte de prise en charge défaillante par la justice des violences sexistes et sexuelles, conditionner l’accord de la protection fonctionnelle à un dépôt de plainte est une violence supplémentaire et un aveu d’ignorance de la réalité.

Une application partielle
L’administration accorde parfois la protection fonctionnelle de manière partielle. Là encore, cette décision n’est pas conforme aux textes réglementaires. On a pu observer que l’administration n’acceptait, dans certains cas, que de participer à l’accompagnement juridique des agent·es, sans mettre en œuvre les mesures de prévention et de réparation qui composent pourtant le dispositif de protection fonctionnelle.

Dans tous les cas, il faut se battre !
Trop souvent, l’obtention puis l’application de la protection fonctionnelle est un parcours semé d’embûches. Il faut batailler pour faire appliquer chaque disposition et pour faire respecter les droits des collègues. L’application de la protection fonctionnelle pour les personnels victimes de violences sexistes et sexuelles au travail est un enjeu majeur, SUD éducation accompagne les personnels dans leur démarche pour que l’employeur assume ses responsabilités et protège les personnels.

Délais

Aucun texte n’impose de délai pour demander la protection.
En cas de refus, l’administration doit informer l’agent·e par écrit. Elle doit préciser à l’agent·e les motifs de son refus et lui indiquer les voies et délais de recours.
L’absence de réponse dans un délai de 2 mois suivant la réception de la demande vaut décision implicite de refus. Il faut alors demander le motif de refus par écrit.
La protection fonctionnelle accordée à un·e agent·e constitue une décision créatrice de droits. Ainsi, la protection fonctionnelle ne peut pas être rétroactivement retirée plus de 4 mois après sa signature. Cependant, le retrait est possible si la protection fonctionnelle a été obtenue par fraude.
En revanche, la protection fonctionnelle peut être abrogée si les faits invoqués à l’appui de la demande de protection ne sont pas établis.

Modèle de demande

Mme / M. …
Lieu d’exercice
à
Monsieur le Recteur ou Madame la Rectrice / le DASEN ou la DASEN (suivi de l’adresse)
s/c de votre supérieur·e hiérarchique
A lieu, le date

Objet : Demande de protection fonctionnelle

Monsieur, Madame le Recteur/ le DASEN
Je demande par la présente à bénéficier de la protection fonctionnelle en application des dispositions des articles L134-1 à L134-12 du Code Général de la Fonction Publique.
En effet,
Indiquer les événements qui motivent la demande de protection :
• préciser les faits et leur chronologie,
• indiquer l’identité des auteurs du dommage et les préjudices invoqués,
(Joindre tout élément de preuve des faits : témoignages, certificats médicaux, correspondance, …).
Dans la mesure du possible préciser les modalités dont vous souhaitez bénéficier au titre de la protection (soutien, assistance juridique, pris en charge des frais et honoraires d’avocat, prise en charge des frais de procédure)
Vous trouverez ci-joints le rapport de service fait à mon ou ma supérieur·e hiérarchique ainsi que le dépôt de plainte que j’ai immédiatement déposé suite à ces faits.

Je vous prie de croire, Monsieur Le Recteur / Madame La Rectrice / le / la DASEN, en l’assurance de mes respectueuses salutations.

SIGNATURE

Liste des pièces jointe :
• Pièce jointe n°1 :
• Pièce jointe n°2 :